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Boyd - Page 2

  • Vies multiples

    En français : Les vies multiples d’Amory Clay. En anglais : Sweet Caress. The Many Lives of Amory Clay. Encore un mystère de la traduction des titres pour ce roman de William Boyd (2015, traduit de l’anglais (Royaume-Uni) par Isabelle Perrin). Il y manque les caresses, elles reviennent dans la citation de Jean-Baptiste Charbonneau en épigraphe : « Quelle que soit la durée de votre séjour sur cette petite planète, et quoi qu’il vous advienne, le plus important c’est que vous puissiez, de temps en temps, sentir la caresse exquise de la vie. » (Avis de passage)

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    Ensuite, une photo noir et blanc, « Amory Clay en 1928 » : une jeune femme en maillot foncé, les pieds dans l’eau, esquisse un pas de danse, un bras levé vers le ciel. Le titre du premier chapitre la définit très simplement : « La fille à l’appareil photo ». Née le 7 mars 1908, Amory – la narratrice, qui entreprend de raconter sa vie – est la fille aînée, avant Peggy (1914) et Xan (Alexander, 1916). D’autres photos, la plupart prises par elle, s’insèrent tout au long du roman.

    Le récit chronologique de sa vie alterne avec son « Journal de Barrandale, 1977 », du nom de l’île où elle où elle vit les dernières années de sa vie avec son chien Flam dans un cottage. Amory a reçu de son père, nouvelliste et « homme de lettres polyvalent », ce prénom « androgyne », écrit Boyd. « A mes yeux, un prénom est une affaire bien trop grave pour être choisi à la légère : il devient votre étiquette, votre définition, votre identifiant. » Quand sa sœur est née, son père était déjà parti à la guerre et c’est Greville, le frère de leur mère, qui a choisi celui de sa sœur. Pour le troisième enfant, Clay avait choisi « Alexander » pour un garçon, « Marjorie » pour une fille – prénom féminin dont Amory s’est souvent servie quand elle était fâchée contre son frère.

    Greville Reade-Hill va jouer un rôle important dans la vie de sa nièce. Cet « ancien opérateur de reconnaissance photographique dans le corps aérien de l’armée britannique » est devenu photographe mondain, étiquette qu’il rejette, lui préférant « photographe-tout-court ». Il lui offre pour ses sept ans un Kodak Brownie N°2, avec lequel elle prend sa première photographie lors d’une fête d’anniversaire, de « dames chapeautées en robe longue » dans le jardin de Beckburrow, dans l’East Sussex, « notre chez-nous ». Une maison achetée grâce aux droits dérivés d’une adaptation théâtrale qui avait soudain enrichi la famille.

    Amory est placée en pension du fait d’un legs d’une grand-tante destiné à l’éducation de l’aînée de ses petits-neveux. Sa mère ne se montrait jamais affectueuse et c’est au pensionnat pour jeunes filles qu’Amory fait son apprentissage sentimental auprès de sa meilleure amie à qui elle confie que le seul homme qu’elle aimerait embrasser, c’est Greville, son oncle, « l’homme le plus beau, le plus amusant, le plus gentil et le plus sardonique » qu’elle ait jamais rencontré.

    En famille, elle prend des photos qu’il lui a appris à tirer elle-même et met un titre et une date au dos de chacune au crayon, avant de les glisser dans son album. « Je crois avoir été consciente, même à l’époque, que seule la photographie peut réussir ce tour de magie avec tant d’assurance et de facilité : arrêter le temps, capturer cette milliseconde de notre existence et nous permettre de vivre éternellement. »

    Elève douée, Amory remporte un prix de dissertation et est encouragée à présenter le concours d’entrée à Oxford, mais elle ne veut pas aller à l’université. Elle veut devenir photographe professionnelle. Quand son père annonce un jour sa visite au pensionnat pour lui « parler en tête-à-tête », elle s’inquiète – avec raison. Son père prétend que tout va bien – sa sœur Peggy est une pianiste prodige et son frère élève des cochons d’inde – et il l’emmène en voiture en direction du nord. Tout à coup, il bifurque en direction d’un lac artificiel vers lequel il roule de plus en plus vite en lui disant, juste avant de plonger dans l’eau : « Je t’aime, ma fille chérie. Ne l’oublie jamais. »

