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Exposition - Page 67

  • Le ravin (1913)

    Rik Wouters Le ravin KMSKA.jpg

    « Cher Simon,

    (…)

    J’ai même trouvé, grâce au beau temps, un très beau sujet. Sous-bois d’automne très mouvementé, grandes bosses de terre qui culbutent en formant un très profond ravin, reliées ensemble par un petit pont, genre arcade romaine, en brique rouge salies (sic) et sur ces bosses, encore des bosses. Bordées de mousses vertes noires avec des mouvements de serpent, des arbres qui ne sont pas plantés droit au fond du ravin. Et le soleil bougeant la-dessu (sic), rien ne reste à place et cela gueul (sic) en rouge et jaune, vert, gris tendre, noir et rose. Rot, rot, bien pourri et sentant le moisi humide. Tout cela vu d’en-haut (sic). Enfin la première chose qui m’emballe depuis ton départ. Je fais de mon mieux mais si le temps change, c’est foutu !...

     

    Tout à toi. »

     

    Rik Wouters

    (Guide du visiteur, Rik Wouters. Chefs-d'oeuvre, Schepenhuis, Malines)

  • Rik Wouters & Nel

    Malines (Mechelen), la ville natale de Rik Wouters (1882-1916), lui rend un très bel hommage au Musée Schepenhuis (Maison échevinale), une superbe demeure ancienne où les toiles et les sculptures du « fauve brabançon » ont trouvé et de la lumière et de l’espace, en dialogue avec l’architecture. Rik Wouters. Chefs-d’œuvre : ce sont les œuvres maîtresses de la collection du Musée Royal des Beaux-Arts d’Anvers (KMSKA) actuellement en rénovation et quelques œuvres des musées communaux. Une exposition « à taille humaine ». 

    Rik-Wouters Femme lisant.png 

    Dès l’entrée, et en particulier par une de ces lumineuses journées que l’automne nous offre cette année, on est pris par l’atmosphère du lieu – haut plafond, hautes fenêtres à petits carreaux, poutres sculptées – où un escalier en colimaçon et des passerelles de fer et de verre permettent de circuler d’un étage, d’une pièce à l’autre. Chaque visiteur reçoit un petit guide (disponible en plusieurs langues) qui présente la vie et l’œuvre de Rik Wouters, des écrits du peintre, et reprend en petit format toutes les œuvres exposées.

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    Près du comptoir d’accueil, caressée par la lumière, une première sculpture en pied pour laquelle a posé Nel, l’épouse et le modèle du peintre. Plus loin, une Etude de nu où ses longs cheveux cachent son visage illustre d’emblée le refus du fini : Rik Wouters laisse apparaître par endroits la toile vierge, étend là du bleu, là du jaune, laisse l’air circuler, peint comme à l’aquarelle. Mais regardons d’abord ce magnifique buste intitulé Contemplation, ces torses où Nel est coiffée comme d’habitude d'un chignon. « Quand (sic) à moi, vivre c’est peindre, sculpter et dessiner aussi simplement que manger. Je n’ai qu’un modèle : la nature. » (1914)

     

    A l’étage, une première salle de peintures rappelle la vie du couple à Boitsfort, près de la Forêt de Soignes. Rik Wouters peint une rue, de simples maisons aux façades colorées, une maison rouge avec sa porte jaune à l’angle d’une rue enneigée, du linge qui sèche dans un jardin à l’arrière, les toits rouges sur lesquels s’ouvre une fenêtre. Ou encore la chapelle de Notre-Dame de Bonne Odeur, familière aux promeneurs de la forêt de Soignes, un ravin, une cavalière entre les hêtres.

     

    J’ai aimé Le vieux noyer dans un jardin où un homme se tient près d’un mur de ce rouge un peu brun qu’affectionne le peintre : à travers les frondaisons, on aperçoit les jeux du soleil sur une maison blanche, plus loin, un clocher, du ciel bleu. C’est simplement beau. Et j’ai vu deux toiles malinoises que je ne connaissais pas, qui montrent l’une, un peintre à son chevalet sur un pont de la ville, l’autre, la terrasse du jardin botanique, une promenade fleurie et animée.

