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Nouvelles de Virginia

Des nouvelles de Virginia Woolf ? Cela tombe bien pour ma 1000e note sur ce blog (soit une note pour deux billets par sujet en général). Rêves de femmes comporte six nouvelles (traduites et éditées par Michèle Rivoire) précédées d’un essai, « Les femmes et le roman » et suivies d’un petit dossier sur ce génie de la littérature anglaise.

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« Edition dérivée de la Bibliothèque de la Pléiade », indique l’éditeur. J’hésite souvent devant ces nouveaux petits recueils, qui reprennent des textes déjà publiés par ailleurs. Et c’est bien le cas pour ce Folio classique : quatre de ces nouvelles figuraient déjà dans La mort de la phalène et dans La fascination de l’étang (édités au Seuil). Lisons, relisons. Ces textes datent de 1920 à 1940.

« Les femmes et le roman » reprend deux conférences données à Cambridge, avec des arguments que Virginia Woolf développera dans Une chambre à soi. « L’histoire de l’Angleterre est l’histoire de la branche masculine, non de la branche féminine. » Comment écrire l’histoire des femmes et parmi elles, des femmes créatives ? Pourquoi faut-il attendre la fin du XVIIIe siècle et le tournant du XIXe pour croiser en Angleterre des femmes qui « s’adonnent à l’écriture » avec succès ? Voilà à quoi elle entreprend de répondre, en espérant un âge d’or où les femmes auront « un peu de temps libre, un peu d’argent et un lieu à elles. »

Ce thème se prolonge dans « Une société » : six ou sept amies se retrouvent « un soir après le thé » et se penchent sur le cas de l’une d’elles, Poll, à qui son père a légué sa fortune « à condition qu’elle lise tous les livres de la London Library ». Quelle déception devant tant de livres médiocres à côté des Shakespeare, Milton ou Shelley ! Jane, la plus âgée, s’interroge : « Voyons, si les hommes écrivent de telles sornettes, pourquoi faudrait-il que nos mères aient gâché leur jeunesse à les mettre au monde ? »

Ainsi naît leur « société de questionneuses ». Elles font le serment de ne pas avoir d’enfant « avant d’en avoir le cœur net ». Ecrite en réaction aux opinions misogynes d’Arnold Bennettt, cette nouvelle satirique est très drôle, davantage que « Le legs » où un veuf hérite du journal intime de sa femme… et des surprises qu’il contient.

Dans « Un collège de jeunes filles vu de l’extérieur », c’est la lune qui jette un coup d’œil par les fenêtres, en particulier dans la chambre d’Angela où, sans souci du règlement, se trouvent aussi Sally, Helena, Bertha. Une nuit entre sommeil et rires où l’on entre dans les pensées d’Angela, où l’on épouse les songes de la lune observant « cette vapeur » qui s’exhale des chambres des dormeuses, « qui s’accrochait aux arbustes, comme la brume, et puis, libérée, s’envolait dans les airs. » Une vision impressionniste à rapprocher de « Au verger » où Miranda dort et rêve dans une chaise longue sous un pommier.

« Moments d’être : « Les épingles de chez Slater ne piquent pas » » est riche en sous-conversation. Fanny s’interroge sur cette remarque inattendue de Miss Craye (Julia), son professeur de piano, célibataire, qui lui semble bizarrement heureuse. « C’est dans le champ, sur la vitre, dans le ciel – la beauté ; et je ne peux l’étreindre, ni l’atteindre, moi (…), moi qui l’aime passionnément, et qui donnerais tout au monde pour la posséder ! »

Si plusieurs de ces nouvelles contiennent des allusions saphiques, comme Virginia Woolf l’a confié à Vita Sackville-West, « Lappin et Lapinova » se veut une comédie sur le mariage, à partir de petits noms secrets entre les époux. Ce jeu de langage permet un certain temps à Rosalind de se sentir heureuse, complice avec son mari Ernest, même en dehors de leur « territoire privé », par exemple quand elle s’ennuie au milieu de sa belle-famille. Mais le jeu durera-t-il ?

Rêves de femmes offre un aperçu de la condition féminine et des questions qu’elle soulève chez Virginia Woolf. Il me semble que pour apprécier ces nouvelles et en goûter les allusions, il vaut mieux déjà connaître un peu sa vie et son œuvre ou, en tout cas, lire les notes finales du recueil. A travers ces figures de femmes dans leur intimité, elle montre leur désir d’autonomie, tout en explorant l’art du récit et de la suggestion.

Commentaires

  • Toutes mes félicitations pour ces 1000 notes ! Quant à Virginia Woolf, ce billet montre combien elle reste vivante, elle et son groupe de questionneuses sur la condition féminine.
    Merci !

  • Merci, Marie. Ces nouvelles publications ont le mérite de proposer, parfois, des inédits, et surtout de faire lire Virginia Woolf.

  • Félicitations pour ces 1000 notes, et je suis heureuse de laisser un petit signe sur la dernière d'entre elles, consacrée à la grande et précieuse Virginia.
    Je n'aime pas du tout ces petits recueils, moi non plus, et pourtant... que dire ? Votre article me donne envie de lire celui-ci !
    (Il est toujours sain d'être capable de changer d'avis...)

  • Merci, Anne. J'aime vos épithètes : "grande et précieuse Virginia".
    Et c'est parce qu'elle l'est qu'on la lit, encore et encore.

  • 1000, un exploit! Bravo.
    Fêter cela avec Virginia, que c'est bien choisi, merci!

