« Colborne jeta un regard implorant à Dirk Burnaby, qui contemplait cette femme obstinée avec une sorte de fascination. Il ne savait que penser d’elle ; il avait la tête si vide. Une idée bizarre lui traversa l’esprit : elle était si menue, quarante kilos tout au plus, qu’un homme pouvait la soulever, la jeter sur son épaule et l’emporter. Et qu’elle proteste ! Il s’entendit dire : « Je ne pense pas que vous ayez saisi mon nom, madame Erskine ? Je suis l’ami de Clyde, Dirk Burnaby. Avocat. J’habite à trois kilomètres d’ici environ, à Luna Park, près des gorges. Je ferai l’impossible pour vous aider. Considérez que je suis à votre disposition. » C’était une remarque totalement inattendue. Une heure plus tard, il ne croirait même pas l’avoir prononcée. Colborne le regarda, bouche bée, et la femme rousse se tourna vers lui, le dévisagea en plissant les yeux comme si elle ne se rappelait pas vraiment sa présence. Elle ouvrit la bouche pour parler mais ne dit rien. Son rouge à lèvres était effacé, ses lèvres minces semblaient sèches et gercées. Impulsivement, Burnaby lui pressa la main.
C’était une main délicate, pas plus grosse qu’un moineau, et cependant, même sous le gant blanc au crochet, on la sentait brûlante, ardente. »
Joyce Carol Oates, Les Chutes
Commentaires
Burnaby est lui aussi un personnage tellement attachant...
C'est vrai, Edmée, merci de le souligner. JCO a fait de Burnaby bien plus que le bon samaritain dans cette histoire, un personnage complexe, qui évolue, et très attachant, oui.
Bel extrait.
Il n'en manque pas dans ce roman.
J'aime les dernières lignes, l'idée du gant brûlant dans le filet de coton du gant.
La littérature comme moyen d'évasion, de liberté……………..Délices!
Une belle phrase, en effet, Anne, je suis ravie que tu la distingues. A bientôt chez toi, dès que j'aurai plus de temps à consacrer à la blogosphère.
Ce roman semble riche, foisonnant.... Merci Tania !
Il l'est, c'est un titre d'elle à retenir.
Je pensais avoir laissé un mot sur ce livre que j'aime tant et qui est si riche. Les personnages sont complexes et passionnants.
Tu avais bien commenté le billet principal sur ce roman, merci Claudialucia.