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Rechercher : marc pautrel

  • Le poète allongé

    « Quel beau, charmant et singulier tableau que Le poète allongé de 1915 (peint donc en Russie, tout de suite après le départ de Paris) ! Le cheval et le porc, devant l’isba, évoquent Rousseau (que Chagall aime beaucoup), oui, mais le poète aux mains réunies comme celles des gisants des anciens sépulcres, sa tête sur son veston posé dans l’herbe, près de son chapeau, ses pieds en de fastueux souliers, tout cela, d’où est-ce venu, comment ?  

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    Marc Chagall Le poète allongé Huile sur toile © Collection particulière

    Chagall s’est-il peint là en « poète » comme il fut dit ? Je ne sais. Mais le visage, où il n’y a rien qui me propose une ressemblance, et la silhouette, me font songer à des photographies de Paul Eluard, …, que Chagall ne devait rencontrer que dix ans plus tard, et qui, bien plus tard encore, allait trouver dans sa peinture une inspiration radieuse. »

    André Pieyre de Mandiargues, Chagall, Maeght éditeur, Paris, 1974.


     

     

  • Obsédés textuels

    guillaume duthoit,paroles d'obsédés textuels,conférence chantée,bibliothèque sésame,schaerbeek,juin,2015,chanson,paroliers,rimes,allitérations,calembours,chanson française,cultureLes mots étaient à la fête de la musique, ce samedi 20 juin, à la bibliothèque Sésame de Schaerbeek. Guillaume Duthoit nous a régalés d’une grande balade dans la chanson française – guitare, voix, vidéos – à la rencontre de paroliers aimant rimer, voire « tarés de l’allitération » et autres auteurs de malicieuses « chansons listes » à la Prévert ou Oldelaf.

     

    Vous l’avez manqué ? Bonne nouvelle : il revient samedi prochain, 27 juin, 13h30, pour la seconde partie de sa « conférence chantée ». Au menu :


    les (dé)calés des calembours
    les vraivolutionnaires du faucabulaire
    les adeptes du hors-piste.

     

    Séance de rattrapage pour les curieux : ici, si si  la rime est à peine suffisante, mais vous en entendrez des « ultrariches »  – salut Gainsbourg, Boby Lapointe, Nougaro, Stella et, ça alors, David McNeil, auteur-compositeur (Mélissa, c’est lui), le fils de… Marc Chagall. Entrée libre.

     

    Source de la photo : http://www.mabiblio.be/?p=4831

  • Tourbillon

    turine,la théo des fleuves,roman,feuilleton radiophonique,france culture,littérature française,tsiganes,roms,europe,xxe,culture,écrivain belge« Où se vit la vraie vie, au sud ou au nord de la ville ? Elle croise une femme tenant un petit garçon par la main. Spontanément, Théodora sourit avant de lui parler. Elle cherche du travail, elle peut faire du ménage, son mari peut faire du jardinage, Théodora explique où ils habitent, leurs conditions de vie. « Nous savons lire et écrire. » Elle s’empêtre dans des explications. « Nous n’avons rien, nous revenons des camps. » La femme ne l’écoute pas, détourne la tête. Théodora entend la femme dire à son garçon « Tu dois te méfier des gens comme cette femme. Il ne faut pas leur parler ni les écouter, mais s’en détourner. Ne pas jouer avec leurs enfants, mais changer de trottoir. Tout ce qu’ils disent est mensonge et baratin. Ils sont la plaie du pays. » Théodora demande à la femme, à personne « La guerre n’est-elle pas finie pour nous aussi ? »
    Un mot, tel un tourbillon, s’affole en elle « Pourquoi ? » »

    Jean Marc Turine, La Théo des fleuves

    Photo Pinterest

  • Patience

    Meganck editionsfdeville-le-jour-ou-mon-pere-na-plus-eu-le-dernier-mot.jpg« Je ne lui connaissais pas cette patience. A dire vrai, je ne connais pas grand-chose de Kasper Braecke, si ce n’est sa passion pour les courses cyclistes et les documentaires sur la Seconde Guerre mondiale, si ce n’est son racisme, son goût de l’Allemagne, et plus récemment celui des îles subarctiques et des voyages immobiles.
    Il continue :
    – Loti se retournerait sans doute dans sa tombe. Mais bon, je crois que j’approche une certaine idée d’un vieux morutier. Je dois encore achever les peintures…
    Il pose la maquette sur la table. On trinque. Je cogne mon verre contre le sien, un peu de vin rouge tombe sur la maquette. Le pont est maculé d’une petite mare couleur sang qui se met à couler vers la cabine.
    – Désolé.
    – Ce n’est rien, William. Le voilà baptisé ! »

    Marc Meganck, Le jour où mon père n’a plus eu le dernier mot

  • Chagall issime

    Très attendue, la grande exposition Chagall des Musées Royaux des Beaux-Arts de Bruxelles tient ses promesses : une superbe rétrospective, de nombreuses toiles de musées étrangers et de collections particulières, de quoi découvrir, même si on se souvient d’autres expositions. 

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    Marc Chagall L'anniversaire 1915 Huile sur carton © Museum of Modern Art, New York

    Je ne me rappelle pas avoir admiré ce Nu avec des fleurs, par exemple, aquarelle et gouache ; cette Tentation, belle comme un vitrail, avec de petits animaux autour d’Adam et Eve ; ce Portrait du poète Mazin, son voisin russe à La Ruche ; un splendide Nu rouge... Bientôt c’est Vitebsk, sa ville natale, et les éléments qui reviendront si souvent dans sa peinture, sans que l’artiste donne pourtant l’impression de se répéter : une fenêtre, un bouquet, un cheval…  

    L’anniversaire, toile prêtée par le Moma (ci-dessus), est une merveille : dans une atmosphère chaude (sol rouge, tissus à ramages) qui contraste avec leurs vêtements sombres, Bella, épousée en 1915, tient un bouquet de fleurs et semble décoller du sol pour recevoir le baiser de Chagall en flottaison dans l’air, la tête renversée pour l’embrasser. C’est la première peinture où il représente un personnage « en lévitation ».  

