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habitat

  • La friche Josaphat

    Il était temps d’y aller faire un tour. La friche Josaphat, ouverte aux curieux cet été, ferme ses portes au public ce soir. Cela fait des années que les Schaerbeekois entendent parler de ce grand terrain de 25 hectares, le long du chemin de fer, à la limite d’Evere, la commune voisine. Les défenseurs de ce « joyau écologique » en péril continuent à se battre contre le plan d’aménagement urbain qui prévoit d’y construire mille six cents logements.

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    « Vivre et travailler dans un parc : voilà la « carte de visite » du futur quartier mixte et durable qui va s’installer sur le site ferroviaire désaffecté de l’ancienne gare de triage « Josaphat », annonce la Société d’Aménagement Urbain (SAU) de la Région de Bruxelles-Capitale. En cliquant sur les liens, vous découvrirez les arguments des uns et des autres, notamment ceux de la commune de Schaerbeek qui y est favorable, mais a refusé le plan proposé l’an dernier, jugé trop dense, trop peu durable et trop peu soucieux du maintien de la biodiversité dans cette zone.

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    Un ciel gris mais pas de pluie, découvrons donc ce que propose encore « L’été à Josaphat ». Au début de l’avenue Latinis, en venant du boulevard, on passe entre des voitures en stationnement pour pénétrer sur la friche. L’été est fini mais la Compagnie des Nouveaux Disparus, un théâtre forain créé en 1994, est encore là avec son chapiteau, son camion, et tout l’équipement aux couleurs joyeuses. On ne voit quasi personne en ce début d’après-midi. La guinguette, le terrain de pétanque, tout est désert, mais quelqu’un vient à notre rencontre et nous indique où commence le sentier de promenade aménagé dans la friche, bien balisé.

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    Une clôture en bois protège ces terres rendues temporairement à la vie sauvage, où certaines plantes fleurissent encore. Bernard Pasau, un naturaliste membre de Natagora, y a photographié en juillet une espèce d’abeille jamais observée en Belgique, « la 103e espèce d’abeilles recensées (…) dont 24 espèces sont rares ou très rares » (Vivre ici). Ses photos d’oiseaux, de fleurs et d’insectes, dont de nombreuses libellules, valent le détour : vous les trouverez dans les albums proposés sur le site de la RTBF et sur celui d’Ezelstad/Cité des Anes.

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    Tout le long du sentier, on a prévu des bancs fabriqués avec des palettes, des poubelles qui invitent au tri. On aperçoit l’une ou l’autre mare, des zones humides favorables à la faune comme à la flore locales. A lire Jacqueline Saintenoy-Simon, qui a observé cette friche urbaine depuis plus de vingt ans, « il ne reste que des miettes » de la belle flore qui faisait jadis l’admiration des botanistes belges, « miettes que les défenseurs du site essaient de protéger. »

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    Au chemin de terre succède un sentier couvert de paillis. La promenade ne mène à présent plus jusqu’au bout de la friche, près du pont d’Evere, elle forme une boucle vers le milieu du site. On revient le long du chemin de fer, dont les talus, derrière la clôture métallique, offrent encore des couleurs en ce premier mois d’automne : du blanc, du bleu, du jaune, des mauves et aussi des champignons sauvages : coprins chevelus et coprins noirs d’encre (ou coprins pies ?) aux pieds blancs.

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    Je suis heureuse d’avoir pu observer cette friche de plus près et j’espère que l’opposition aux aménagements urbains excessifs – une pétition « Stop Béton (à Bruxelles) : sauvons la friche Josaphat » a récolté près de dix mille signatures jusqu’à présent – sera entendue. La sauvegarde de l’environnement, la lutte contre le réchauffement climatique, l’amélioration de la biodiversité, la qualité de la vie en ville, tout cela est ici en jeu, il suffit de s’y promener pour s’en rendre compte. Voilà pour les partisans de la transition écologique une belle occasion de passer des discours aux actes !

  • Chez soi

    Chez soi de Mona Chollet, un essai sous-titré « Une odyssée de l’espace domestique », m’a passionnée de bout en bout. C’est ma première lecture numérique, on peut télécharger le texte gratuitement sur le site des éditions Zones ou acheter le livre. Cette réflexion sur nos manières d’habiter l’espace (et le temps) touche à plein d’aspects de notre vie, qu’on soit homme ou femme, qu’on vive seul ou non : besoin d’un toit et aspiration à l’intimité, architecture et écologie, solitude et vie sociale, condition féminine et évolution de la famille, etc.

