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Hesse en curiste

Le curiste de Hermann Hesse (1925, traduit de l’allemand par Alexandra Cade), suivi de « Souvenirs d’une cure à Baden » (1949) est un récit autobiographique inspiré par sa première cure à Baden pour soigner une sciatique. (Comme on disait « prendre des bains (Baden) à Baden », la ville thermale a pris en 1931 le nom de Baden-Baden.)  

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Friedrichsbad à Baden Baden

En disant « Nous, les curistes de Baden » dans l’avant-propos, le narrateur est conscient de faire comme s’il ne parlait pas en son nom propre, « mais au nom de toute une catégorie de personnes, de toute une classe d’âge » (« quarante-cinq ans révolus »), sans doute une illusion, voire une erreur. Le récit est à la première personne du singulier.

Arrivé à Baden en train, le futur curiste est « immédiatement saisi par la magie de l’endroit ». Remarquant à la gare d’autres voyageurs souffrant comme lui de sciatique, il observe leur allure, les « mimiques » personnelles de chacun, et reconnaît des « compagnons d’infortune ». Il leur trouve l’air plus contrarié que lui et se réjouit d’être moins atteint, un sentiment qui grandit encore en descendant vers les bains : comparé aux autres malades, il se trouve « l’air jeune et bien portant ».

Une voix intérieure qu’il s’efforce de ne pas écouter contredit cette « douce euphorie » : il boite légèrement sur sa « canne de Malaca » et ne remarque pas les individus plus jeunes et plus droits que lui. A l’hôtel Heilingenhof arrive le moment délicat pour « un homme à la fois ermite et écrivain » de choisir la chambre « la plus calme », la difficulté venant souvent de la porte de communication vers une chambre voisine ou du plafond qui résonne sous les pas.

Hesse adopte dès le début un point de vue ironique pour décrire sa situation et son état d’esprit : il veut faire preuve d’optimisme, y compris en ce qui concerne le médecin qui va diriger sa cure. Il attend de lui « qu’il possède une forme de savoir humaniste » et se réjouit de découvrir sur son visage « une expression intelligente qui laissait supposer un esprit ouvert. » Bref, tout lui semble réconfortant.

Chaque journée de cure commence par un matin – pour lui, de manière générale, le moment le plus pénible de la journée, celui où il est de mauvaise humeur, sous le poids des problèmes « qui empoisonnent et compliquent [son] existence » ; ce n’est qu’à partir de midi que « les choses redeviennent supportables et agréables » ; le soir est son moment préféré. Il est insomniaque, d’où cette détresse matinale. Mais il arrive tout de même à suivre l’horaire des curistes, ravi de prendre un bain chaud matinal au sous-sol où le décor est magnifique, de boire un verre d’eau à la source et puis de retourner au lit, sur prescription médicale.

S’il détaille ses réactions, Hesse décrit aussi les autres curistes, leur mode de vie, leurs loisirs – « nos déjeuners sont de véritables représentations théâtrales ». Il mange seul à une petite table ronde et prend plaisir à observer les autres convives, une séance d’observation mutuelle en quelque sorte. D’abord méprisant pour les amusements habituels des curistes, au fur et à mesure que la cure le fatigue (beaucoup plus qu’il ne le croyait au début), il va lui aussi se relâcher et trouver du plaisir à manger plus qu’il ne faudrait, à écouter de la musique de second plan.

Tout un chapitre est consacré au Hollandais qui occupe la chambre voisine avec sa femme. Alors que lui-même offre à ses voisins un silence parfait, la porte de communication ne lui épargne ni les bavardages ni les rires de ces personnes qui restent le plus souvent dans leur chambre et y reçoivent des visites, ne lui offrant du répit qu’entre minuit et six heures du matin.

Bref, bientôt, il ne lui reste plus grand-chose de l’optimisme du début. Il lui faudra tout un travail sur lui-même pour accepter la cure et son environnement. Dans le dernier chapitre, « Rétrospection », qui commence par « Ces pages n’ont pas été rédigées à Baden », il avoue avoir « en vérité, (…) éprouvé bien du mal à quitter Baden. »

Avez-vous déjà fait l’expérience d’une cure thermale ? Cela m’est arrivé il y a longtemps. Le récit de Hermann Hesse m’en a rappelé certains aspects, agréables ou non. J’ai lu Le curiste avec grand plaisir : l’écrivain y a mis beaucoup de vie, de fine observation des autres et de lui-même, avec une bonne dose d’ironie qui incline à sourire. Se moquer de soi-même s’avère au fond assez reconstituant.

* * *

Merci beaucoup pour vos commentaires et vos visites en mon absence.
Je vais les découvrir avec grand plaisir dès mes rangements terminés.
A bientôt.

Tania

Commentaires

  • Un livre lu il y a un temps avec grand plaisir et attention. Humour et tendresse, bienveillance mais aussi antipathies et absurdités. Je le relirais bien après la lecture de ton billet!

    Contente de te retrouver Tania, un beso

  • En voilà bien le ton ! Moi aussi, je suis contente de te retrouver, Colo, de reprendre le fil du blog et les fils qui s'entrelacent dans la blogosphère.

  • J'ai longtemps rêvé de faire une cure pour l'atmosphère, cela ne s'est pas réalisé. Je viens de terminer "Mont Oriol" et poursuivrais volontiers le thème des villes d'eau avec ce roman si ce n'est qu'il ne figure pas au catalogue de la médiathèque.

