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Europalia : Brancusi

L’exposition Brancusi, la sublimation des formes, phare du festival Europalia Romania, attire beaucoup de monde à Bozar (Palais des Beaux-Arts de Bruxelles) depuis son ouverture. Depuis que j’ai vu Le Baiser sur une tombe du cimetière Montparnasse, il y a longtemps, j’ai une prédilection pour ce sculpteur qui a travaillé peu de temps à l’atelier de Rodin avant de trouver sa voie – « rien ne pousse à l’ombre des grands arbres, », pensait-il.

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Pages d'un ouvrage présenté à l'exposition : photo et texte de Brancusi (cliquer pour agrandir)

Le parcours chronologique nous fait découvrir Constantin Brancusi (1876-1957) depuis son voyage, en grande partie à pied, de Roumanie à Paris, où il arrive en 1904 et exerce d’abord de petits métiers pour survivre, jusqu’à l’installation du site de Târgu-Jiu dans son pays natal en 1937. De nombreuses photographies accompagnent les œuvres, souvent prises par lui-même ; il avait demandé à Man Ray de l’initier, afin de choisir sa propre manière de montrer ses sculptures, son atelier et ses autoportraits.

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© Brancusi, Le sommeil, 1908

Deux marbres, d’emblée, montrent l’émancipation de Brancusi par rapport à Rodin : celui-ci, dans Le sommeil, a sculpté le beau visage de Camille Claudel, finement rendu ; Brancusi reprend la position de la tête mais laisse un côté du visage inachevé. Pour Rodin, « c’est par le modelé que la chair vit, vibre, combat, souffre… » ; Brancusi va préférer au modelage la taille directe de la pierre.

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© Brancusi, La prière, 1907 (à droite, La prière de Rodin, plâtre, 1909)

Dans La prière de Brancusi, une femme agenouillée à la silhouette stylisée s’incline, contrairement à La prière de Rodin où elle reste droite. Un bronze de Wilhelm Lehmbruck, Tête de femme inclinée, exprime la même intention : montrer le recueillement, l’intériorité. Les sculptures de Brancusi sont souvent placées au centre de la salle, ce qui permet de bien les regarder sous tous les angles et de remarquer, par exemple, cette ligne creuse de la colonne vertébrale, comme plus loin dans La sagesse de la terre.

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© Brancusi, Le Baiser, 1907

Et voici ce fameux Baiser (1907), si différent du chef-d’œuvre de Rodin, et chef-d’œuvre de la sculpture moderne : une étreinte les yeux dans les yeux, bouche sur bouche, les bras enlacés – volumes, creux, pleins, lignes. Un minimalisme de la forme, des corps à peine suggérés, le baiser devenu fusion, signe universel, iconique. Brancusi continuera à en simplifier le dessin qui aboutira à la Porte du Baiser.

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© Brancusi, Le commencement du monde, vers 1920 (Dallas Museum of Art)

Avec Le commencement du monde (vers 1920) s’ouvre une période essentielle dans la sculpture de Brancusi, de l’œuf à l’envol (pour résumer). Le marbre poli à l’extrême, pour capter la lumière, est posé sur une plaque ronde de maillechort (alliage imitant l’argent) qui reflète l’ovoïde et souligne son point d’équilibre, le tout sur un socle (toujours conçu et fabriqué par l’artiste) étudié pour renforcer l’œuvre. Le carré et le rond, le solide et le fragile, l’ombre et la lumière – « recherche de la quintessence des choses » (Guy Duplat).

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© Brancusi, Tête d'enfant endormi, 1908 (Collection particulière)

Quel chemin parcouru depuis les têtes d’enfant de ses débuts, comme le très émouvant Supplice. Un pas a été franchi avec Tête d’enfant endormi, une tête non plus dressée mais posée sur la tempe. Parmi les disciples de Brancusi, Isamu Noguchi est représenté à l’exposition avec sa propre version du Baiser (1945) en albâtre, et aussi Irène Codréano avec Eileen Lane (1925, polyester), un buste épuré de leur amie commune. Dans cette salle, on peut aussi voir de petits films de Brancusi tournés dans son atelier, où évoluent des danseuses.

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© Brancusi, Muse endormie, bronze doré, 1910, Centre Pompidou, MNAM-CCI,
RMN-Grand Palais, photo Adam Rzepka, Sabam Belgium, 2019

Beaucoup de monde dans la salle de la Muse endormie en bronze doré (affiche de l’exposition) et d’autres têtes emblématiques de Brancusi. Des étudiants entouraient les sculptures pour les dessiner, il devenait difficile de circuler autour des œuvres. Joli sourire d’une autre Muse accoudée en marbre sur un socle en bois sombre.

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© Constantin Brancusi, Léda, 1926, Centre Pompidou, MNAM-CCI,
RMN-Grand Palais, photo Adam Rzepka, Sabam Belgium, 2019

Après Leda, bien mise en valeur, on tourne vers la salle des oiseaux : Maïastra, puis le fabuleux Oiseau d’or sur un très élégant socle en marbre qui évoque la Colonne sans fin. La série des Oiseaux dans l’espace (Brancusi en a créé une quinzaine, en marbre ou en bronze) est aussi présentée à travers de nombreuses photographies qui les montrent chez des particuliers ou à l’atelier sous des éclairages aux effets très divers.