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    « Au départ, il y avait mon envie de défendre ces plages de temps où on n’est plus là pour personne, dont j’ai pour ma part un besoin absolu, ce qui suscite l’incompréhension ou la désapprobation de mon entourage. » Dès le premier chapitre, j’ai apprécié que la journaliste ose aller à l’encontre de ce qu’elle appelle « les vertus surestimées du mouvement perpétuel ». Aux confrères si friands de reportages dans des pays lointains, elle oppose son goût personnel : « J’hésite à leur dire que la sédentarité me convient très bien. Quand je le fais, j’ai du mal à les persuader que je ne souffre pas d’un manque de curiosité, mais que je dirige simplement la mienne ailleurs. »

    L’auteure cite à plusieurs reprises le poète palestinien Mahmoud Darwich : « J’avoue que j’ai perdu un temps précieux dans les voyages et les relations sociales. Je tiens à présent à m’investir totalement dans ce qui me semble plus utile, c’est-à-dire l’écriture et la lecture. Sans la solitude, je me sens perdu. C’est pourquoi j’y tiens – sans me couper pour autant de la vie, du réel, des gens… Je m’organise de façon à ne pas m’engloutir dans des relations sociales parfois inintéressantes. »

    Bien sûr, disposer d’une connexion à l’internet, circuler sur les réseaux sociaux, tout cela change considérablement la donne aujourd’hui – on ouvre ainsi chez soi une fenêtre de plus sur le monde, on invite en quelque sorte « une foule dans (son) salon ». La description que fait Mona Chollet des modes de vie est d’autant plus intéressante qu’elle ancre sa réflexion dans « nos conditions concrètes d’existence ». Prix des loyers, accès à la propriété, surface en mètres carrés, aménagement du territoire, héritage, elle ne néglige rien de ce qui touche à notre vie à domicile.

    Se sentir bien chez soi, c’est tout un art – « Il faut un long ajustement pour qu’il se crée une harmonie entre les diverses composantes d’un intérieur, mais aussi entre l’occupant des lieux et le décor où il évolue » –, encore faut-il disposer d’assez de temps, ou plus exactement d’assez de temps libre. Pour illustrer l’art de vivre casanier (inutile de préciser que pour elle, le mot n’a rien de péjoratif), Mona Chollet confie son amour du thé : « Lorsque je visite un intérieur qui me plaît, ce qui achève de me séduire, c’est d’apercevoir une belle théière sur une table ou sur une étagère. Le thé, pour moi, représente du temps à l’état liquide, chaud et parfumé. » Ou cette merveilleuse façon d’être des chats qui choisissent dans la maison un emplacement au confort idéal pour s’y lover sans plus se préoccuper de rien.

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    Ferdinand Schirren, Bouquet et théière

    « Le temps est le trésor vital des casaniers. Pour les processus qu’ils espèrent enclencher, il leur en faut beaucoup, bien plus que les normes sociales ne sont disposées à leur en accorder. Il leur en faut une profusion dans laquelle ils pourront plonger, s’ébattre, s’ébrouer, virevolter. » Ignorant l’ennui, adeptes des rituels, les casaniers considèrent ce temps personnel volé à « la course folle du monde » comme un « tapis volant accueillant, doté du pouvoir de les transporter vers des destinations imprévisibles à travers une variété infinie de paysages. »

    Les tâches domestiques ne manquent pas, souvent un second horaire de travail pour les femmes, encore trop peu partagé avec les hommes. « Faire le ménage », c’est aussi un thème que l’essayiste développe en confrontant les époques et les milieux sociaux dont le point de vue diffère sur cette activité, qu’on la délègue à d’autres ou qu’on l’assume soi-même. Les intertitres de l’essai sont parfois d’une ironie féroce, comme celui-ci, bien féministe : « De la servante-compagne à la compagne-servante » !

    En relisant ce qui précède, je me rends compte que j’ai privilégié les préférences de Mona Chollet, au risque de vous donner une idée partielle de son essai. (Feuilleter un livre pour en rendre compte, ce n’est pas le même exercice que faire défiler le texte sur un écran.) Dans chacun des sept chapitres, elle inventorie toutes sortes de manières d’habiter l’espace, sans se limiter à l’expérience européenne.

    Elle présente, par exemple, le concept du « wabi-sabi » dans l’esthétique japonaise, alliance entre la simplicité, « le recours aux matières humbles » (bois, papier, paille) et « le sentiment de l’impermanence et du transitoire », « la patine de l’âge, le renoncement à l’éclat » (accepter et apprécier les altérations de la matière, les traces du passage du temps, en magnifiant « la profondeur esthétique que l’usure, la perte de vivacité, la rouille peuvent apporter à un objet qui a bien servi »).

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    Mount Fuji Architects Studio / Source : http://classique-design.com/article/archit2.php

    J’ai été surprise de la voir citer, dans un développement sur le problème des campagnes et des espaces naturels sauvages qui disparaissent, le cas de la Belgique : « l’urbain diffus y est aussi particulièrement développé : dans le Brabant wallon, 48 % des logements sont des villas quatre façades, ce qui vaut à la province le surnom de « Wallifornie » ».

    Nids solitaires ou cabanes d’écrivains, « chambre à soi » de Virginia Woolf, « gestes » d’architectes renommés, blogs et émissions de cuisine, évolution des familles et habitat groupé, logements pour les sans-abri, vous trouverez une grande variété de sujets d’actualité dans Chez soi. Une odyssée de l’espace domestique de Mona Chollet – autant de pistes de réflexion. Elle-même reconnaît que son point de vue sur certaines questions, sur ses propres désirs, a évolué au fil des ans. Son essai aide, en tout cas, à prendre conscience des enjeux personnels, sociaux et écologiques de la façon d’habiter chez soi.