« Ma mère travaille toute la journée, elle est gaie ou triste, comme cela se trouve, sans revendiquer le moindre égard pour sa propre situation ; sa voix est claire, trop bruyante pour la conversation ordinaire, mais bienfaisante quand on est triste et qu’on l’entend tout à coup au bout d’un certain temps. Voilà déjà assez longtemps que je me plains d’être toujours malade, mais sans jamais avoir de maladie déterminée qui me contraigne à me mettre au lit. Ce désir tient sûrement en grande partie à ce que je sais combien la présence de ma mère peut être consolante quand, sortant par exemple du salon bien éclairé, elle entre dans la pénombre de votre chambre de malade, ou bien quand elle rentre du magasin, le soir, à l’heure où commence le passage imperceptible du jour à la nuit et que, pleine de tracas et d’ordres rapides à donner, elle fait recommencer la journée déjà bien avancée et encourage le malade à l’aider dans cette tâche. Je souhaiterais que cela pût m’arriver encore, parce que je serais faible, tout ce que ferait ma mère me paraîtrait donc convaincant, et je pourrais goûter des joies enfantines tout en gardant la faculté de jouissance plus distincte de l’adulte. »
Kafka, Journal (1910, 24 octobre)
Commentaires
Enfant j'adorais la voix de ma mère , une voix proche de l'alto . Au point que j'ai du consulter un phoniatre à cause de mes difficultés à la chorale ( j'étais soprane) Celui-ci m'a révélé que je parlais un ton trop bas par rapport à ma voix naturelle : je lui ai parlé de ma mère . Il m'a dit "ne cherchez pas , vous parlez inconsciemment avec la voix de votre mère ! Je n'ai jamais réussi à me corriger ...
je ne sais pas si je dois l'envier d'avoir eu une mère comme celle-là ou le plaindre pour ce manque qu'il éprouve si cruellement
Cela nous renvoie à nos mères, toutes si différents……...nous qui sommes mères, quelle mère, suis-je? Ai-je été? ET quelle grand- mère (12 petits- enfants déjà…)
joli texte - je ne connais pas les écrits de kafka, peut-être que son journal me plairait
Un bel extrait aux sons un peu désespérés, d'un homme en souffrance. Merci!
un pendant optimiste à Lettre au Père
Bel éloge à la mère, consolatrice et rassurante. Merci Tania de le partager avec nous. Belle semaine, Bises. Claudie.
Ces mamans, il y a beaucoup d'écrits à leur sujet et il y aurait encore beaucoup de choses à écrire, mais tant que l'on entend leur voix bienfaisante quand on est triste, tout va encore bien. Quand c'est le contraire qui arrive, on reste quelquefois un peu démuni(e)s, comme elles l'étaient mais on ne s'en apercevait pas... Bises, à bientôt Tania. brigitte
sacré texte! Il nous renvoie à nos mères respectives.