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résistance - Page 5

  • Consterné

    Sous le regard consterné des étoiles
    un vers remontait à ma mémoire
    consterné
    pour dire cette dureté implacable.
    Pourtant le vers me plaisait
    et je le répétais
    comme pour implorer les étoiles
    les supplier d’adoucir leur regard.
     

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    A mon retour j’ai relu les poèmes de Blaise Cendrars 

    je n’ai pas retrouvé le vers qui avait affleuré
    transformé
    à ma mémoire
    de là-bas.

    Charlotte Delbo, Moi aussi (La Mémoire et les jours)

  • Survivre, témoigner

    Une voix de femme au cœur de la littérature concentrationnaire : Charlotte Delbo (1913-1985). C’est aux Jeunesses communistes que l’assistante de Louis Jouvet au Théâtre de l’Athénée a rencontré son époux, avec qui elle entre en Résistance dans le groupe Politzer. Arrêtés en 1942, son mari est fusillé, elle est emprisonnée dans divers endroits avant d’être déportée à Auschwitz. Puis à Ravensbrück. La Croix-Rouge la libère le 23 avril 1945. Elle est l’une des 49 rescapées sur 230 femmes (convoi du 24 janvier 1943). L’association Charlotte Delbo prépare une année Delbo pour son centenaire. 

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    Dans La Mémoire et les jours (1985), « étrange poème d’amour » comme l’écrit François Bott dans la préface, Charlotte Delbo témoigne, pour elle-même mais surtout pour les autres, qui ont connu l’atrocité d’Auschwitz ou d’ailleurs. Souvenirs, poèmes, monologues, récits, les textes de ce recueil gardent vivante la trace de l’inexplicable, de l’inimaginable, de l’intolérable.

    « Comment se défaire de quelque chose enfoui beaucoup plus profond : la mémoire et la peau de la mémoire. Je ne m’en suis pas dépouillée. La peau de la mémoire s’est durcie, elle ne laisse rien filtrer de ce qu’elle retient, et elle échappe à mon contrôle. Je ne la sens plus. » Se réfugier dans l’imaginaire était impossible au camp. Comment se dédoubler quand la réalité est si écrasante, « la souffrance, la fatigue, le froid si extrêmes » ? « La réalité était là, mortelle. Impossible de s’en abstraire. »

    Porter sa sœur, morte dans la nuit, la poser dans la neige pour qu’on la ramasse avec les autres cadavres, et ne pas mourir de chagrin. Vivre « dans son chagrin, avec son chagrin, ce double d’elle-même inaltérable. » Perdre ses galoches dans le noir, après que l’appel a vidé les baraques, c’est le désespoir – « Pieds nus à l’appel pendant des heures, c’est la mort » – mais toutes cherchent, les galoches retrouvées passent de main en main jusqu’à elle. En face de leur rang, ceux des Tsiganes. L’une d’elles tient un bébé contre sa poitrine – mort. Quand on tente de le lui arracher, la mère se bat, meurt sous les coups de bâton.

    Une étoile, toujours la même, était le point de rencontre de Charlotte et de sa mère : « Elle aussi voit cette étoile. / Où qu’elle soit, elle la voit. » Un vers lui remontait sans cesse à la mémoire : « Sous le regard consterné des étoiles », le mot lui plaisait, pour dire leur « dureté implacable ».

    Ceux qui en sont revenus vivent comme ils peuvent. Une survivante qui n’avait pas retrouvé sa mère, déportée six mois avant elle, apprend que ce convoi-là, exceptionnellement, n’a pas abouti aux chambres à gaz. « Ta mère est morte depuis près de quarante ans. Pourquoi te tourmenter ? Gazée ou non ; qu’est-ce que cela change ? – (…) Je vivais avec l’idée que ma mère était morte sans souffrir. (…) Mais aujourd’hui, la blessure se rouvre et cela fait d’autant plus mal que la cicatrice avait durci. »

