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Poèmes de Carême

Nonante-neuf poèmes, c’est le titre de l’anthologie consacrée à Maurice Carême (1899-1978) publiée l’an dernier dans la collection Espace Nord. Le poète belge « de l’enfance », sa grande source d’inspiration, n’est pas réservé aux enfants, comme on l’a parfois cru. Simplicité n’est pas simplisme, rappellent dans la postface Rony Demaeseneer, Christian Libens et Rossano Rosi, qui ont choisi les textes de ce recueil.

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Maurice Carême au bord de la Dyle à Ottignies
photo de Jeannine Burny © Fondation Maurice Carême 

De l’instituteur-poète né à Wavre (dans le Brabant wallon, il y est enterré) et décédé à Anderlecht (commune bruxelloise) où il a enseigné pendant vingt-cinq ans, avant de vivre de sa plume, l’anthologie permet de découvrir ou redécouvrir une poésie de « clarté profonde », suivant l’intitulé d’un colloque organisé à Bruxelles en 1985. La fondation Maurice Carême assure sa promotion depuis 1975, je vous recommande son site.

En lisant le premier poème, « A Ispahan », un sonnet, – « Où, qui, comment, pour qui, pourquoi ? » –, je me souviens de ce qui m’avait frappée, enfant, quand j’ai lu ou appris par cœur des vers de Maurice Carême : on pouvait donc jouer avec les mots et ça faisait de la poésie ! On pouvait aussi, à sa suite, associer des mots commençant par la même lettre, comme dans « Alphabet », pour s’amuser ou pour inventer le monde ; il était moins simple de trouver rimes et bon rythme, la musique. Pour un certain K, maître du jeu poétique, j’en cite juste une strophe :

« I   c’est l’ibis berçant son île,
J   le jardin sans jardinier,
K   le képi du chef kabyle,
L   le lièvre fou à lier. »

Des fleurs et des animaux, des ciels et des soleils, des nuages, la nature entre sans frapper dans la poésie de ce contemplatif :

« Le bois est tout bleu de jacinthes.
On croit respirer en plein ciel.
Les bouleaux sont comme des saintes
Qui se penchent sur un missel. »
(Jacinthes)

Pas de lumière sans ombre, pas de vie sans inquiétude : le temps passe, on vieillit. Poignant « Cimetière militaire ». Impeccable « D’où venons-nous ? »

« Qu’a-t-on perdu, qu’a-t-on gagné
A l’étrange jeu de la vie ? 
Ne perd-on, avec les années,
Jusques à l’envie de gagner ? »
(Le ciel s’est tu…)

« Pendant que je vis, des gens meurent.
Des gens vivront quand je mourrai.
C’est tellement simple, mon cœur,
Que tu ne le crois qu’à moitié. » (Ma rue)

Un être reste, du début à la fin, l’axe premier de l’existence : la mère, « bénie entre toutes les femmes ». Lisez « La main de ma mère », c’est si juste, si beau. Maurice Carême ne craint pas de dire les émotions, il est de ceux qui osent écrire avec le cœur, parler d’amour, nommer la mort. Il nous emmène aussi dans le rêve et l’imaginaire – « La porte en feuilles mortes ».

Le poète jongleur de mots, qui sait n’être « ni Villon ni Verlaine », sans « art poétique », aime citer ses poètes préférés :

« Laissons rêver Apollinaire
D’aller aux îles Samoa
Avec les quatre dromadaires
De Pedro d’Alfaroubeira
Et regardons fuir les nuées
Et danser les fleurs de lilas
Qui meurent comme des fumées
Dans les yeux verts de notre chat. »
(Laissons rêver Apollinaire)

Enfin, je ne voudrais pas taire le grand rire de Maurice Carême : « Savez-vous ce qui est comique ? », « Le crayon bizarre », « Les canards », « L’heure du crime », « Ponctuation »… Ce ne sont pas poèmes de carême.

« Rien à dire ?
Si pardi !
Qu’il faut rire,
Rire ici,
Rire au chien,
Au hibou,
Rire à rien,
Rire à tout,
Aux nuages,
Aux vieux houx,
Rire en sage,
Rire en fou. (…) »
(Rire)

Je n’ai jamais visité la « maison blanche » du poète à Anderlecht, maison-musée de la Fondation Maurice Carême : ce serait pourtant une jolie façon de prolonger la lecture de ces Nonante-neuf poèmes, un jour ou l’autre.

