« Elle descendait au jardin, son panier sur la hanche. Les oiseaux s’élevaient du sol et allaient se poser un peu plus loin sur une clôture ou dans la haie du jardin de la villa. Antonia tirait chaque pièce du panier, l’étalait bien, la secouait entre ses deux mains pour chasser les plis, puis se tendait sur la pointe des pieds pour accrocher le linge à l’aide de pinces de bois qu’elle prenait à mesure dans la poche de son tablier.
Barbalala, La lessive © Decogalerie
A demi détournée, elle expliquait à l’une ou l’autre voisine : « Oh ! C’est que j’ai peur qu’il ne pleuve tout à l’heure. Alors je me suis dépêchée. »
Car il ne fallait pas blesser l’amour-propre des gens.
« Vous êtes la première », lui criait Alice, descendant à son tour. Et parfois Alice était avant elle dans son jardin, occupée à suspendre les larges chemises de Nicolas.
Peu à peu tous les jardins se pavoisaient. C’était un étrange peuple qui surgissait là. Les jambes des caleçons rayés se gonflaient de vent, et des bonshommes raides et soufflés se tendaient sur les cordes comme s’ils voulaient atteindre quelque chose. Ce jour-là, chaque ménage devait bien montrer ce qu’il avait, sans fausse honte. On aurait pu voir sans peine quelles dames avaient des dentelles à leurs combinaisons et lesquelles portaient des pantalons ouverts, et quels messieurs dormaient en pyjama. Mais personne ne regardait à cela : c’était du linge qu’on lavait, – et n’était-on pas tous des gens de la cité ? »
Robert Vivier, Folle qui s’ennuie
***
A partir de lundi, le poète Robert Vivier vous tiendra compagnie en mon absence. Je vous souhaite un début de printemps en douceur.
Tania
Lien permanent
Catégories : Belgique, Bruxelles, Culture, Littérature, Passions
Tags : belgique, cité-jardin, culture, désir, ennui, folle qui s'ennuie, littérature française, roman, vivier
8 commentaires