    Elle arrive à se dégager de l’habitacle, puis à en sortir son père, qui fond en larmes (il imaginait le lac plus profond), et ils parviennent à nager jusqu’à la berge. Il sera déclaré fou et interné dans un « asile de luxe ». Amory s’en sort malgré une dépression nerveuse et mettra très longtemps à aller lui rendre visite. Elle a cherché une explication et découvert dans l’histoire de son régiment d’infanterie légère l’épisode de mars 1918 qui a traumatisé son père.

    Amory Clay devient donc photographe, d’abord en assistant son oncle Greville chez qui elle s’est installée ; elle découvre que son élégance irréprochable est liée, sans qu’elle s’en soit jamais doutée, à son orientation sexuelle. Il travaille pour plusieurs magazines mondains. Elle couche alors avec un autre photographe, fait ses débuts en tirant le portrait d’une riche héritière sur un court de tennis – sa photo peu académique fait scandale.

    Greville doit se séparer d’elle et lui conseille de se faire une mauvaise réputation, « une réputation sulfureuse », pour changer la perception que le monde a d’elle. Elle se rend à Berlin, dans les clubs « décadents », se lie avec une homosexuelle qui lui sert de couverture pour prendre des photos dans des bordels semi-clandestins, en cachant son appareil dans son sac où elle a bricolé une ouverture. C’est le début des années trente, elle y fait aussi de mauvaises rencontres.

    Au retour, son exposition « Berlin bei Nacht » fait scandale à Londres. Après le vernissage, un article du Daily Express lui vaut une descente de police et la confiscation de ses clichés. Elle a réussi tout de même à attirer l’attention de Cleveland Finzi, attaché au Global-Photowatch, un magazine américain, qui lui propose un rendez-vous à son hôtel. C’est le début d’une histoire d’amour.

    Dans Les vies multiples d’Amory Clay, William Boyd lui fait raconter les hauts et les bas de sa carrière de photographe internationale (en dernier durant la guerre au Vietnam), mais aussi de son parcours personnel : ses relations avec sa famille, ses amours et ses amitiés, son mariage et ses deux filles, la maladie qui la décide, tant qu’il est encore temps, à écrire tout cela pour que ses filles sachent un peu mieux qui était leur mère. Des souffrances, des risques, des bonheurs, de 1908 à 1983.

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    En refermant Les vies multiples d'Amory Clay, j’étais persuadée qu’Amory Clay avait vraiment existé, ainsi que certains autres personnages. Or ce roman est une fiction totale, illustrée de photographies anonymes ! William Boyd réussit à y rendre tous les aspects d’une vie de femme aventureuse : liens familiaux et goût de l’indépendance, soif d’émancipation et d’expériences, prise de risques, désirs amoureux, rêves et rencontres, interrogations sur son rôle de mère, combativité… Les allers-retours entre sa vie baroudeuse de photographe-reporter et ses réflexions de femme qui a vécu et tâche de vivre encore au mieux le temps qui lui reste – à elle qui croyait pouvoir « arrêter le temps » – apportent au récit une dimension supplémentaire, en profondeur.

  • Pourquoi moi ?