Commentaires

  • Maurice Carême, c'est comme La Fontaine, grand siècle en moins. Vaux le Vicomte et Versailles en moins aussi. On nous le sert jusqu'à l'indigestion depuis l'école primaire. Il a manqué me dégoûter de la poésie jusqu'au moment où heureusement, j'ai découvert Éluard.
    Ce serait trop long de continuer...
    On a des poètes en Belgique dont on ne parle jamais
    ...

  • Des poètes que l'on ignore à cause de l'école mais qu'on est tellement heureux de redécouvrir plus tard

  • J'ai découvert Maurice Carême à l'école primaire, comme tout le monde, je l'ai tout de suite aimé. Il me parlait d'un monde qui me paraissait idéal et tellement beau. Adulte on le lit autrement et je ne m'en lasse pas.

  • Oh, j'adore ce billet et les poèmes, et Maurice Carême!
    Rions un coup, veux-tu?

  • @ Pivoine : Pour ma part, j'en ai appris quelques-uns à l'école primaire, sans plus, pas d'indigestion ;-)

    @ Aifelle : Un monde idéal, des joies et des mots simples, oui.

    @ Colo : Rions, rions, chère Colo (sans modération).

  • il m'émerveillait quand j'étais petite fille, il n'a cessé de m'émerveiller jusqu'à aujourd'hui!
    merci Tania!

  • C'est merveilleux, un enchantement qui résiste au temps.
    Bonne soirée, Adrienne, à bientôt.

  • Toujours beaucoup de tendresse et de douceur dans les poèmes de Carême, Merci Tania pour cette belle promenade que tu nous offres et pour les liens qui permettent d'aller plus loin. Bises.

  • Carême rafraîchit, simple et inventif. : "Rire en sage Rire en fou". Rire de rien et de tout, et de nous, quelquefois.

  • Je fais une exception pour Brabant. Je ne comprends pas d'où me vient cette inimitié. Je le reconnais. Or, j'aime bien comprendre...

  • Je connaissais finalement peu Maurice Carême, à l'école ça a plutôt été Prévert. Je l'ai (re) découvert par le marché de la poésie, place st supplice à Paris, où chaque année il y a un stand qui lui est consacré, ce doit être la Fondation ou une association Les amis de...

  • @ La petite verrière : Avec plaisir, un autre poème ce soir;

    @ Christw : Cela fait tant de bien. A bientôt, Christw.

    @ Pivoine : D'où vient une attirance ou un rejet ? Parfois d'un auteur "imposé" ou des circonstances du premier contact.

    @ Marilyne : La Fondation Maurice Carême est très active, la preuve !

  • voilà une anthologie que je vais essayer d'acquérir, maurice carême et jacques prévert sont deux poèmes incontournables pour moi

  • @ Bonheur du Jour : Bonnes retrouvailles avec ce poète !

    @ Niki : Ce recueil est une bonne idée d'Espace Nord, une collection au service de notre patrimoine littéraire.

    @ Dominique : A redécouvrir, relire, redire...

  • J'aime beaucoup la simplicité (apparente) de Maurice Carême et cela m'ennuie de voir combien certaines personnes confondent simplisme et simplicité.
    Je ne connaissais pas le poème Laissons rêver Apollinaire (un de mes poètes préférés ) mais je l'aime beaucoup pour son rythme et sa pensée qui me rappelle "Plus mon petit Liré que le Mont Palatin..."
    Nous aussi en France nous avons étudié Carême mais jamais jusqu'à l'indigestion !

  • Bonjour Tania, quel joli billet sur Maurice Carême. J'ai toujours aimé ses mots et merci pour tous les liens.
    Bisous

  • @ Claudialucia : Ravie que tu sois sensible à ce poète. A bientôt.

    @ Denise : Je suis contente de partager aussi ces liens qui permettent d'aller plus loin. Bonne soirée, Denise.

  • Un joli billet qui rend justice en quelque sorte à Maurice Carême, et c'est mérité.

  • Merci Tania pour ce moment de grand plaisir. Moi qui ai souvent du mal avec la poésie je trouve celle-ci tout à fait à mon goût, et comme tu le dis si bien "simplicité n'est pas simplisme".
    De plus je suis émue par la grande modestie de celui qui sait reconnaître qu'il n'est ni Villon ni Verlaine.

  • Chère Annie, je suis ravie que tu sois sensible à cette poésie simple et lumineuse.

  • Maurice Carême, pour moi c'est une tendresse particulière venue de l'enfance et prolongée ensuite auprès des enfants dans les classes.
    Mais je ne me souvenais plus qu'il était belge, figure-toi! L'ai-je jamais su?

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