Au moment où vous lisez ceci, la série « En thérapie » a pris fin sur Arte, après sept semaines. L’avez-vous suivie ? Je l’ai trouvée passionnante tout du long. Un article de La Libre avait retenu mon attention sur cette série française inspirée d’une série israélienne (19e adaptation internationale !), d’autant plus que ses réalisateurs, Eric Toledano et Olivier Nakache, dans leurs films que j’ai vus (Intouchable, Le sens de la fête, Hors normes), montrent notre société avec une belle humanité dans le regard.
Derrière le divan, Reda Kateb, Clémence Poésy et Pio Marmaï.
Devant, Mélanie Thierry, Frédéric Pierrot, Carole Bouquet et Céleste Brunnquell
dans le labo d’«En thérapie», passionnant feuilleton au long cours.© Carole Bethuel
Chaque jeudi depuis le 4 février, plus d’un million de spectateurs ont pris rendez-vous avec le Dr Philippe Dayan : peu après l’horreur au Bataclan en novembre 2015, celui-ci reçoit successivement une chirurgienne, un policier de la BRI, une jeune nageuse qui se prépare pour les jeux olympiques, un couple qui bat de l’aile. Le vendredi, le psy se rend lui-même chez Esther, une amie et la veuve de son ancien mentor, sa « superviseuse », pour y voir plus clair dans sa pratique.
Le plus épatant, avant tout, c’est le jeu des acteurs. Non seulement ils interprètent magnifiquement des rôles difficiles – en une séance de trente minutes, ils déploient toute une palette d’émotions et de réactions – mais ils ont beaucoup à dire, à jouer. Ce ne sont pas tout à fait des monologues, mais les interventions du psy sont brèves. Ce sont les patients qui parlent, se cherchent, se découvrent.
Voilà quelque chose de rare à la télévision : une série qui ne repose ni sur l’action ni sur les changements de décor, une succession de scènes avant tout verbales, où les corps parlent eux aussi ; une série qui nous met à l’écoute de ce qui arrive à travers le langage, verbal et non verbal, quand les traumatismes, inconscients ou refoulés, se fraient un chemin dans la parole.
Chaque fois, on retrouve le bureau du psy dans son appartement parisien, le canapé où s’installent les patients, le fauteuil d’où il les écoute, sa bibliothèque. Nous y entrons sans avoir pour autant l’impression d’un plan fixe, grâce aux jeux de la caméra qui montre les entrées et sorties, va d’un visage à l’autre – c’est à l’intérieur des personnages que tout bouge. Quelques séquences se déroulent ailleurs dans Paris.
Bande-annonce (YouTube)
Série à visionner sur arte.tv : En thérapie - Séries et fictions | ARTE
Mélanie Thierry, que vous avez peut-être vue dans La Douleur d’après Duras, incarne Ariane, une jeune chirurgienne qui réagit aux tensions de son métier – opérer les blessés du Bataclan, ne pas réussir à sauver quelqu’un – en séduisant les hommes. Très vite, son désir se porte sur le psychothérapeute, qui n’en est pas à sa première expérience de transfert mais n’est pas insensible à son charme, elle le ressent.
Reda Kateb, qui joue Abdel, est aussi formidable – il m’avait fait forte impression dans le rôle de Malik, un responsable d’association, dans Hors normes (où Frédéric Pierrot (le psy) tenait le rôle d’un inspecteur). D’origine algérienne, cet homme de l’antigang, un as de la préparation des rituels d’intervention dans les situations dangereuses, a ressenti à l’intérieur du Bataclan quelque chose qui l’a déstabilisé. Il s’est bien gardé d’en parler avec le psychologue du service, de peur d’apparaître fragilisé.
Quant à Camille, la jeune nageuse interprétée par Céleste Brunnquell, elle crève l’écran, avec son regard et sa façon de parler franco. Au départ, elle n’est pas là pour une psychothérapie mais, à la suite d’un accident, pour une expertise psychologique réclamée par l’assurance médicale. Avec ses deux bras dans le plâtre, elle aussi, comme Abdel, résiste d’abord à l’analyse, réticente à livrer ce qui la perturbe intérieurement.
Le couple qui lui succède, Léonora et Damien, joués par Clémence Poesy et et Pio Marmaï, affiche ouvertement l’hostilité qui le mine. Elle est enceinte. Lui voudrait garder l’enfant, elle envisage d’avorter : ils ne sont que reproches l’un pour l’autre. Leur allure en dit long sur leurs différences, leurs différends. Mais il subsiste quelque chose de fort entre eux puisqu’ils se sont mis d’accord pour commencer ensemble une thérapie.
Frédéric Pierrot, qui incarne le psychanalyste Philippe Dayan (Paris, le 25 janvier 2021):
« Certains jours, j’étais lessivé, et je sentais bien que l’on s’inquiétait autour de moi. »
© Jérôme Bonnet pour Télérama
Frédéric Pierrot excelle dans le rôle pivot du Dr Dayan, plus fragile qu’il ne le paraît au début. Son épouse lui reproche de ne vivre que pour son métier et de les négliger, elle et leurs enfants. Son bureau de thérapeute est son refuge. Il s’en ouvre d’ailleurs auprès d’une collègue assez raide : Esther (Carole Bouquet) lui rappelle la déontologie de sa profession, les limites à respecter par rapport aux patients. On sent entre eux une sorte de contentieux, peut-être lié au mari d’Esther dont elle porte le deuil.