    Dans la queue devant le Vel d’hiv, une femme tend un gilet à son fils de quatorze ans : qu’il le tienne contre lui pour cacher son étoile, qu’il s’en aille sans courir, sans se retourner. Il se réfugie ainsi chez un camarade d’école, puis retrouve son père, rejoint la Résistance. Au printemps 44, pris par la Gestapo, il est envoyé à Auschwitz. Très vite, il comprend que sa mère est morte. Mais il se dit « plutôt content d’y être allé », parce qu’il sait ce qu’elle a vécu, ce qu’elle a vu et souffert, et qu’il a « l’impression d’avoir partagé avec elle. »

    Une institutrice de Bilbao qui a fui les franquistes en 1937, mariée avec un Russe mort au front, s’est retrouvée « prisonnière-mascotte » de la Division Azul dans un village balte. Ils n’en revenaient pas : tomber sur une Espagnole qui s’appelle Neige « dans la neige de la plaine russe » ! Rescapée de Ravensbrück, elle se marie à Toulouse avec un Andalou. Pas question de remettre les pieds en Espagne tant que Franco était en vie. « Et quel temps il a pris pour mourir. » Rentrer maintenant qu’ils sont vieux ? « Nous sommes des exilés de partout, partout des étrangers. »

    Une infirmière chargée d’un nouveau service, à Vienne, dans l’annexe d’un hôpital réquisitionné par l’armée allemande, voit trois camions militaires y déposer des paniers à linge : dedans, « des têtes sans corps », de jeunes gars sans bras ni jambes, « sautés sur des mines » ! Que faire ? Leur parler, les laver, les nourrir, écrire pour eux. Pourquoi l’a-t-on envoyée à Ravensbrück ? Pour avoir indiqué l’adresse de l’hôpital à la mère d’un gosse de dix-huit ans qui espérait une visite, ses parents n’habitant pas loin. « Ce sont les affaires du IIIe Reich, vous ne devez pas vous en mêler. »

    « Pour Charlotte Delbo, témoigner c’était dire ce qui hantait sa mémoire » (François Veilhan). Vingt ans après Aucun de nous ne reviendra, premier tome de sa trilogie Auschwitz et après, dans La Mémoire et les jours, elle partage des paroles échangées au camp et après, des années plus tard. Des poèmes alternent avec les récits : « Varsovie », « Les Folles de mai »… Deux vers seuls sur une page : « Tout ce que / le cœur d’une femme peut supporter. »

    L’optimisme ou la volonté de croire au retour aidait à trouver l’énergie de lutter.  « Si je rentre, j’irai en Grèce. » Et la voilà pour de vrai en Grèce, vêtue d’une robe claire, en mai 1948. Elle croise une colonne de prisonniers de l’armée grecque, des « guerilleros de l’armée populaire » en route pour l’île de Macronissos devenue camp de concentration. « Je les regardais pour rencontrer leur regard, pour rencontrer un regard qui lirait dans le mien que je savais. »

    Terrible « Kalavrita des mille Antigone » : le récit, étape par étape, de l’exécution des 1300 hommes d’un village du Péloponnèse en décembre 1943. – « Nous, nous rentrions, et la vie reprendrait. » Il fallait attendre la défaite de Hitler. C’était cela, l’espoir. Mais pour les prisonniers des camps de Sibérie dont on découvrait l’existence avec horreur et incrédulité ? « Les chants glacés de la Kolyma nous glacent le cœur. »

  • Assouline et Job

    A quiconque réfléchit sur le problème du Mal, la lecture du Livre de Job s’impose un jour ou l’autre. Peut-être est-ce à cause de la mention « roman » que j’hésitais à ouvrir Vies de Job (2011) de Pierre Assouline, malgré la critique élogieuse, peut-être aussi parce que la rencontre avec cette icône de la patience envers et contre tout, envers et contre Dieu même, plonge en eaux profondes, et qu'il y faut du souffle.

