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anthologie - Page 3

  • Destin

    neuhuys,paul,on a beau dire,poésie,destin,anthologie,littérature française de belgique,écrivain belge,cultureNous avons tous notre destin

    Que laisserai-je à mes enfants
                       et à mes frères ?
    Que laisserai-je du festin
    que fut ma vie ? Un vieux carquois
    qui servit à je ne sais quoi
                       de téméraire
    deux exemplaires défraîchis
    d'anciens poètes d'aujourd'hui
                       
    le mal d'écrire
    et le tourment d'avoir aimé
    tant pour de bon que pour de rire 
                       le monde entier

    Paul Neuhuys, Octavie (1977)

    Portrait de Paul Neuhuys, gravure xylographique de Luc Boudens (2000) d'après un dessin de Floris Jespers (1921)





     

  • Style

    Percuteur  caillou  nucléaire
    expression  juste  de la pensée
    le style  coupé  de  La Bruyère
    le style  tranchant,  le style  zéro
    neuhuys,paul,on a beau dire,poésie,anthologie,littérature française de belgique,écrivain belge,culturele parler  coquillard  du curé de Meudon
    le charabia  des cachots

    le style  qui sévit,  après Sévigné

    le style  roche tarpéienne
    près du style  Capitole
    le style  « allo qui est à l’appareil »
    le style  « je ne supporterai pas
    d’être  tripotée par cet homme »
    le style  inondation
    océanique,  bilboquet
    haletant,  constipé
    le style  cliquetis de pivert
    le style  cavalcade historique
    le style  phylactère
    photographique,  automatique
    pied de nez,  poum par terre
    La poésie  oblige  à ramasser son style
    style de vie,  style de rien
    un style  en  mille  morceaux

     

    Paul Neuhuys, La Draisienne de l’Incroyable, 1959 (On a beau dire)

  • On a beau dire

    ART POETIQUE

     

    Ecrire en vaut-il la peine

    Des mots, des mots

    Pourtant il ne faut pas dire : Hippocrène

    je ne boirai plus de ton eau.

     

    La poésie,

    je la rencontre parfois à l’improviste

    Elle est seule sous un saule

    et recoud ma vie déchirée.

     

    Ecoute le son de la pluie dans les gouttières de zinc

    Aime les formes brèves et les couleurs vives

    Foin des natures mortes et des tableaux vivants

    Fous-toi de la rime

    Que la tour d’ivoire devienne une maison de verre

    et se brise.

     

    Epitaphe :

     

    Encor qu’il naquit malhabile

    Il ne resta point immobile

    Et disparut chez les Kabyles

    D’un accident d’automobile.

     

    Paul Neuhuys, Le Canari et la Cerise, 1921. 

    Plumes rangées.JPG

    Parmi les poètes belges, c’est un de ceux à qui je reviens régulièrement, je sais qu’il me fera sourire à coup sûr. On a beau dire de Paul Neuhuys (1897-1984) est un volume de la collection Espace Nord, une anthologie qui rassemble des poèmes de 1921 (Le Canari et la Cerise) à 1984 (L’Agenda d’Agenor).  

    Que vous dire de cet Anversois épris de langage et de liberté et de liberté du langage poétique ? Le blog de la Fondation Ca ira ! le présente comme « le principal animateur du groupe et de la revue Ça ira, éditeur attentif et persévérant, poète témoin tour à tour optimiste et pessimiste, de son siècle (…) » Paul Neuhuys était l’ami de Max Elskamp, de Ghelderode, de Hellens, de Norge, entre autres. Il a publié discrètement, à des tirages limités, « des recueils où il affiche une superbe liberté de ton. » (Paul Emond)

     

    Dans cette précieuse anthologie tissée de fils de différentes couleurs, aux motifs de fantaisie, je déroule tantôt l’un, tantôt l’autre : la ville, la poésie, l’amour, les fleurs, le voyage, la fête… Un seul mot, souvent, suffit à titrer ses poèmes : « Histoire », « Palmarès », « Lobélie »… Des textes courts, rythmés, et savoureusement imprévisibles. Pour vous, aujourd’hui, j’ai tiré sur le fil de la poésie. 

    Plume irisée.JPG 

    ART POETIQUE

     

    Cent fois, j’ai déposé mon crayon sur la table,
    et cent fois remisé mon cochon à l’étable,
    pour que passe en mes vers un souffle délectable.

    O poète local, ô poète vocal,

    On dira que tes jeux de style sont factices

    que de plaire en parole et d’aimer en peinture
    fut ta seule façon de goûter la nature,

    Châteaux de cartes, Pont des Soupirs, Boîte à Malices,

    que le temps balaiera un si frêle édifice.
    Mais l’art des vers est, comme l’amour, disparate.

    C’est à vouloir viser trop haut que l’on se rate.

     

    Paul Neuhuys, La Fontaine de Jouvence, 1936.

  • flamand & français

    La poésie est une respiration. Je n’ai pas dit une pause. Encore moins une pose – la poésie est sans affectation. Sur la page, le poème prend la place qu’il veut, il l’occupe comme lui seul peut le dire. Il ouvre un autre temps, il ne suit pas l’actualité. L’éternité ? Peut-être. 

    Chat au jardin.JPG

     

    Francis Dannemark a publié en 2005, « comme une boîte de chocolats, sans explication ni mode d’emploi », un recueil de poèmes belges sous le beau titre 
    Ici on parle flamand & français : « J’ai voulu rassembler ici un petit nombre de poèmes (et quelques aphorismes) parmi tous ceux qui ont été composés depuis un siècle dans le pays où je suis né et où je vis encore aujourd’hui. C’est un petit pays à la frontière de deux mondes (on dit deux pour faire simple, en réalité ils sont bien plus nombreux) et l’on y parle principalement le flamand et le français. » Dans une même anthologie en langue française se côtoient deux univers linguistiques, par la grâce de la traduction et de l’esperluette.

     

    Des poètes connus, méconnus. J’y ai glissé tant de signets qu’il m’est difficile de choisir. En citer plusieurs ? C’est tentant, mais non. J'écarte aujourd’hui les plus joyeux, les plus tristes. A chacun sa page, son heure, son jour – ou sa nuit. Place à Leonard Nolens (un Anversois né en 1947), traduit par Marnix Vincent.

     

    Vermoeidheid / Lassitude

     

    Quand nous, les grandes personnes, sommes las

    De causer les uns avec les autres,

    Quand nous sommes las de dormir

    Les uns avec les autres, de nous promener

    Et de commercer les uns avec les autres,

    De dîner et de guerroyer

     

    Les uns avec les autres, quand nous sommes si las

    Les uns des autres, de toute cette réciproquerie

    Des uns et des autres, alors nous posons le chat

    Sur notre épaule, entrons dans le jardin

    Et cherchons les voix enfantines derrière

    Les hautes haies et dans la cabane de l’arbre.

     

    Et silencieux, nous couchons notre lassitude

    Dans l’herbe, et les années qui, lourdes

    Et sombres, dormaient dans l’ourlet

    De notre manteau se dénudent là-haut

    Dans un gosier de gamin et dansent en

    Sautillant dans une bouche humide de fillette.

     

    Quand nous, les grandes personnes, sommes las

    De causer,

    De causer,

    De causer les uns avec les autres,

    Nous entrons dans le jardin et nous nous passons sous silence

    Dans le chat, dans l’herbe, dans l’enfant.

     

     (Laat alle deuren op een kier / Laissez toutes les portes entrouvertes, 2004)