    « – Pourquoi moi ?
    – Parce que vous êtes complètement inconnu, expliqua le colonel Massinger. Genève ressemble à un cloaque d’espions, d’informateurs, d’agents, et autres émissaires. Buzz, buzz, buzz. Tout Anglais, quelle que soit son histoire, est enregistré dans les minutes qui suivent son arrivée. Noté, étudié, examiné et, tôt ou tard, exposé.
    – Je suis anglais 
    », rétorqua en toute logique Lysander, s’efforçant de garder un visage impassible. « Il est donc évident que cela se produira aussi pour moi. 
    – Non, déclara le colonel avec un léger sourire qui découvrit ses dents jaunies. Parce que vous aurez cessé d’exister. 
    – En fait, j’aimerais bien une tasse de thé, après tout. »

    William Boyd, L’attente de l’aube

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  • Acteur et espion

    Excellent cru dans l’œuvre de William Boyd, L’attente de l’aube (Waiting for Sunrise, 2012, traduit de l’anglais par Christiane Besse) raconte les aventures de Lysander Rief, acteur et espion malgré lui, entre Vienne, Genève et Londres, de 1913 à 1915. 

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    A Vienne, en août 1913, un jeune dandy se rend à son premier rendez-vous chez le Dr Bensimon. Dans la salle d’attente, il se laisse persuader par une jeune femme elle aussi « à l’évidence anglaise malgré son teint exotique », de la laisser passer en premier, « une urgence ». Quand la porte du cabinet s’ouvre, un homme grand et mince en sort et Miss Bull, s’y précipite en pleurnichant. « Elle m’a l’air un peu dangereuse », dit le lieutenant Alwyn Munro après s’être présenté.

    Rief consulte pour un problème d’ordre sexuel. Fiancé à une grande et belle actrice, il n’ose fixer la date de leur mariage à cause de ses ennuis. Bensimon lui conseille en premier lieu de noter ses rêves, ses pensées furtives, « tout et rien ». Au magasin de fournitures qu’il lui a recommandé, Lysander choisit un carnet à son goût juste avant de se retrouver en face de la petite Miss Bull, à présent souriante – sculpteur, pas sculptrice, insiste-t-elle. Elle vit à Vienne avec le peintre Udo Hoff et lui demande son adresse pour l’inviter à l’une de leurs soirées. 

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    Dans ses « Investigations autobiographiques », Lysander Rief note le trouble né de cette rencontre. A Vienne, il préfère éviter les contacts et en particulier avec l’un des « êtres blessés, imparfaits, déséquilibrés, déréglés, malades » qui vont chez le Dr Bensimon. A la pension de Frau K, il prend des leçons d’allemand chez un vieux professeur de musique. Un lieutenant qui loge là aussi lui signale qu’il peut coucher avec la servante pour vingt couronnes. Si leur logeuse, qui classe tout en « bien » ou « agréable », représente la Vienne de surface, polie avant tout, en dessous « le fleuve coule, sombre et puissant – Quel fleuve ? – Le fleuve du sexe. » 

    Tôt ou tard, quand il rencontre quelqu’un, Lysander est amené à reconnaître qu’il est le fils de Halifax Rief, acteur connu, mort quand il avait treize ans. Sa mère, Lady Anna Faulkner, 49 ans, s’est remariée. Mais c’est un épisode de 1900 qui hante Lysander, un jour d’été où, surpris par sa mère – à quatorze ans, il s’était endormi à moitié déshabillé dans un bois après s’être masturbé – il se tire d’embarras en accusant le fils du jardinier, renvoyé sur le champ. Bensimon, disciple de Freud, se targue de pouvoir guérir Lysander grâce au « parallélisme »,  une sorte de réinvention imaginaire de l’épisode traumatisant, sujet de son « opus magnum » : « Nos vies parallèles, une introduction ».

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    Paul-Gustave Doré, Andromède

    Entretemps, au vernissage d’Udo Hoff,  Lysander reconnaît l’affiche originale de « Andromeda und Perseus », un opéra de Toller, l’image provocante qu’il a vue partout déchirée dans Vienne : « une femme pratiquement nue, les mains pressées sur les seins » menacée par un dragon à la langue fourchue de serpent tendue en direction de ses parties intimes. Impossible à présent de ne pas y reconnaître Andromède, Miss Bull en personne. Celle-ci voudrait le sculpter, trouve son visage « des plus intéressants ». Lundi, 16 heures, à son atelier ? Il accepte.