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    Nel est au cœur de deux grandes toiles magistrales. D’abord La repasseuse (1912) : dos à la cheminée surmontée d’un miroir (ceux qui connaissent bien Rik Wouters reconnaîtront le décor familier), Nel lève un instant les yeux du linge qu’elle repasse sur la table. Corbeille de linge, cheminée, vase, lampe, tous les objets respirent avec elle, autour d’elle sur cette toile où il y a beaucoup de blanc, c’est magnifique. Et très différent d’Automne (1913) où Nel, une écharpe bleue autour du cou, se montre dehors à la fenêtre donnant sur le jardin, presque aussi statique que la plante verte près d’elle. Les couleurs automnales envahissent tout l’espace dans une fusion entre l’extérieur et l’intérieur, la végétation et la figure humaine. Wouters admirait Cézanne, on voit ici qu’il s’intéressait aussi à Matisse.

    Rik Wouters Affiche de l'exposition.jpg 

    Allez à Malines, vous y découvrirez ensuite d’autres portraits, principalement de Nel – une superbe Femme lisant en robe rayée rouge et blanche – et, parmi les autoportraits, le formidable Autoportrait au cigare de ce peintre arraché trop tôt à la vie, à trente-quatre ans. Ne manquez pas, dans la salle des natures mortes, la Table d’aquafortiste, ni, hors catégorie, L’éducation, où l’on voit Nel et une fillette à table, occupées à regarder des images, une de ces merveilleuses scènes d’intérieur qui inspiraient toujours Rik Wouters, le peintre de la vie quotidienne. « Alles is schoon als je het maar zien kan » (Tout est beau si seulement tu sais le voir), cette phrase de Rik Wouters figure sous un trompe-l’œil dans une rue du centre de Malines, une ville où il fait bon flâner.

  • Intérieur

    « L’intérieur de la maison ne démentait pas la banalité de l’apparence extérieure. […] Lorsqu’on pense au luxe et au raffinement avec lesquels Matisse choisissait chaque objet qui l’entourait, on reste confondu. Mais Bonnard n’avait nul besoin de fauteuils vénitiens, de vases chinois, pour créer la féerie autour de lui. Son pinceau poétisait les objets les plus quotidiens, des tubulures de radiateur à la vétuste baignoire ; il leur communiquait une vie mystérieuse et chatoyante. Peu lui importait (sic) les ateliers improvisés, granges, chambres d’hôtel. Il avait le luxe en horreur ; les somptueuses installations l’intimidaient et, somme toute, un certain inconfort lui convenait. » 

    Brassaï, Les artistes de ma vie (cité dans le catalogue de « Bonnard et Le Cannet. Dans la lumière de la Méditerranée », Le Cannet, 2011)

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    http://www.lecannet.fr/page-627-de-la-villa-du-bosquet-au-musee-bonnard.html

     

     

     

  • Au Musée Bonnard

    Pierre Bonnard (1867-1947) a enfin son musée, le premier qui lui soit exclusivement dédié. Le Cannet, où il a vécu ses dernières années, a soigné la métamorphose de l’Hôtel Saint-Vianney, d’architecture Belle Epoque, tout près de la mairie, en musée accueillant, lumineux, paisible, presque appuyé à l’église Sainte-Philomène (où eurent lieu les obsèques du peintre) qu’on peut admirer par les fenêtres. Cage d’escalier en marbre blanc ponctué de noir, boiseries claires prolongées par de larges lattes de parquet au bord du carrelage taupe des salles, murs gris clair, stores discrets, la rénovation des lieux leur confère confort et douceur. 

