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L’été dans la rue, c’était aussi, en ce premier week-end de juillet 2019, le départ du Tour de France dans les rues de Bruxelles. Une deuxième historique pour la capitale belge qui célébrait ainsi les 50 ans de la première victoire en 1969 de notre champion cycliste national, Eddy Merckx. Un peu partout en ville, des photos souvenirs de ses exploits et les affiches de l’événement.
Il y avait du monde et de la bonne humeur ce dimanche 7 juillet au boulevard : avant le passage des équipes qui couraient contre la montre en direction de l’Atomium, surmonté pour l’occasion du drapeau français, la caravane publicitaire a attiré les curieux, habitants du quartier et fans du Tour. Les enfants, excités au passage des chars, ont attrapé ici une casquette, là un maillot de cycliste et d’autres gadgets – certains en avaient rempli leur chapeau de soleil ou leur besace. Ambiance !
En ville, les floraisons de l’été sont le plus souvent cachées à l’arrière des maisons. Schaerbeek, heureusement, soigne ses espaces verts, grands ou petits. Sur un talus où se dressaient jadis de splendides marronniers, les jardiniers communaux ont replanté quelques arbres dans le haut. De part et d’autre d’un escalier où l’on peut s’asseoir, le nouveau jardin commence à s’étoffer. Les grosses fleurs d’ail ornemental ont pâli – ici un duo –, et les verveines violettes de Buenos Aires donnent gaiement la réplique aux blancs hydrangeas Annabelle.
Il y a longtemps que je vous ai présenté l’avenue Huart Hamoir, côté pair et côté impair. J’ai profité d’une promenade récente pour enfin photographier le haut de cette belle avenue, de part et d’autre de l’église de La Sainte Famille. Son clocher domine le square Riga dont les arbres ont gagné un été de plus avant l’abattage prévu pour une future station de métro. Côté ombre, vous apprécierez mieux les jeux de briques sur les façades en cliquant pour agrandir la photo. De l’autre côté de l’église, on remarque surtout une enfilade de façades de même inspiration néoclassique, avec leurs guirlandes au-dessus des fenêtres. La tourelle du bel immeuble d’angle sur le square a depuis longtemps perdu le lanternon qui coiffait son dôme (visible sur une vue ancienne à l’Inventaire du patrimoine architectural), dommage.
Après l’agréable chemin ombragé du square Riga, je m’arrête près d’un platane survivant à l’angle de l’avenue Demolder où ses congénères ont disparu il y a peu. Des tilleuls prendront leur place quand les trottoirs de l’avenue auront été refaits. Pour l’instant, les roses trémières et autres vivaces y mettent encore leurs jolies notes de couleurs.
La pluie chante en nous son retour éternel, En nous la terre oublieuse retrace son chemin.
Senteur des collines en fête, Murmure des pêchers en fleur, Sourire des auvents en larmes, Tout feu pris toute fumée bue, Toute chair au sang délivré, Et tout mot soudain souvenu.
Dans le cœur désert, nous reprenons goutte à goutte La source que nous avions cédée aux saisons.
La vraie gloire est ici. Le premier vers du recueil de François Cheng dans la collection Poésie/Gallimard (2015-2017) lui a donné son titre. Il permet de découvrir la force de l’élan vital, lyrique, spirituel, chez cet écrivain né en Chine qui donne un supplément d’âme à la littérature française contemporaine – je pense à ses essais De l’âme, Œil ouvert et cœur battant.
Première partie : « Par ici nous passons ». Si les poèmes sont parfois dédiés à une personne particulière, certains s’adressent à d’autres vivants : pierre, galet, source, arbre, fleur, jardin… La poésie de François Cheng est hymne à la terre, à tout ce qui vit.
A la pierre
Nous ne faisons que passer, Tu nous apprends la patience,
D’être toujours le témoin De l’univers à son aube,
D’être l’élan du souffle même, Soutien sans faille des vivants,
Toujours présence renouvelante Entre laves et granits,
N’espérant ni fleur, ni feuille, Ni fruit de la luxuriance,
Tu tiens le nœud des racines, Contre tous les ouragans.
Pour accueillir cette présence des choses, pour que la beauté fasse irruption, l’être humain doit se montrer disponible : « Le centre est là / Où un œil voit, / où un cœur bat. » Ou, dans Toute la splendeur d’un soir…, « Quelque chose a donc ébloui, / Et quelqu’un a vu. »
Tout est signe, Tout fait signe, Souffle qui passe, Fruit qui s’offre, Main qui touche, Face qui crie : « Retourne-toi, Reprends-toi, Reçois tout et fais signe ! »
L’œil s’ouvre, l’oreille se tend. Même si nous sommes des êtres éphémères, il nous demeure « nos lieux, nos instants, à jamais uniques ! »
Or voici :
Le vrai silence vient au bout des mots ; Mais les mots justes ne naissent qu’au sein du silence.
De même :
La vraie voie se continue par la voix ; Mais la juste voix ne surgit qu’au cœur de la voie.
François Cheng dit les bleus de la mer et du ciel, des iris, du saphir ; le noir de la nuit, le blanc de la neige ; la divine lumière du jour, de l’eau. Ce sont poèmes de toutes les saisons de l’année ou de l’âge.
La vraie gloire est ici – lu au rythme d’un poème par jour – est à la fois réveil et contemplation, éloge et questionnement intérieur. Tout n’y est pas douceur ; la souffrance, le mystère, la violence y ont leur place. La deuxième partie s’intitule « Lumières de nuit », la troisième « Passion ».
Le premier vers capte souvent l’attention – « La mort n’est point notre issue,… » – ou bien une anaphore – « S’abaisser jusqu’à l’humus… » (ce poème est dit par François Cheng dans la vidéo ci-dessus) – ou encore le refrain de Pas à pas (le seul poème du recueil qui ait un titre), « Oui d’ici / D’un seul pas / Nous rejoindrons tout. » Ici, la vraie gloire.
J’aime le bandeau choisi pour illustrer la couverture du recueil : près du visage de François Cheng, au regard attentif, un détail de Moineau sur prunier, une œuvre de l’empereur Huizong des Song, du XIIe siècle (musée Guimet).
« J’avais épargné à Minette le dessin raciste. Elle ne savait rien de la Vénus hottentote parce que je l’avais détruite, déchirée en morceaux, quelques minutes après l’avoir découverte sur le sol.
Quiconque était responsable, quiconque haïssait Minette, habitait certainement Haven Hall. C’était, sans doute, c’était sûrement la ou les mêmes personnes qui avaient pris son anthologie de littérature et l’avaient endommagée. Personne d’autre n’aurait pu accéder aussi facilement à notre appartement du troisième, et personne d’autre ne pouvait avoir autant d’animosité envers Minette. […]
L’une des traditions révérées du Schuyler College était son code de l’honneur. On signait un serment, on jurait de ne pas tricher et de ne pas protéger celles qui trichaient. Ne pas signaler une tricherie était presque aussi grave que de tricher. Les étudiantes qui violaient le code de l’honneur étaient sévèrement punies, du moins en théorie. J’avais donc peut-être eu tort de ne pas signaler le dessin raciste. J’avais réagi impulsivement, sans réfléchir. »