« […] Venir ici après ce que vous avez fait – s’il vous plaît, laissez-moi finir…
– Allez-y, dit-il, bien qu’il n’eût rien fait pour l’interrompre.
– Je ne veux pas me mêler de ça. Je ne suis qu’une voisine. Ce n’est pas mon affaire. N’en parlons plus.
– Qu’est-ce qui n’est pas votre affaire ?
– Eh bien, ce que vous écrivez dans vos livres. D’ailleurs, célèbre comme vous l’êtes, vous ne m’écouteriez pas. Mais que vous ayez pu faire à Laura ce que vous avez fait…
– Quoi donc ?
– Tout ce que vous avez écrit sur elle dans ce livre.
– Sur Laura ? Vous ne parlez pas de l’amie de Carnovsky, je pense ?
– Ne vous abritez pas derrière ce Carnovsky. Je vous en prie, ne mêlez pas vos histoires à ça.
– Je dois vous le dire, Rosemary, je suis un peu choqué de constater qu’une femme qui a enseigné la littérature pendant trente ans dans le système scolaire de New York ne peut pas faire la distinction entre l’illusionniste et l’illusion. Peut-être confondez-vous le ventriloque en train de dicter avec une marionnette démoniaque.
– Ne vous abritez pas non plus derrière le sarcasme. Je suis vieille mais je suis encore un être humain. »
Philip Roth, Zuckerman délivré in Zuckerman enchaîné