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    L’exposition inaugurale, « Bonnard et Le Cannet. Dans la lumière de la Méditerranée » (26 juin - 25 septembre 2011) se visite en descendant à partir du cinquième étage, accessible par ascenseur. Elle s’ouvre sur un Autoportrait de 1930 au regard inquiet, attentif : le peintre y porte ses lunettes rondes, la lumière solaire court sur son visage, sur les rayures de son vêtement, sur le fond derrière lui – le jaune, une couleur qu’il explore dans toute sa gamme et qu’on retrouve dans tous les autoportraits exposés ici, dont le célèbre Boxeur

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    Autoportrait (1930) gouache, crayon et aquarelle © Adagp © Triton Foundation, Pays-Bas

    La première fois que Bonnard découvre le Var et la Côte d’Azur, il est ébloui : « J’ai eu un coup des Mille et Une Nuits, la mer, les murs jaunes, les reflets aussi colorés que les lumières », écrit-il en 1909. Devant Le port de Saint-Tropez (1911 – Metropolitan Museum, New-York), une toile presque carrée, un de ses formats préférés, le regard glisse vers la mer entre les murs ocre des maisons aux ombres bleues – on aperçoit ensuite, dans le coin inférieur droit, de profil, Marthe, son épouse, son modèle, omniprésente dans son œuvre.

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    Bonnard a peint au Cannet près de trois cents tableaux et gouaches. Environ soixante paysages, intérieurs et autoportraits sont proposés aux visiteurs pour quelques jours encore, sur trois niveaux. Des acquisitions, des dépôts, des prêts. Marines, voiliers, vues de la côte, jardins, et des scènes intimistes à l’intérieur de la villa Le Bosquet, une maison rose aux volets verts qu’il avait agrandie pour y aménager un atelier, y accueillir des amis (les Hahnloser, Matisse, entre autres) et dotée d’une salle de bain à l’intention de Marthe : il peint celle-ci partout, dans le jardin, à table, à sa toilette, nue, habillée, éternellement jeune.  

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    Le toit de la Villa Le Bosquet, presque invisible de l'avenue Victoria (ne se visite pas)

    La salle à manger au Cannet (1932 – dépôt du musée d’Orsay) est merveilleuse. Au premier plan, sur une nappe blanche, un plat fleuri, une bouteille, quelques assiettes, un verre ; cela n’a rien d’une nature morte savamment agencée, les objets y semblent à leur place habituelle, comme cette boite au couvercle rouge au milieu de la table (le mur où est accrochée cette toile est exactement de cette couleur). Sur une chaise, derrière une corbeille de fruits, Marthe se tourne délicatement vers un chat blanc sur ses genoux, qui pointe le museau vers la table. Autour de cette scène familière, Bonnard fait chatoyer les couleurs des murs, des meubles, de la cheminée.

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    La Salle à manger au Cannet, 1932 (RMN / Patrice Schmidt © Adagp, Paris 2011)

     

    Tous les recoins de sa maison aux murs blanchis où la lumière pose des tons subtils inspirent le peintre : c’est La tasse de thé au radiateur (Marthe devant une théière noire, près d’une fenêtre) ; c’est Le placard blanc où il fait chanter des surfaces rouge orange, des bandes d’un bleu gris comme délavé, quelques touches de jaune ; c’est Le bain ou Baignoire, un sujet qui lui a donné du mal jusqu’à ce qu’il trouve la structure adéquate, en de multiples variations. Les petits agendas ouverts en vitrine sont pleins de croquis sur le vif, il y note les couleurs et toujours le temps qu’il fait : « beau », « orageux », « couvert ». De 1927 à 1946, il y tient ainsi son « répertoire de formes ». Lettre à Matisse en 1933 : « La peinture, c’est quelque chose à condition de se donner tout entier. »

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    La Côte d’Azur, The Phillips collection, Washington DC. © Adagp, Paris 2011

    Bonnard se promène chaque matin dans les collines du Cannet, fait provision de vues panoramiques, de jardins, de ciels. Côte à côte, deux paysages quasi identiques : le premier (1923), au ciel légèrement voilé au-dessus de la mer, fait émerger de la verdure des toits orange, des murs blancs, des pins ; dans le second (1924), tout vibre davantage, les stries nuageuses, les ombres à présent violettes, les frondaisons bleutées. La Côte d’Azur (The Phillips Collection, Washington DC) est un hymne à la végétation méditerranéenne : tous les verts, tous les bleus, réchauffés par les grappes du palmier et çà et là de petites touches d’un orange qui s’adoucit tout au fond, bordant le ciel au-dessus des collines.

