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Ernaux Quarto.jpg« A l’égard de ce monde, ma mère a été partagée entre l’admiration que la bonne éducation, l’élégance et la culture lui inspiraient, la fierté de voir sa fille en faire partie et la peur d’être, sous les dehors d’une exquise politesse, méprisée. Toute la mesure de son sentiment d’indignité, indignité dont elle ne me dissociait pas (peut-être fallait-il encore une génération pour l’effacer), dans cette phrase qu’elle m’a dite, la veille de mon mariage : « Tâche de bien tenir ton ménage, il ne faudrait pas qu’il te renvoie. » Et, parlant de ma belle-mère, il y a quelques années : « On voit bien que c’est une femme qui n’a pas été élevée comme nous. »

Annie Ernaux, Une femme

Commentaires

  • La phrase de sa mère sur le ménage est terrible. Je reconnais toute une époque et un milieu dans cet extrait (au passage tu me donnes envie de reprendre certaines lectures d'Annie Ernaux).

  • Bonne ménagère, bonne cuisinière, le temps où on considérait l'épouse comme au service de son mari !

  • Différentes classes sociales, différentes éducation, et puis cet éternel féminin cloîtré et devant remplir de multiples tâches "pour ne perdre son mari".
    Oui, on retrouve tout cela et bien plus dans ce livre à la fois personnel et commun aux européens.
    Merci, bon week-end Tania

  • Il y a aussi beaucoup d'ambivalence dans son rapport avec sa mère : "J'étais contente de la revoir, elle ne me manquait pas."
    Bon week-end, Colo.

  • Le mot "renvoie" est puissant et tellement représentatif d'une époque encore proche, où les épouses n'avaient pas droit à grand chose, tout comme les domestiques....

  • Ses parents se sont mariés en 1928, à une époque où l'épouse était encore considérée comme une mineure.

  • Toute une époque qui revit dans ces pages!!! Son ton il est certain, est juste.

  • N'est-ce pas ? Bonne après-midi, Anne.

  • J'ai lu A. Ernaux dans les années 1980 avec des appréciations mitigées mais je pense qu'à l'époque, je n'étais pas en mesure de l'apprécier. Il faudrait donc la relire.
    Je l'ai lue dans dans Le Monde Diplomatique de février – l'article "Relever la tête" – où elle se remémore les mouvements sociaux de novembre-décembre 1995 avec la mobilisation des services publics.
    "Malgré nos défaites , écrit-elle, « [...] les manifestants de janvier 2023 m'ont fait repenser aux vers d'Éluard : « ils furent foule soudain » (Faire vivre)."

  • Merci d'avoir signalé cet article que je viens de lire en ligne, avec cette mention inattendue sous une signature d'écrivain(e) : "Ce texte est issu d’un entretien. Il a été revu et corrigé par l’auteure."
    https://www.monde-diplomatique.fr/2023/02/ERNAUX/65517

  • C'est étonnant dans la mesure où Ernaux s'exprime à la première personne : "Je me souviens ..."
    Les entretiens peuvent être problématique, même revus, je sais que Yourcenar pour "Les yeux ouverts" eut quelques accrochages avec Matthieu Galey, pour finir par être en froid après la publication.
    Il ne s'agit ici «que» d'un article, évidemment.

  • Lors d'entretiens, le nom du/de la journaliste ou du journal est indiqué, ici seul celui d'Annie Ernaux est donné sous le titre "par ...", d'où ma surprise - sans doute liée aux derniers écrits d'elle que je viens de lire, en particulier de notes de son journal intime où elle dit sa lassitude d'écrire pour la presse ou des conférences.

  • Être bonne ménagère, tenir sa maison, c'était le seul but dans la vie des femmes de cette époque, si on ajoute avoir des enfants. On mesure à ce genre de phrase l'évolution...Bonne journée

  • En effet, Manou. (Restent les tâches ménagères, partagées de préférence ;-).

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