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© Brancusi, L'Oiseau d'or, vers 1919 (Minneapolis Institute of Art)

Une exposition si riche mérite d’être revisitée, je suis loin d’en avoir parlé de façon exhaustive. Poisson, Torse de jeune homme, chaque sculpture retient le regard. Quelques peintures aussi, dont une gouache délicate, Femme au peigne. Des œuvres ou photos d’artistes proches du sculpteur accompagnent cette magnifique rétrospective, qui se termine par la présentation du site de Târgu-Jiu en images : la Colonne sans fin, la Porte du Baiser, la Table du Silence. Ne manquez pas ce rendez-vous avec Brancusi à Bozar (jusqu’au 12 janvier 2020).

Commentaires

  • L'abstraction portée à une rare pureté, je trouve ce minimalisme exceptionnel : "La muse endormie", "L'oiseau d'or",.... (même si parfois c'est extrême, ainsi la "Léda").
    Je n'irai certainement pas aux Bozar, alors je profite de cette chance de visiter un peu l'exposition d'ici. Merci.

  • Je vous rejoins sur cet adjectif, "exceptionnel". Bonne soirée.

  • J'aime la muse endormie et d'autres...Et ceux que je découvre avec toi!
    Contente aussi d'avoir un jour découvert ton blog, on y apprend tellement……….

  • Ton commentaire est très encourageant, merci, Anne.

  • J'adore Le Baiser et Les oiseaux de l'espace, j'aime les revoir. Merci pour ce billet, cette exposition m'aurait fait rêver, tu nous y emmènes.

  • J'adore Le Baiser et Les oiseaux de l'espace, j'aime les revoir. Merci pour ce billet, cette exposition m'aurait fait rêver, tu nous y emmènes.

  • Cette exposition m'a rappelé la grande rétrospective du Centre Pompidou, et la visite de l'atelier - à ne pas manquer à Paris.

  • Un sculpteur génial, que nous vénérons tous ici à la maison.
    Tes photos sont très réussies, un tout grand merci.

  • Merci, Colo, d'accord avec vous tous sur le génie de Brancusi, inspiré et source d'inspiration.

  • j'ai visité son atelier dès mon arrivée à Paris, lundi dernier :-)
    j'en suis sortie enchantée et j'ai hâte de voir l'expo!

  • Ah, je suis contente que tu l'aies visité, nous en reparlerons.

  • J'ai réellement découvert Brancusi lors d'une expo au Centre Pompidou il y a pas mal de temps maintenant. Ses sculptures sont fascinantes. J'aimerais aller au cimetière Montparnasse, mais je crois que son oeuvre est toujours cachée actuellement.

  • La fameuse rétrospective de 1995, deux ans avant la réouverture de l'Atelier Brancusi, une révélation pour beaucoup d'entre nous.
    J'ai une vieille petite photo N/B du Baiser au cimetière qui n'a jamais quitté ma chambre.

  • Ne comptons pas, c'est si proche !

  • Merci Tania pour cette plongée dans le monde de Brancusi qui m'a toujours fascinée. Il y a tellement de force dans son minimalisme de plus en plus poussé. Oui, merci pour ce très beau cadeau, tes photos, tes mots et ton ressenti face à ces œuvres ! Bises. Claudie.

  • Merci, Claudie. C'est la première fois qu'une telle rétrospective est présentée à Bruxelles, quel bonheur !

  • Une bien belle exposition, me semble-t-il. Dommage que je ne passe pas par Bruxelles ces temps-ci, car ton billet fait très envie. Merci en tout cas pour la visite!

  • Avant d'aller la revoir, j'ai relu l'essai que lui a consacré Radu Varia, un beau livre que je recommande - aussi pour la qualité des illustrations (un extrait demain). Merci, Cléanthe.

  • merci pour cette belle visite virtuelle, un avant-goût pour aller à bozar - je note aussi le livre que tu recommandes

  • Je t'en souhaite déjà une bonne visite, Niki.

  • Merci pour cette belle visite. J'aime Brancusi et effectivement, la sculpture du baiser atteint le plus profond de notre être.
    Bonne journée !

  • Merci, Marie.

  • C'est un artiste que j'apprécie énormément depuis très longtemps, je suis particulièrement touchée par ses œuvres épurées comme "la muse endormie" ou "le commencement du monde", tout est exprimé avec élégance et poésie, c'est sublime ! Merci Tania, à bientôt. brigitte

  • Les socles, la finition, le polissage, la simplicité apparente, tout chez Brancusi est le fruit d'un long travail et d'une réflexion profonde. Merci, Brigitte, bonne soirée.

  • Magnifique exposition en effet ! On aimerait tant pouvoir caresser "Le commencement du monde" !

  • Ah, c'est une tentation permanente devant certaines sculptures.

  • Bonjour,
    Auriez-vous la référence de l'ouvrage ?
    Merci

  • Bonjour, Mona. L'essai auquel j'ai fait allusion plus haut : Radu Varia, "Brancusi", Gallimard, 1989.
    http://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Livres-d-Art/Brancusi

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