Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Que tu sois là

Dans J’aimerais tellement que tu sois là (2011, traduit de l’anglais par Robert Davreu), Graham Swift suit le parcours – à moins que ce soit une dérive – du fils aîné du fermier Michael Luxton, à partir de la crise de la vache folle apparue en Grande-Bretagne.

graham swift,j'aimerais tant que tu sois là,roman,littérature anglaise,famille,couple,mort,culture

Quand leur bétail apparemment sain doit être abattu, leur père n’a eu aucun geste d’affection pour ses fils Jack et Tom, vingt-trois et quinze ans. « Il avait fait ce qu’il n’avait commencé à faire, de temps à autre, que depuis la mort de sa femme. Il avait regardé fixement ses pieds, le sol sur lequel il se tenait debout, et avait craché. »  De quoi précipiter la faillite qui menaçait la ferme Jebb depuis la mort de Vera Luxton, de même que la ferme voisine où Ellie Merrick, devenue la femme de Jack et vivant avec lui dans une villa au bord de la mer, vivait alors avec son père.

Les Luxton ont deux fois leur nom sur le monument aux morts de 1914-1918 et une médaille dont sa mère Vera racontait l’histoire à Jack, quand elle la sortait et l’astiquait, une fois par an, pour la commémoration de novembre à Marleston. Jack a participé pour la dernière fois au jour du Souvenir en 1994, avec son père et sans Tom, déjà parti. Accoucher d’un second fils avait fort affaibli Vera et Jack s’était souvent senti comme le père ou la mère du petit frère, avant que celui-ci se révèle plus intelligent, plus débrouillard et plus audacieux que lui. A l’aube même de ses dix-huit ans, Tom avait fui en même temps le père et la ferme pour s’engager à l’armée, il l’avait annoncé à Jack seul, qui le comprenait.

« ESB, puis fièvre aphteuse. » C’est Ellie, après la mort de leurs pères respectifs, qui a pris l’initiative de tout vendre et de s’installer sur l’île de Wight où ils- veillent sur « trente-deux unités blanches », les caravanes de leur camping Lookout. Quand ils apprennent la mort de Tom en Irak, la tension est grande entre Jack et Ellie, d’autant plus qu’elle a eu ces mots : « Eh bien, heureusement que c’est arrivé hors saison. »

Au moment où Jack, le dernier des Luxton en vie, va se mettre en route pour assister au rapatriement du corps de Tom, tout le passé familial lui revient, les bons souvenirs et les mauvais. Ce silence qui s’est incrusté entre eux après la mort de la mère, entre le père et ses fils, entre les frères, voilà qu’il éloigne aussi Ellie de Jack et Jack d’Ellie. C’est elle qui a pris les rênes de leur existence, mais cette fois, Jack attend autre chose d’elle, plus de soutien, de compréhension, et voilà qu’elle déclare ne pas vouloir l’accompagner à la cérémonie.

« Paysagiste de la mémoire, Graham Swift est aussi un romancier du silence qui refuse parfois de livrer ses clés, afin que son lecteur les découvre lui-même, au chevet de personnages souvent blessés, déboussolés, démunis face à leurs propres énigmes » a écrit André Clavel dans Le Temps. La mort rôde dans J’aimerais tellement que tu sois là, une atmosphère très éloignée du Dimanche des mères. Le romancier adopte ici le point de vue de Jack, un grand gars taiseux au cœur plus sensible qu’il n’y paraît, et rend palpable le tragique ordinaire, explicitant la réflexion qui ouvre le roman : « La folie n’a pas de limite, pense Jack, une fois qu’elle s’installe. »

Commentaires

  • C'est me semble- t-il le plus beau compliment que je puisse te faire: tu donnes envie de lire certains livres...
    Mais tu ne donnes pas la clé pour se débarrasser de toutes les envies qui attendent sur la table de chevet :-)

  • Oups, le billet du jeudi a pris de l'avance. Merci, Anne. J'aime bien partager les lectures que j'ai aimées, je laisse les autres dans l'ombre. Et ma liste de titres à découvrir est longue aussi.

  • Il faut une vie pour se définir, savoir qui l'on est, ce que l'on veut être et faire. Les joies et les chagrins nous aident à avancer, il nous faut accepter la perte de certains, c'est une tâche difficile que l'exercice de la vie ! Bises et douce journée Tania. brigitte

  • Oui, sans cesse nous reconstruire, et en particulier quand nous perdons un proche. D'autres naissent et chaque fois il nous faut renaître.

  • J'ai "le dimanche des mères" dans mes étagères", il faudrait déjà que je le sorte. L'histoire de celui dont tu parles aujourd'hui a l'air forte et complexe.

  • Ce sont deux romans très différents, l'un plutôt léger et séduisant, celui-ci nettement plus âpre.

  • Merci, Tania.
    122/5000
    Une histoire envoûtante sur des choses qui touchent et mettent à l'épreuve nos esprits, Wish You Were Here se penche également sur un monde plus large et affligé.

  • Vous avez raison, Jane, de souligner cette portée sociale du roman qui ne se limite pas à la sphère familiale.
    122/5000 ?

  • Contente de te faire découvrir un livre que tu n'as pas lu, Dominque.

Écrire un commentaire

Optionnel