  • Cela tombe comme ça, et c'est bien. Du temps passé au plaisir d'écrire et de partager.

  • félicitations pour la millième note! que dis-je? pour les mille notes :-)
    je me suis acheté ce petit livre, en me disant que ce serait une manière de faire enfin connaissance avec cet auteur que tu aimes tant, mais j'en attendais sans doute trop, j'ai été très déçue

  • Oh, merci, Adrienne, je comprends ta déception, ce sont des textes "en mineur". Si je peux me permettre, je te recommande "La promenade au phare", si tu lui donnes une seconde chance.

  • je note :-)

  • Comme je possède une bonne édition des nouvelles (en VO) je suis quasi sûre de les avoir ici même (oui le problèmes des éditions différentes...)

  • Lire Virginia Woolf dans l'original, c'est l'idéal !

  • j'ai payé mon écot largement aux éditeurs avec les nouvelles et les essais qui reparaissent sous des titres différents très très agaçant et cela nous prend nous lecteurs pour des imbéciles...grrrr
    Cela n'empêche pas le plaisir de lire ces textes, je suis plus adepte des essais littéraires que des nouvelles

  • Tu réagis aussi, comme d'autres, à ces rééditions sous des titres fallacieux. Je reproche à Folio de ne pas détailler le contenu de ce recueil sur son site, contrairement à La Pléiade - cela faciliterait les choses.

  • 1000 notes déjà!
    Bravo!
    Virginia, je ne la connais pas vraiment: il serait temps de m'y mettre je crois!

  • Merci de ton passage, Coumarine. "Une chambre à soi", "La promenade au phare", "Mrs Dalloway", ce sont mes premières lectures de Virginia Woolf et je les relis toujours avec bonheur.

  • Bravo pour tes 1000 billets ; tu me donnes l'idée d'aller voir où j'en suis moi-même .. C'est embêtant ces textes qui sont réédités autrement sans que ce soit détaillé.

  • Merci. Plus de 2000 billets en réalité, le billet complémentaire (extrait ou autre) étant inclus dans le fichier de la note.
    Bonne journée, Aifelle.

  • bien que je préfère lire virginia woolf en anglais, je vais tenter de trouver ce petit poche ne fut ce que pour les dossiers qu'il contient - merci tania

  • Pour info, Niki, ce dossier comprend une chronologie biographique détaillée (12 p.), une bibliographie sélective (8 p.), des notices sur les nouvelles (10 p.) et des notes (8 p.).

  • Tout d'abord félicitations pour cette 1000e parution! Quel beau travail !
    Je suis très intéressée par ton billet, car Virginia Woolf est l'une de mes passions. Tout a commencé lorsque j'avais quinze ans, en découvrant l'une de ses photos. Je lui ai trouvé une curieuse ressemblance avec l'une de mes grands-mères, mais une grand-mère qui aurait pu vivre sa vie, plutôt que de l'user en querelles vaines, pour se venger, inconsciemment, de ne pas avoir pu le faire.

  • Merci, Annie. Ton entrée dans l'univers de Virginia Woolf par cette photo, à cause de cette ressemblance, est une belle manière de découvrir une telle vie de femme et de création. Son beau visage, sa silhouette m'émeuvent aussi.

  • Félicitations pour le 1.000ème article de ton blog que je fréquente depuis déjà plusieurs années, mais je ne sais plus exactement quand, ni comment j'y suis arrivé (probablement via une amie bloggeuse commune?). Bonne continuation ! Ton blog est vraiment de qualité, et me fait découvrir plein de choses.

  • 1000 sujets, 2100 billets publiés en une dizaine d'années, c'est vrai que ça commence à compter. Tu imagines mon désarroi quand j'ai cru avoir tout perdu au moment du déménagement sur blogSpirit. Ton premier commentaire date d'octobre 2008, la première année de ce blog. Merci pour ta fidélité & à bientôt.

  • Déjà dix ans que je viens sur ton blog : je ne pensais pas que je venais depuis si longtemps, les années passent vite... Perso, je trouve qu'on découvre des univers très différents les uns des autres sur les blogs, et que c'est plus intéressant que les réseaux sociaux (mais chacun ses goûts).

  • Ne fréquentant pas les réseaux sociaux, je ne peux comparer, mais je l'imagine. La blogosphère est très variée et des liens durables s'y tissent, cela, j'en fais l'expérience ! Bon week-end.

  • Dans sa notice sur cette nouvelle ébauchée dès 1919, reprise en 1938 pour le magazine Harper's Bazaar (qui l'achète 600 dollars et la publie en 1939), Michèle Rivoire cite un passage de la correspondance entre Virginia et sa sœur Vanessa (en 1938) qu'elle ne peut rejoindre en France "parce que la séparation les rend trop malheureux, Leonard et elle" : "C'est le pire échec qui soit - le mariage, je m'en suis rendu compte pour la première fois […], nous réduit à une lamentable servitude. Impossible de l'empêcher. J'ai l'intention d'écrire une comédie sur ce sujet."

  • Bravo Tania pour ces 1000 notes qui sont toujours d'une grande qualité ! Tu nous donnes envie de lire, de découvrir ou de relire, tu nous prends par la main pour de belles visites,....et c'est génial ! Bises.

  • C'est très gentil de l'écrire, à bientôt. Bises.

  • Toujours aussi peu lecteur de VW (cela s'arrangera), je vous remercie pour ce millième de bon cru.

  • Merci. Je vous recommande le recueil de nouvelles intitulé "La mort de la phalène", si cela vous inspire un jour.

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