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    Job sur son fumier (Notre-Dame de Paris) 

    Du Livre de Job classé dans les « Livres poétiques et sapientiaux » de l’Ancien Testament, Assouline rappelle dans un « Prologue » que c’est « une lecture de rumination lente. Elle exige du lecteur qu’il adopte un rythme doux, en se souvenant de ce chef d’orchestre qui jugeait certains trios trop beaux pour être joués vite. » Le romancier-biographe cherche à cerner la figure de Job qui le hante et nous entraîne dans son livre mine de rien, d’abord attaché à préciser les origines du fameux récit biblique (« Source »), ensuite à peindre le portrait de Job ou, du moins, à nous le montrer en « Mille vies », enfin à nous conduire au cœur du sujet, le cœur battant (« Souffrance »).

     

    « Avant d’être plainte ou cri, Job est une voix ; celle d’un homme qui ne renonce pas à comprendre quand l’inexplicable le cerne. » Comment être le biographe de celui qui n’est pas l’auteur de son livre, qui n’est pas vraiment un personnage mais un exemple de patience, piété, résignation, fatalisme, « juste souffrant idéal tant pour les chrétiens que pour les juifs jusqu’à la Renaissance », avant de représenter la raison contre le dogme, l’observation contre la tradition, la victime d’un monde absurde et cruel, un sage ?

     

    De ce dialogue poétique, diamant « enchâssé entre un prologue et un épilogue en prose », on peut compter sur Assouline pour inventorier les principales interprétations – de quel texte, d’ailleurs ? dans quelle Bible ? – et en évoquer les « excavateurs ». Il a l’art de mêler les références les plus pointues aux expériences les plus concrètes, comme, par exemple, quand il convoque l’acteur Charles Denner (dans « Z » de Costa-Gavras) : « si un comédien avait dû interpréter Job en ses plaintes et ses révoltes, ce ne pouvait être que lui. » Et de citer Renan, et de regarder ce que devient Job dans le Coran (cité quatre fois), entre multiples pistes.

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    © Anselm Kiefer, Am Anfang, 2008.

    Pour rencontrer Job, il est un lieu cher à Pierre Assouline, « le couvent Saint-Etienne protomartyr où est installée l’Ecole biblique de Jérusalem ». Il s’y installe pour des mois chez les dominicains, dans un « de ces rares lieux où l’on se défait naturellement du souci du paraître ». On y parle le français. On y travaille. On s’y rencontre. Sa bibliothèque est ouverte de nuit comme de jour. Entre judaïsme et christianisme, la quête de Job met l’auteur « en équilibre instable ». S’il a choisi de mener ses recherches à l’Ecole biblique plutôt qu’à l’Université hébraïque, il en prend conscience, c’est que « le Français » l’a emporté en lui sur « le Juif ». C’est à Jérusalem qu’Assouline fait la connaissance de la chercheuse belge Françoise Mies dont il admire l’analyse dans L’espérance de Job – elle lui lance : « J’espère que vous n’allez pas faire de Job un grincheux ! »

     

    « Mille vies » (2e partie), ce sont tous les Job de rencontre. Assouline écoute un sociologue slovène, Slavoj Žižek, pour qui Job est « tout sauf la patience ! » Il assiste à l’Opéra Bastille au spectacle d’Anselm Kiefer, Am Anfang / Au commencement – l’artiste lui confiera que Job le touche parce que c’est lui : « Le désespoir, la désillusion, la solitude ». Muriel Spark a fait de Job « son frère en dépression » (The Only Problem), Job et Joseph K. sont « frères en solitude ». La figure de Job est partout, dans la pierre des cathédrales, en peinture, dans la littérature…

     

    Le peintre de Job, pour Assouline, c’est Georges de La Tour, dont il a vu au Musée d’Epinal Job raillé par sa femme – « Depuis, pour moi, c’est lui. » La femme de Job n’a pas de prénom, sa réputation n’est pas flatteuse en général, sauf dans un poème judéo-arabe qui la montre fidèle et dévouée. Andrée Chedid lui a consacré un livre en ce sens.

