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L'ami ukrainien

Sur la table de la bibliothèque, L’ami ukrainien (Bayan, traduit de l’anglais par Jean-Paul Faure) attirait l’attention, actualité oblige. Ce roman d’un auteur sri-lankais, Pramudith D. Rupasinghe, s’ouvre sur le visage d’un homme aux cheveux gris, comme sa barbe, avec « un front puissant et des yeux gris vifs et brillants » : « A l’évidence, voilà une nature anticonformiste, avec des cheveux en liberté, agités par la brise soufflant sur la rivière Vorskla. »

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Les estivants du camp de vacances à proximité ne le dérangent pas. Il parle tout haut et rit tout seul, se baigne ou s’allonge sur une couverture pour lire un livre sur la berge. Le soir, sous sa tente, il joue de son instrument préféré, son « bayan » (titre original du roman). L’accordéon chromatique est son compagnon pour la vie. Le matin, l’homme chante en allant vers la rivière, parle aux arbres, observe les fleurs, « vieil esprit » sans peur ni timidité – « Il ne vit plus en société, mais pour lui-même. »

Quand il quitte l’endroit sur sa vieille moto, « une java » remerciée pour les kilomètres parcourus au fil des ans, son livre est resté sous le chêne : « L’Origine de la famille, de la propriété privée et de l’Etat » par Friedrich Engels. En première page figurent son nom et son adresse :
Ivan Nikolaïevitch
104/1 Karl Marx Street
Pervomaysk, Hlukhiv
Sumy
Ukraine

En automne, un étranger de passage remarque ce livre ancien à la réception du camp et l’observe, avec ses fragments de feuilles manuscrites glissés entre les pages et aussi des photos. Ivan N. a noté ses pensées et de courts poèmes dans ce « vieux livre d’une idéologie en survie – le communisme ». Tout cela décide l’étranger à prendre le « marshrutka » (« minibus bien connu dans les pays de l’ex-Union soviétique ») pour le lui rapporter à Sumy, ville au nord-ouest de l’Ukraine [attaquée au premier jour de l’invasion russe en 2022].

Le récit de ce déplacement met tout de suite dans l’ambiance locale. « A cause de son éloignement et [de] son manque de connectivité, Sumy n’est toujours pas impacté par la dynamique de l’Ukraine post-soviétique ». A Hlukhiv, le bus n’allant pas plus loin, le voyageur cherche un moyen d’aller à Pervomaysk et monte dans une vieille Lada 412 dont le conducteur lui a proposé de l’emmener.

« Mon Dieu ! Merveilleux étranger, sur mon cœur, merci un million de fois » s’exclame Ivan Nikolaïevitch en reconnaissant son livre, avant de le faire entrer chez lui. « Il offre alors une paire de chaussons comme c’est aussi l’usage en Ukraine car il est irrespectueux d’entrer dans une maison avec ses chaussures. » Aussitôt il lui apporte à boire : « La vie n’est qu’une histoire de relations, de personnes et de souvenirs qui nous restent. Et nous les portons jusqu’au bord de cette vie ! »

Au « jeune homme » qui lui a rapporté son livre, il offre l’hospitalité quelques jours, jusqu’à ce qu’un bus puisse le ramener. Il a tant à lui raconter, ou à chanter accompagné de son bayan, à propos de sa vie, de son pays, toute une sagesse accumulée durant sept décennies. L’étranger lui offre une écoute amicale, partage ce qu’Ivan N. cuisine en refusant l’aide de son invité, et c’est tout un parcours d’homme avec ses joies et ses difficultés qui se dessine par bribes, en paroles et en chansons, entre rires et pleurs aussi. Il lui donne à lire quelques pages de son Journal : de 1977 à 2015, les principaux événements de sa vie.