L’évolution à laquelle on assiste de semaine en semaine est fort accélérée – un tel travail sur soi demande plus de temps, peu importe. En thérapie met en valeur et le rôle du thérapeute et la manière dont le patient s’engage, en parlant, pour accoucher voire surmonter ce qui le mine. Si vous avez aimé cette série, dont une deuxième saison est en préparation, ou pas, n’hésitez pas à échanger ici : les commentaires sont ouverts.
Commentaires
Votre analyse(!) est parfaite. Je partage complètement votre ressenti. Je me trouve un peu triste de ne plus avoir rendez-vous avec ces histoires et surtout avec Abdel qui nous a lâchés ...
Bienvenue, Mamyfrance. Heureuse que ce billet vous parle. Comme vous, j'aimais retrouver ces personnages - il y en a au moins un que nous retrouverons dans la saison suivante.
Je ne peux qu’adhérer à tout ce que tu dis Tania sur cette riche série.....je suis particulièrement touchée car Frédéric Pierrot est le cousin de mon mari (leurs deux grands pères étaient frères) et nous sommes très fiers de lui et de son parcours dans la famille.
Tous les acteurs sont étonnants, les personnages de Camille et Abdel nous touchent au plus haut point.
Belle journée plein soleil ici, je t'embrasse.
Ah bien, tu peux lui transmettre ce billet et mes félicitations, Claudie. Ciel gris chez nous, mais du soleil sur le blog ;-), merci.
C'est une série que je n'ai pas suivie. Je pense que je peux la regarder encore sur le site d'Arte.
https://www.arte.tv/fr/videos/RC-020578/en-therapie/
Voici le lien, Aifelle : j'ai veillé à ne donner que la situation initiale pour laisser le suspens et la surprise à ceux qui n'ont pas suivi la série en direct. Bonne découverte si tu t'y mets.
Le jeu des acteurs, compliqué, est vraiment magnifique !
Et oui, certains personnages sont très attachants dans leur détresse.
Une remise en question des thérapeutes aussi, "les cordonniers sont les plus mal chaussés" !
Mais nous avons suivi (pas depuis le début hélas) cette série avec plaisir et admiration.
As-tu pu regarder le début sur le site d'Arte ? De chez moi, c'est encore possible.
Oui, j'imagine que le métier de psy, dans les circonstances de l'intrigue (après les attentats) ou comme actuellement (d'après ce que je lis dans la presse), requiert une telle écoute, une telle attention, qu'il ne lui en reste parfois plus assez pour sa vie propre.
Ben non, j'en ai entendu parler, mais je préfère le grand cinéma au série. Je n'ai pas regardé....Je sais: il faudrait.................Mais j'ai lu ce que tu en disais et les commentaires!!!! Envie!!!
Je préfère aussi le cinéma aux séries télévisées, a priori, mais certaines sont de qualité et les cinémas restent fermés.... Celle-ci est vraiment "hors série", en quelque sorte.
A toi de voir. Si tu veux, tu peux regarder les premiers numéros sur le site d'Arte pour t'en faire une idée par toi-même.
Je n'ai pas la télé, mon ordi refuse de lire les videos, mais j'ai pu contourner la difficulté, et j'ai regardé cette série avant parution télé, c'est disponible sur arte tv. Complètement prise! Vraiment une excellente série, et j'attends la suite!
Nous voilà d'accord ! J'ai mis ce lien dans ma réponse à Aifelle, je vais l'ajouter dans le billet pour qui voudrait découvrir la série.
je n'en ai regardé que quelques minutes, mais cela avait l'air bien joué, et j'en ai lu de bonnes critiques aussi!
J'ignore jusqu'à quand la série restera sur le site. Bonne découverte, si tu te décides à la regarder.
J'ai adoré !
Et tout regardé en moins d'une semaine sur le site arte...
Quel jeu d'acteurs !
Contente que tu aies aimé.
Waouh, tu l'as vue en une belle enfilade ! Oui, chapeau à tous ces acteurs. Bonne journée, Anne. Du soleil ici ce matin.
J'ai beaucoup aimé cette série. Pourtant je me méfie des séries en raison de leur côté accrocheur proche de l'addiction :-)
Mettre en scène cette intimité entre un thérapeute et un patient, était loin d'être facile. Et pourtant si plein d'humanité juste. Magnifiques interprétations, particulièrement celle de Frédéric Pierrot.
Tout à fait d'accord avec ce "si plein d'humanité juste", Fifi.
j'ai fait l'impasse sur la télé donc ....
Donc rendez-vous au prochain billet de lecture.
Tu en parles admirablement bien. Nous avons regardé (sur les conseils de mon amie Poussy) les 35 épisodes sur Arte TV, trois par trois, c'était ADMIRABLE. Le jeu des acteurs est d'une grande justesse, c'est fin, intelligent, sensible. Je pense que les dialogues parlent à chacun, on se retrouve dans l'un ou l'autre des personnages, on aimerait pouvoir dire et être compris... Nous ne suivons jamais de séries, mais là j'avoue, c'était exceptionnel et nous avons été bien tristes quand tout s'est arrêté. Merci Tania et bravo au cousin de l'époux de Claudie et aux autres bien sûr. Bises. brigitte
Ah, je suis contente que cela vous ait plu aussi. Rares sont les séries que nous suivons, celle-ci combinait plusieurs atouts a priori : deux réalisateurs que j'apprécie, une chaîne télé de qualité, un bon article dans La Libre... Une réalisation, un scénario, des acteurs admirables, oui, nous sommes d'accord.