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    Georges de La Tour, Job raillé par sa femme, Musée d’Epinal

    La structure en séquences numérotées permet à Assouline de passer de la tombe de Chateaubriand à Saint-Malo à l’université de Salamanque où, le 12 octobre 1936, Miguel de Unamuno prononce un discours fameux – cité dans la traduction de Michel del Castillo – « Le discours de Salamanque résonne du refus de Job. » La digression est un art quand elle est pertinente. Et voici Beckett, « saint laïque », distribuant le montant de son prix Nobel. Ionesco : « Beckett me rappelle Job. »

     

    Si Pierre Assouline lit le Livre de Job « comme le battement d’une pensée », nous lisons Vies de Job en écoutant, de plus en plus audible, la voix de l'auteur qui évoque les siens et ose enfin se dire. « Souffrance », la dernière partie, est le cœur battant de Vies de Job. Nous y apprenons que Pierre Assouline porte à jamais le deuil de son frère, mort accidentellement en pleine jeunesse : « La mort de mon frère m’a éloigné de Dieu, celle de mon père m’en a rapproché. »

     

    Comment ne pas rapprocher Job frappé dans sa chair des déportés marqués à vie ? Le Job de Nathan Rapoport, à l'entrée d'un pavillon de Yad Vashem à Jérusalem, a le regard tourné vers le ciel – « Job est rentré de déportation.» Dans le problème du Mal, la souffrance des enfants représente le Mal absolu. Et si Dieu, dans l’épilogue du Livre de Job, récompense le juste en rétablissant sa santé et sa prospérité, il reste, écrit Assouline, le scandale de ses enfants morts, même s’il en a eu d’autres – « rien ne console parce que rien ne remplace. » Je ferai donc mienne la conclusion de Paul Edel sur Vies de Job : « bref s'il n'y avait qu'un livre de Passou à lire et relire ce serait celui- là. »

  • Réaliser l'unité

    « A bien y repenser, il me semble que je passe trop de temps à régler des problèmes de préséance, des heurts internes aux mouvements, à prévenir les sautes d’humeurs de Londres, à ménager des hommes, des résistants de toujours, dont le courage ne fait pas de doute, qui ont certes un droit historique au pouvoir mais devraient comprendre qu’il n’est pas nécessaire de l’exercer pour qu’il leur soit reconnu, oui,  je perds de vue mon objectif,  organiser concrètement ce qui nous manque, un Conseil de la Résistance unissant les deux zones, leurs mouvements, les syndicats et une représentation des partis politiques… Après tout sera verrouillé sous le contrôle de De Gaulle et personne ne pourra plus négliger son poids ou vouloir commander la Résistance métropolitaine, surtout pas les Alliés… Si ces frondes continuent, si je ne parviens pas à réaliser l’unité, un jour on me prendra, on m’exécutera, croyant décapiter la Résistance avec Max, et on ne tuera qu’un pauvre homme avec des rêves éteints… »

     

    Michel Quint, Max 

    Resistance française Logo.jpg

    Logo Résistance française

    (Jean Moulin et Croix de Lorraine)

    Composition Gmandicourt (Wikimedia)

  • Max et Morisot

    La Résistance a pour moi, d’abord, le visage d’un jeune homme fusillé dans un champ le 3 septembre 1944, Hilaire Gemoets, et celui de sa sœur, ma mère. En ouvrant Max de Michel Quint, publié en 2008, ses lecteurs vont à la rencontre d’une figure autrement célèbre, celle de Jean Moulin, alias Max, dont l’auteur fait alterner le récit monologue avec celui d’Agathe, une étudiante en histoire qu’il croise de temps en temps au café de L’Etoile à Lyon. « Qu’on me pardonne de faire de Jean Moulin un héros de roman », écrit Michel Quint au début de son « Avertissement » suivi d’une « Liste des principaux résistants cités dans le roman et de leurs pseudonymes » et de quelques sigles de l’époque, d’AS à STO.