Quand le bus du retour pour Akhtyrka est annoncé, le vieil homme décide d’accompagner son visiteur jusque-là : c’est sa ville natale et il a encore plein de choses à lui montrer, à lui dire. Il prépare sa valise et des sacs de voyage avec de la nourriture, comme tout le monde. En route, il ne cesse de comparer le présent avec le passé soviétique, bien qu’il goûte la liberté conquise par son pays. Quand tout fonctionnait, avant que sa pension soit en partie rabotée, la vie était plus commode pour les gens de son âge.

Ivan Nikolaïevitch a des affaires à régler et il fait tellement confiance à son hôte à qui il a ouvert son cœur, qu’il lui confiera quelque chose d’important avant leur séparation. Récit sans prétention (on regrette les fautes d’accord), L’ami ukrainien fait découvrir l’Ukraine d’hier et d’aujourd’hui à travers cette rencontre chaleureuse. Humanitaire de profession, Pramudith D. Rupasinghe y décrit la vie quotidienne à la façon ukrainienne et y transmet des émotions sans frontières.

Commentaires

  • Je l'ajoute à ma liste autour de l'Ukraine (elle s'allonge). Qu'est-ce qui a donc amené un auteur Sri Lankais à écrire sur un vieil ukrainien ? Ses missions l'ont amené dans ce pays ?

  • L'auteur s'est rendu en Ukraine juste après l'annexion de la Crimée et plus récemment, oui.

  • Bonjour Aifelle, Merci pour votre enthusiasm. Je suis Pramudith. J' ai travaillé au Ukraine en 2013 et 2014, et en 2022 (après l'invasion russe) comme un psychologue/humanitaire. Et en plus, ma femme est Ukrainienne.
    Et, mes remans représentent divers payes, Bayan (l'ami ukrainien ) est un parmi eux.
    Merci beaucoup pour votre commentaire et curiosité!!!
    Bonne Lecture!

  • J'aime toujours lire à la fin tes annotations sur ta lecture. Il est vrai que l'Ukraine est un grand pays avec une culture propre et intéressante que je connais mal; ce genre de lectures peut faire découvrir un pays. En mon jeune âge, j'ai adoré connaître la Russie grâce à Tolstoï, Tourguéniev...

  • Ici, l'auteur relaie le point de vue d'un homme dont la génération a souffert des changements dus à l'indépendance et qui, vu son âge, se réfère constamment au mode de vie de l'époque soviétique. Ce n'est pas un roman qu'on lit pour ses qualités littéraires mais bien comme un témoignage, en effet.

  • Un billet, un personnage très tentants, et tout m'y intéresse, un tout grand merci Tania.

  • Avec plaisir, Colo. Peut-être à lire dans le texte original ?

  • Oui grand merci Tania, cette lecture me semble "touchante", elle fait vibrer la corde de l'humanité. Titre noté tout de suite. Bel après-midi à toi. brigitte

  • Un roman touchant, tout à fait, Brigitte.

  • Un livre très instructif sans aucun doute. Je n'en avais pas entendu parler...et je ne dis pas non pour découvrir cet auteur Sri Lankais un jour. Merci pour ton enthousiasme et j'aime la manière dont tu nous le présentes.

  • Un livre venu à moi sans que j'en aie entendu parler. Le roman n'éclaire pas les raisons de la guerre entre la Russie et l'Ukraine, contrairement à "Donbass" de Benoît Vitkine, mais il rend bien le vécu d'une génération habituée au système soviétique, qui ne trouve pas vraiment ses marques dans la nouvelle Ukraine.

  • je t'ai lu avec grand plaisir, même si je ne peux plus ajouter un seul livre à ma pile déjà plus que branlante

  • Je l'imagine bien !

  • Merci Tania pour le commentaire. Je suis a Bruxelles maintenant, si quelqu'un veut discuter le livre ou veut je dédicace, je suis disponible jusqu'au 31 Juillet.

  • Pramudith, quelle surprise de vous lire et de vous savoir à Bruxelles ! Je vous ai répondu en privé. Merci d'avoir réagi sur mon blog.

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