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    Marc Chagall La naissance 1911 Huile sur toile originale collée sur bois contreplaqué Collection privée

    Une petite salle rassemble des tableaux familiaux : David jouant de la mandoline (deux beaux portraits très différents de son frère mort jeune à la guerre), sa mère, son père et sa grand-mère (avec un chat), ses sœurs, des amoureux... La naissance (ci-dessus) montre une jeune mère allongée, un bébé nu dans les bras de son père ; plein de détails comme la lampe en haut, un chat bleu en bas, animent cette scène structurée franchement par des lignes et une grande diagonale, ce qui est assez rare chez Chagall (1887-1985).   

    Chacune de ses peintures raconte une histoire. On expose aussi dans cette salle de beaux intérieurs, animés par un bouquet, éclairés par une baie vitrée – on aperçoit la petite Ida, sa fille née en 1916, en robe rouge dans un fauteuil, et la tête de Bella, dehors, à la fenêtre. Une toile m’a fait penser à Bonnard : Les fraises ou Bella et Ida à table, avec le joyeux contraste des fruits rouges sur la nappe blanche. 

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    Marc Chagall La promenade 1917-1918 Huile sur toile © Musée russe, Saint-Pétersbourg

    La promenade, grande toile choisie pour l’affiche, vous la connaissez certainement : le couple se tient par la main, lui les pieds à terre, elle en robe mauve volant dans un ciel blanc à la Malévitch au-dessus de la ville tout en vert, à l’exception de la cathédrale. Dans l’angle inférieur gauche, leur pique-nique en rouge, sous un peu de feuillage bleu – Chagall associe les couleurs comme personne. 

    La religion tient une place constante dans son œuvre : on peut voir côte à côte une esquisse sur papier et l’huile sur toile du Rabbin au citron vert (ci-dessous) – un cédrat dans une main, une branche de palmier dans l’autre, deux des quatre végétaux associés à la fête de Souccot. Pourquoi ce petit rabbin inversé sur sa tête ? D’après l’audioguide (compris dans le prix d’entrée), ce serait une manière d’évoquer la succession, la chaîne des rabbins. Plus loin, on verra Chagall traiter des thèmes bibliques et peindre de nombreuses crucifixions pour symboliser la tristesse, la souffrance, le malheur – le peintre ira jusqu’à se peindre lui- même en croix. 

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    Marc Chagall Le Rabbin au citron 1924 Huile sur Toile © Collection Particulière

    La figure du juif errant, avec son baluchon sur le dos et sa canne, est un autre motif récurrent, même si la toile intitulée En route ou le juif errant, à la pâte épaisse, s’appelait au départ « Chemin faisant », allusion au voyage du peintre vers Paris. Ce n’est que des années plus tard que Chagall ajoutera le second titre. 

    Rentré en Russie, Chagall a beaucoup travaillé pour le Théâtre juif de Moscou. On présente ici des maquettes de costumes, de décors, et en projections, les grandes fresques réalisées pour ce théâtre (montrées à la Fondation Gianadda en 2007). En revanche, je ne connaissais pas toutes ces illustrations pour les fables de La Fontaine, une idée de Vollard : Le renard et les raisins, La grenouille voulant se faire aussi grosse que le bœuf (collection des MRBAB), Deux pigeons, entre autres. 

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    Marc Chagall Le renard et les raisins 1926-27 Aquarelle et gouache © Collection Particulière

    On retrouve des autoportraits et des portraits de couple tout au long du parcours, comme le magnifique Double portrait (Nagoya) datant de 1924 où le peintre vêtu de noir, debout à son chevalet, tient contre lui Bella en robe blanche, leurs deux profils tournés vers la toile. Ou encore Le gant noir (ci-dessous).  

    Des animaux, des anges, des amoureux, des fleurs, des violons... La peinture de Chagall célèbre la vie. Elle s’assombrit pendant la guerre, à la mort de Bella, retrouve des couleurs enchantées quand il se remarie avec Vava. Mais Bella reviendra encore souvent sous ses pinceaux. A Saint-Paul de Vence, il peint sur un énorme bouquet au milieu de son atelier, une grande toile verticale, très claire, aérée, qui tranche avec l’effervescence habituelle. 

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    Marc Chagall Le gant noir 1923-48 Huile sur toile © Collection Particulière

    La dernière salle montre des études pour le Metropolitan Opéra – Le triomphe de la musique – et pour l’Opéra Garnier, et aussi des costumes pour Stravinsky. Impossible de vous parler de tout, plus de deux cents œuvres, aussi je vous renvoie au site de l’exposition. Vous avez quatre mois pour vous y rendre, jusqu’au 28 juin. 

    Cette rétrospective bruxelloise, d’abord montrée à Milan, montre très bien que Chagall, tout en restant fidèle à son univers original, évolue constamment dans sa manière de peindre. J’ai aimé son Don Quichotte, peint à 86 ans, entouré de gens qui dansent, d’autres qui font la guerre, avec Chagall au chevalet entouré des siens, et dans le bas, de petits arbres. « On ne sait jamais avec Chagall, lorsqu’il peint, s’il dort ou s’il est réveillé. Quelque part, dans sa tête sans doute, il doit y avoir un ange. » (Picasso) Tantôt joyeux, tantôt inquiet, l’art de Chagall touche au cœur.