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Maîtriser

Arditi couverture.jpg« Elie avait appris à récurer des brosses, fabriquer des enduits (de trente sortes au moins), broyer des cristaux (jusqu’à en obtenir le granulé juste), mélanger les poudres aux huiles et aux résines, et, pour chaque nuance, à obtenir les proportions parfaites, les couleurs et les transparences. Après deux ans d’atelier, il eut le droit de préparer les couches de fond. D’abord les simples, puis celles qu’il fallait appliquer en dégradé. Un an encore et il put travailler le fini des toiles. Il apprit à peindre des drapés, des dentelles et des visages, des chevelures et des nez, des bouches, des oreilles, et, pour finir, des mains, des gants et des regards. Un an plus tard, on le mit à reproduire certaines œuvres du maître dont on lui commandait des copies. Durant ces six années d’atelier, il reçut pour son travail de quoi se nourrir, des habits usagés, et un gîte qu’il partageait avec d’autres garçons, au bord du rio Sant’Angelo, une pièce humide et à l’odeur pestilentielle, été comme hiver. Il vécut ces duretés dans l’impatience, avec intensité. Il voulait tout comprendre, tout retenir. Maîtriser chaque détail. Faire comme le maître. Aussi bien que le maître. Et mieux que tous les autres. »

Metin Arditi, Le Turquetto

Commentaires

  • Bel extrait qui, après avoir lu ton billet précédent, montre si bien l'effort et le progrès, le tout avec des détails visuels...du moins j'ai l'impression de voir.
    J'ai noté le titre, merci.

  • c'est ça, la motivation :-)
    et c'est ça, l'apprentissage... patience et longueur de temps ;-)

  • @ Colo : C'est un emprunt à la bibliothèque, mais je peux t'envoyer le livre si tu ne le trouves pas. Bonne journée, Colo.

    @ Adrienne : Un long et patient apprentissage, en effet, et beaucoup de volonté pour réaliser sa vocation.

  • un bel extrait effectivement, qui montre aussi qu'apprendre ne s'arrête jamais

  • Quelle patience et persévérance dans de dures conditions. Merci Tania pour ce bel extrait.
    Bel après-midi et mes bisous ♥

  • @ Niki : Et aussi que copier, imiter peut conduire à développer son propre style.

    @ Denise : Pas sûr qu'un jeune apprenti s'accommoderait encore de telles conditions aujourd'hui. Avec plaisir, Denise & bonne soirée.

  • Je suis fascinée par ces temps où l'apprentissage était vraiment formateur. On était initié aux gestes, aux secrets, aux recettes. Un énorme travail, une longue formation donnait des maitres extraordinaires. Ah, vraiment je veux le lire ce livre ! Bises. brigitte

  • Oui, c'est fascinant, et tout cela dans des conditions de vie souvent difficiles. Bonne lecture, Brigitte, bises.

  • La condition des artistes aujourd'hui est différente. Il y a les artistes "professionnels", dont la vie est difficile (bien que moins inconfortable, peut-être, étant donné l'époque), et il y a les artistes dits "amateurs", parce qu'ils n'ont pas fait l'Académie...

    En peinture même, les techniques sont différentes. Il est rare de peindre encore à l'antique. Et encore plus à l'huile. Et encore plus avec des pigments. Plusieurs artistes m'ont dit que l'aspect "cuisine" était souvent ce qui les rebutait le plus. Il faut pouvoir clouer une toile à un châssis... Sans parler des allées et venues quand on est graveur... Pour quelle reconnaissance ?

    En Belgique, nous sommes, pardon, les artistes sont tellement nombreux. Même les bons artistes professionnels, qui ont fait l'Académie, et eu des prix, abandonnent parfois la partie. Ils vivent modestement, dans l'ombre, sans être trop connus.

    L'époque est différente, mais je ne sais pas si la condition est plus enviable.

  • Et parfois, ils gagnent leur vie, soit en travaillant dans le bâtiment, soit, pour les plus chanceux, en devenant professeurs. En gros, il faut attendre l'âge de 45 ans, je pense, pour arriver à quelque chose. Mais il y en a évidemment, qui arrivent à se faire connaître, ceux qui ont des commandes publiques. Une ancienne de mon école secondaire est dans le cas, qui a eu plusieurs commandes publiques pour orner des stations de métro en Europe. Mais elle est vraiment très talentueuse (et a plusieurs diplômes à son actif).

  • Ce que tu écris et que tu connais bien, Pivoine, je le constate aussi, entre autres grâce à un ami peintre qui m'accueille parfois dans son atelier, un de ceux qui travaillent "modestement, dans l'ombre", mais avec passion, pour toutes sortes de raisons qui les tiennent à l'écart du "marché de l'art". Je rêve pour lui d'une reconnaissance publique, un jour ou l'autre.

  • Voilà qui donne très envie de lire ce livre. Venise et la peinture en même temps : quel agréable plongeon dans le passé ! Merci de nous faire découvrir cet ouvrage.

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