     

     

    Mai 45. Janvier 43. Juin 40. Le récit remonte le temps, retrouve ensuite la succession des mois, de février à juin 43, pour se clore en juin 45. La scène d’ouverture est terrible : « Je suis entrée aux enfers par une rue en pente. » Agathe, la guerre à peine finie, a pris l’autocar pour se rendre dans un village aux allures de fantôme, avec ses portes de maisons ouvertes sur des pièces silencieuses, vidées de leurs habitants. Vers le centre, des vociférations, une grosse rumeur de fête s’échappent de la place. « Sur l’instant, je n’ai pas compris la bacchanale, le carnaval sanglant qui s’organisait là, farouche et cruel, pire qu’aux sauvages prescriptions, aux folies des saturnales perverses de la Rome antique… » On se bouscule, on crie « A mort ! ». L’homme et la femme « qu’on massacre en kermesse », elle les connaît – « je n’ai entrepris ce voyage que pour les rencontrer, me montrer vivante à eux. » Douleur d’en être témoin, nausée, souvenirs.

     

    Agathe a ses habitudes au bistrot de M. Antonin, c’est là qu’elle fait la connaissance de Jacques Martel, décorateur, un homme dans la quarantaine qu’elle a déjà croisé dans l’immeuble d’en face où elle loge dans une chambre sous le toit. Le courant d’air, quand il a ouvert la porte, a éparpillé son cours d’histoire. Il l’aide à ramasser ses feuilles, s’excuse, bavarde, trouve qu’elle est, à vingt et un ans, « exactement le portrait de Berthe Morisot ». L’étudiante ne connaît pas cette « femme libre » dont Martel aimerait exposer des dessins dans la galerie qu’il va bientôt ouvrir à Nice.

     

    Martel-Moulin-Max a quatre ou cinq mois pour « mettre sur pied quelque chose comme un Conseil de la Résistance » commandé par de Gaulle, qui soit prêt au cas où un débarquement aurait lieu en juillet. Méfiant par rapport aux manœuvres du PC qui aimerait diriger la résistance intérieure mais soucieux de donner à tous « la juste place due à leur courage », il veille à répartir équitablement les subsides entre Combat, Libération et Franc-Tireur.

     

    Il ignore, en offrant un thé de cassis à la jeune Agathe, que dès son arrivée à Lyon en juin 40, celle-ci est tombée amoureuse de Maurice, le fils des pharmaciens Noël – « pas de bol de commencer l’amour de sa vie au début d’une guerre » – et qu’à sa suite, elle est entrée dans le Réseau, gentille assistante de la bibliothèque paroissiale qui distribue livres et fiches avec son triporteur. Elle-même s’est étonnée de trouver sur sa liste de contact les Desmedt, des amis de son père chez qui elle était censée loger et qui n’avaient pas du tout l’air de mener des activités clandestines, ce qui est la règle, bien sûr.

     

    Marcel Quint accompagne Jean Moulin de Londres en France, de Paris à Lyon, de contact en réunion secrète. Lui qui se voit en « paysan de la politique » devient le « ministre plénipotentiaire de la France libre » mais doit faire face aux partisans impatients d’agir, en particulier les réfractaires au STO, et conseiller la prudence, rappeler les ordres. Les rivalités sont incessantes – « Je suis un veilleur, un gardien de phare, un chien de troupeau. Vous ne m’atteindrez plus, messieurs les chicaniers. » Colette, Antoinette – dans la compagnie des femmes il retrouve un peu de légèreté, prend parfois des risques.

     

    Mais le danger se rapproche, la Gestapo multiplie les arrestations, Maurice arrêté, torturé, se pend dans sa cellule, Agathe doit prendre encore plus de précautions. Max la croise à L’Etoile, bien habillée, mais « parfumée au chagrin ». Sur lui aussi, l’étau se resserre. Marcel Quint, en mêlant les destinées du chef de la Résistance française et de l’étudiante au grand cœur, réussit à nous faire partager leurs élans et leurs craintes, et à nous faire mieux comprendre l’héroïque générosité de ceux qui ont risqué, voire donné leur vie à l’histoire de la Liberté.