    Dans l’atelier aménagé dans une vieille grange, loin de la maison où elle vit avec Udo, Hettie lui sert un verre de madère avant de passer aux choses sérieuses, une fois qu’il se sera déshabillé – elle ne sculpte pas le corps vêtu. Décontenancé, ne voulant pas paraître collet monté aux yeux de cette « gamine » artiste, Lysander se soumet, s’efforce de paraître détendu en songeant à un monde parallèle. Miss Bull lui montrera son dessin, une étude très détaillée de ses organes génitaux, juste avant de l’entraîner au lit. Il surprend Bensimon, à la séance suivante, en lui apprenant que tout a parfaitement « fonctionné » avec cette femme pas du tout son genre ! Et le voilà engagé dans une liaison, à l’insu du peintre jaloux, et même après avoir découvert que le disciple de Freud fournit de la cocaïne à « l’effrontée ».

    Le destin de Lysander bascule quelques mois plus tard, quand la police viennoise vient l’arrêter : il est accusé de viol par Hettie Bull, enceinte de quatre mois, c’est le peintre qui a porté plainte contre lui. Ridicule, pense Lysander, convaincu de pouvoir démontrer l’existence d’une liaison consentie, lieux de rendez-vous, billets et lettres à l’appui, mais la police ne transige pas jusqu’à ce que Munro, venu lui rendre visite en prison, l’informe que l’accusation a été modifiée en « attentat à la pudeur », ce qui autorise le versement d’une caution par l’ambassade anglaise où il sera confiné jusqu’à son procès.

    S’ensuivra l’évasion rocambolesque qui ramène Lysander à Londres. Il y reçoit une facture énorme du Ministère de la Guerre qui lui sera rappelée quelque temps plus tard : Munro vient l’arracher au régiment d’infanterie où il s’est engagé. On a besoin de lui et de ses talents d’acteur connaissant l’allemand pour résoudre une affaire de courrier codé. 

    Lisez L’attente de l’aube pour découvrir les tenants et les aboutissants de ces complexes affaires de cœur, de sexe et de haute trahison : un suspense de plus de quatre cents pages en format de poche où William Boyd déploie tout son talent de romancier – parfait pour les vacances.

  • Routine

    « Platane, chêne, marronnier, ginkgo : en route pour son travail, Adam notait les arbres comme s’il se promenait dans son propre arboretum. On était en plein été maintenant, et le soleil sur le feuillage dense, à cette heure matinale, le rendait modérément joyeux, si un tel état d’esprit était imaginable. La joie, il la devait au soleil et à la nature – la modération venait du genre de travail auquel il se rendait, de ses inconvénients et insuffisances, étant donné la profession qu’il avait auparavant exercée. Mais il ne pouvait pas se plaindre, il le savait. Il s’était réveillé dans ce qui était désormais son propre appartement, avait pris une douche chaude, petit-déjeuner de café et de toasts, et se rendait au travail, aussi relativement mal payé que fût ledit travail. C’était la routine, maintenant, et il ne fallait jamais sous-estimer l’importance de la routine dans la vie : elle permettait à tout le reste de paraître plus excitant et inattendu. »

     

    William Boyd, Orages ordinaires

     

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  • Un polar de Boyd

    Un pont dans une nuit brumeuse, photo en noir et blanc, couvre la jaquette du dernier roman de William Boyd, Orages ordinaires. Après la lecture jubilatoire des Nouvelles confessions, ce romancier anglais a pris quelque place dans ma bibliothèque. La vie aux aguets m'avait passionnée. Les premières pages de ce roman-ci m’ont déconcertée : l’impression de regarder un thriller en découvrant les faits et gestes de son héros, dans la trentaine, en costume trois pièces et attaché-case, Adam Hundred, qui s’attarde au bord du fleuve, près du pont de Chelsea (Londres), avant d’aller manger dans un restaurant italien. Il y remarque un autre « dîneur solitaire ». Les deux hommes se présentent : Hundred est climatologue, l’autre, Philip Wang, est spécialiste en immunologie. Quand Adam Hundred quitte le restaurant, il aperçoit une chemise en plastique qui a glissé entre les sièges, il y trouve un dossier, la carte du Dr Wang et lui propose par téléphone de passer le déposer chez lui.