  • Bonjour, Nicole. Je n'ai jamais lu ce roman de Maupassant et je note cette lecture à faire dans le prolongement de celle-ci, merci.

  • Sans doute plus de charme encore pour ceux qui ne sont pas malades ou pas trop.

  • Merci, Adrienne, laisse-toi tenter - à lire à Ostende ?

  • J'ai bien aimé ce court roman malicieux . Il est vrai Que l'auteur a beaucoup souffert d'un mal de dos qui l'obligeait à quitter sa jolie Casa italienne du Tessin , pour passer l'hiver dans des villes où il y a " des bains chauds et des salles de concert" !
    Excellente pause à vous !Et qui sait, dans quelque ville thermale !

  • La douceur du temps dans le Var, malgré les jours de mistral, me manque déjà. Il fait froid et humide à Bruxelles en ce début du mois de mai. Après cette pause méditerranéenne, la vie reprend son cours et c'est bien aussi.

  • Bon retour Tania ! J'ai fait une cure thermale il y a une dizaine d'années et j'ai trouvé l'expérience tellement désagréable que je n'ai pas recommencé. Voilà un livre qui me rappellerait quelques souvenirs je pense.

  • Celle que j'ai faite ne m'a pas donné non plus envie de retenter l'expérience, je te comprends.

  • Je ne sais pas si les cures thermales d’aujourd’hui ressemblent à celle décrite par Hesse, le monde a tellement changé... Je n'ai jamais fait de cure mais il me plairait bien d'en faire une dans une ville d'eau à son époque, avec les tenues vestimentaires et les décors de l'époque, Rêve impossible donc, là les livres prennent de l'importance et nous pouvons entrer dans ce monde révolu. Magique, non ? Ce titre est noté, merci Tania. Bises ensoleillées. brigitte

  • Plonge-toi dans ce récit, Brigitte, tu pourras t'imaginer aux eaux à Baden-Baden ! La thalassothérapie me semble plus plaisante que les cures thermales (je n'ai jamais essayé), d'abord par la proximité de la mer - une magie plus proche de chez toi.
    Quelques rayons de soleil aujourd'hui après un lundi gris. Bonne journée, bises.

  • j'ai ce livre dans ma bibliothèque tout rouge et d'un format léger j'aime Herman Hesse et même si ce livre est un peu léger on reconnait la patte de l'auteur

  • D'accord avec toi. L'exemplaire de la bibliothèque est de la même édition.

  • Ah mais j'en appris, déjà le nom Baden Baden! (la répétition) J'aime bien Hesse mais ne connaissais pas ce texte.
    Sinon, pas de cure pour m oi, juste une visite à Vichy, bien agréable

  • J'ignorais aussi cette origine. Pour ma part, je ne suis jamais allée à Vichy.

  • Je me demandais souvent d'où venait ce Baden-Baden, me voici fixée :)

    Je n'ai pas fait une cure aussi longue, je n'ai fait qu'une semaine de thalassothérapie en Gaspésie (parce que j'habitais pas trop loin...) et nous n'avions pas le temps d'observer les autres curistes mais c'était très drôle de se rencontrer dans les petits salons en attendant les soins suivants, buvant de l'eau comme des chameaux, se sachant tous tous nus sous nos peignoirs et nous croisant nerveusement à la toilette ...

  • En cherchant où était la Gaspésie, j'ai découvert cette péninsule du Québec et aussi appris que son nom vient d'un terme "micmac".
    J'imagine l'amusante scène des peignoirs. Il me semble qu'à la cure, on gardait un maillot de bain dessous (dommage que je ne puisse plus le demander à ma mère qui a perdu la mémoire, elle m'y avait accompagnée).

  • d'herman hesse je ne connais évidemment que "siddharta" et son essai sur la bibliothèque universelle (je connais d'autres titres, mais seulement par les titres)

  • Magnifique "Siddhârta". Merci de me rappeler sa "Bibliothèque universelle" que je n'ai jamais ouverte.

  • Si je ne suis jamais allée en cure, j'ai par contre toujours trouvé les stations thermales très romanesques : un décor d'un faste désuet, des personnes plus ou moins âgées et qui ont donc déjà vécu, un certain enfermement, des rites bien établis...
    Baden-Baden est une superbe ville avec un tout aussi superbe musée. Je suis, tu l'as compris, très attirée par ce livre !

  • J'ai suivi une cure quand j'étais jeune, il y avait des gens de tout âge. On y cherche souvent une aide complémentaire aux traitements médicamenteux, parfois une amélioration plus durable. Je garde le souvenir de soins assez contraignants et d'une grande fatigue.
    Mais tu as raison, on s'en fait une image plutôt romanesque, comme des sanatoriums. Baden Baden, pour moi, c'était la ville du jeu pour Dostoïevski, Tourgueniev y a vécu aussi et beaucoup de Russes fortunés, cela crée une sorte de magie autour de l'endroit.

  • Jamais fait de cure thermale, Par contre je connais bien la sciatique, mais je me soigne, c'est-à-dire que je dois bouger :-)
    Amusantes les les "représentations théâtrales" au déjeuner, j'imagine très bien ce que ce doit être, pas certain d'avoir envie d'aller en cure....

  • Peut-être aimerez-vous lire ce qu'en dit Hesse ? Bon courage de toute façon. Nous avons tous ou presque des maux chroniques à supporter et bouger est en effet un excellent remède, quand on peut. Bon dimanche, Christw.

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