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    Vue du Cannet © Musée Bonnard

    Grâce à la Fondation Meyer, le musée Bonnard possède une grande Vue du Cannet où les mimosas en fleurs et les toitures provençales poussent à la limite le contraste des couleurs chaudes et des couleurs froides, entre des palmiers bleus. La terrasse ensoleillée, un autre grand format, horizontal cette fois, déroule un paysage écrasé de soleil. Les murs d’une terrasse offrent de l’ombre, sur la droite, à une femme qui lit dans un transat, près d’un guéridon où un autre livre est posé, abondance de biens.

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    L’amandier en fleur © collection Centre Pompidou, dist. © Adagp, Paris 2011

    Se promener dans une telle exposition permet de passer de ces grands décors du Midi aux paysages plus simples, non moins riches en accents colorés et en émotions : Le nuage sur la mer, Méditerranée sous un ciel nocturne, Ciel d’orage sur Cannes, Baigneurs à la fin du jour. Et puis, et puis, après La route rose, La petite fenêtre, La porte de la villa « Le Bosquet », deux chefs-d’œuvre retrouvés : L’atelier au mimosa, qu’on admire ici d’une façon toute nouvelle, en regardant aussi le paysage par la fenêtre et, œuvre ultime, L’amandier en fleur, la joie de renaître peinte par un vieux peintre qui ne cessait de retoucher ses toiles et qui va mourir plus serein d’avoir ajouté un peu de jaune sous l’élan bleu et blanc de l’arbre aimé.

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    Le catalogue de « Bonnard et Le Cannet dans la lumière de la Méditerranée » comprend quelques extraits du journal et des souvenirs sur Pierre Bonnard par Gisèle Belleud, son élève de 1937 à 1947. Quand elle avait quinze ans, et déjà la volonté de peindre, sa mère l’avait menée chez le « grand peintre » qui habitait à un quart d’heure de marche de chez eux. D’abord réticent, il lui avait proposé de lui montrer de petits dessins, puis l’avait invitée à venir travailler avec lui dans l’atelier, tous les matins. Elle sera surtout portraitiste. Son précieux témoignage rend compte de leur travail et des jours difficiles, à la mort de Marthe puis, cinq ans après, du peintre.

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    En trois mois, le musée Bonnard a déjà atteint l’objectif de fréquentation qu’il s’était fixé pour sa première année. Le Cannet fut pour Bonnard « le théâtre d’une exploration de la couleur sans précédent » (Véronique Serrano, commissaire de l’exposition et responsable du musée). Le peintre de la « vibrante modulation de la couleur et de la lumière » (Roger Marx), à qui l’on reprochait au début la disparition du dessin, la mollesse des formes, l’ami de Signac, de Renoir, de Matisse, ce « peintre des amers et des météores, comme l’étaient avant lui Jongkind et Boudin » (Jean Clair) écrivait en 1946 : « Il ne faut pas peindre la vie, il faut rendre vivante la peinture. »

     

  • Sauvagerie

    « Je suis dans un pays superbe de sauvagerie, un amoncellement de rochers terrible et une mer invraisemblable de couleurs ; enfin je suis très emballé quoique ayant bien du mal, car j’étais habitué à peindre la Manche et j’avais forcément ma routine, mais l’Océan c’est tout autre chose. »

    Claude Monet à Gustave Caillebotte (Catalogue Monet au musée Marmottan et dans les collections suisses, Fondation Pierre Gianadda, Martigny, 2011)  

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    Claude Monet, Tempête sur la côte de Belle-Ile, 1886 (collection particulière)