     

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    A l’entrée d’un « imposant immeuble art déco », il signe le registre des visiteurs puis se rend au septième étage : la porte d’entrée du Dr Wang est entrouverte, mais lui ne se montre pas : « Philip Wang gisait étendu sur son lit, dans une mare de sang qui s’élargissait. » Wang, encore conscient, lui demande de retirer d’un coup sec le couteau enfoncé dans son flanc. Hundred hésite, obéit, Wang meurt presque aussitôt. Horrifié, Adam entend un bruit du côté de la salle de bain, reprend le dossier et descend aussi vite et aussi calmement qu’il le peut par l’escalier de secours. Pourquoi avoir touché ce couteau ? Pourquoi ne pas avoir appelé la police immédiatement ? Son nom est dans le registre, le couteau porte ses empreintes, il s’est enfui – quel beau coupable il fait ! Le doute n’est plus permis, ce roman de Boyd est un polar, avec tous les ingrédients du genre, et d'autres cadavres.

     

    Très vite, le tueur est sur ses traces. Il arrive à lui échapper d’un coup d’attaché-case aux angles en cuivre lancé en plein visage de son poursuivant. Il entend les sirènes de la police se rapprocher. Se livrer ? Une « peur indéfinie » le pousse à fuir encore, à se donner du temps. Le triangle de terrain vague repéré près du pont de Chelsea constituera un abri sûr, il décide d’y dormir. C’est sa première nuit clandestine, Adam ignore encore que sa vie a complètement basculé. Il est désormais un homme traqué.
    Il lui faudra changer d’apparence, d’identité, de travail pour échapper à ceux qui veulent se débarrasser de lui et mettre la main sur le dossier qu’il a emporté, pour tirer au clair les raisons du meurtre de Philip Wang. Boyd conte cette histoire aussi sous d’autres angles : il y a cette policière, Rita Nashe, écœurée par les scènes de meurtre, qui demande sa mutation dans la brigade fluviale ;  il y a ce directeur général d’une société pharmaceutique, Ingram Fryzer, que la nouvelle de la mort du Dr Philip Wang, leur médecin-chef dans l’expérimentation d’un nouveau médicament  contre l’asthme, quasi couplée à une commercialisation accélérée du produit au mépris des procédures habituelles, décidée « d’en haut », plonge dans un stress de plus en plus marqué.

     

    « Les orages ordinaires ont la capacité de se transformer en tempêtes multi-cellulaires d’une complexité toujours croissante. » Un meurtre, un témoin suspect, un coupable couvert par on ne sait quelle machine secrète, l’intrigue a de quoi tenir le lecteur en suspens sur près de cinq cents pages. L’amateur de romans policiers appréciera d’emblée, le lecteur moins enclin au roman « d’action », s’il accepte le jeu, le style fonctionnel, y assistera à l’intéressante métamorphose d’Adam Hundred. Comment disparaître dans la foule, devenir personne, survivre dans Londres sans se faire repérer ?

     

    Orages ordinaires se lit donc aussi comme un roman de mœurs, la peinture des bas-fonds alternant avec celle d’entreprises aimantées par le plus large profit possible. Une policière, une prostituée jouent les dames de cœur dans cette histoire cruelle où la moindre erreur est fatale, où la violence est omniprésente, où la résolution d’une énigme risque de coûter le prix fort. Coulisses des sociétés modernes, débrouille quotidienne, relations humaines, ce polar de William Boyd propose un divertissement « néodickensien », le dessin d’une société, d’une ville, une photographie de notre temps.