La Brafa (Brussels Art Fair) attire chaque année plus de monde à Tour & Taxis, elle donne l’occasion, rare en un seul lieu, d’admirer des merveilles très diverses. La plupart des galeristes autorisent les photos (sans flash, de qualité approximative), ce qui me permet de partager avec vous un aperçu très partiel de ma visite – les œuvres majeures sont illustrées sur le site officiel.
Dans les allées décorées d’innombrables orchidées dans toute la gamme du rose au mauve, l’effet spectaculaire est garanti. A l’entrée, une pente herbeuse plantée de muscaris et de petits cyclamens charme par un arrangement plus naturel. D’une fleur à l’autre, voyez ce simple bouquet d’œillets de Levy-Dhurmer : j’ai aimé sa grâce particulière, l’originalité du vase et du cadrage.
© Lucien Levy-Dhurmer, Œillets roses
On apprend beaucoup dans ce genre de manifestation, on y voit par exemple des peintures d’artistes dont ce n’est pas la spécialité la plus connue. Ainsi, de Majorelle, Jeune femme sous les bananiers et Femme de Bamako, aussi chez Ary Jan ; en fait, il ne s’agit pas de l’ébéniste français de l’art nouveau, mais de son fils, Jacques Majorelle, peintre orientaliste.
© Jacques Majorelle, Jeune femme sous les bananiers, technique mixte sur papier
A la galerie Maeght, je découvre des œuvres sur bois (huile et résine amalgamées) du sculpteur belge Raoul Ubac : Septembre I a la douceur du sable. Chez Philippe Heim, trois portraits de jeunes filles à l’encre noire d’Ousmane Sow, dont vous avez peut-être admiré les grandes sculptures sur le pont des Arts à Paris en 1999.
© Ousmane Sow, Jeune fille, encre noire, 1996
Celui qui a eu la gentillesse de partager son invitation avec moi me fait remarquer la présence discrète du roi Philippe derrière nous, qui se dirige dans une autre direction. On dit qu’il collectionne les théières et il n’en manquait pas de très jolies ici et là, comme celles-ci ornée de fleurs en relief (Bertrand de Lavergne).
Au stand de la Fondation Roi Baudouin, Philippe Wolfers est à l’honneur, comme au musée du Cinquantenaire cette année avec l’exposition Horta & Wolfers, à visiter un de ces jours. On présente ici des carreaux céramiques belges de la collection Roberto Pozzo qui en compte plus de 9000, offerts à la Fondation pour en assurer la conservation.
Ici une merveilleuse lampe de 1920, là un splendide vase en Imari orné de bronze doré, mais nous avons choisi de nous arrêter surtout aux peintures et aux sculptures. Un petit Max Ernst, Arizona rouge (1955) attire mon attention chez Philippe David. Claude Bernard présente un bel ensemble de quatre toiles de Jacques Truphemus (1922-2017) qui confirme la tonalité singulière, intimiste et si lumineuse du peintre français dont j’ai souvent lu des éloges et dont je vois des oeuvres pour la première fois.
Vue d'ensemble des Truphemus au stand de la galerie Claude Bernard
Au-dessus de la grande allée, des rubans multicolores répondent au festival des décorations florales – la Brafa ne lésine pas sur les moyens pour séduire les visiteurs et encourager les acheteurs. L’ambiance est festive. Beaucoup de visiteurs profitent des banquettes aménagées dans ce grand jardin de l’art sous toutes ses formes.
L’art contemporain, qui a le vent en poupe, est de plus en plus présent à la Brafa, peut-être trop ? Beaucoup de galeristes accueillent l’un ou l’autre artiste actuel dans leur présentation, cela pourrait suffire. Christo, l’invité d’honneur cette année, est présent à beaucoup d’endroits avec de grands dessins préparatoires pour ses célèbres « emballages » – des dessins plus attirants, pour ma part, que ses Three Store Fronts installés près du restaurant.
© Carole Solvay, Untitled, 2017 (feathers & mixed media)
Parmi les œuvres récentes, j’ai aimé une étonnante sculpture de Carole Solvay à base de plumes, comme une énorme éponge ; les Strates en acier corten d’Etienne Viard, né en 1954, dont plusieurs sculptures sont présentées chez AB ; à la galerie Maeght encore, un jeu de portes et de vitres au pastel signé Ra’Anan Levy.
© Etienne Viard, Strates, acier corten, 80 cm
Si vous aimez la sculpture animalière, les bronzes, ne manquez pas cette édition de la Brafa, qui en regorge. De nombreux sculpteurs contemporains continuent à représenter les animaux sauvages, les oiseaux, les félins. Ce magnifique Grand chat assis de Patrick Villas, un Anversois né en 1961, est proposé à vingt mille euros à la galerie Herwig Simons.
© Patrick Villas, Grand chat assis, bronze
Parmi les peintres exposés par Francis Maere, centré sur les Belges des XIXe et XXe siècles, Constant Permeke, Emile Claus (ci-dessous), Gustave et Léon De Smet, Gustave Van de Woestyne – du moins connu Carolus Tremerie, une jolie vue du Béguinage de Gand. Plusieurs oeuvres ont déjà présentées ici lors d’éditions précédentes.
Une très belle vue de bateaux sous la neige de Maurice Sys est mise en valeur chez Jan Muller. J’ai admiré des Spilliaert chez plusieurs exposants, dont une Allée bordée d’arbres dans un cadre de bois très bien choisi, à la galerie Lancz, qui montre aussi une rare aquarelle vénitienne tout en bleu, illustrée sur le site de l’exposant.
Laissez-moi vous montrer encore ce superbe vase monumental en onyx flanqué de deux figures en bronze, admiré chez Victor Werner. La galerie Claude Bernard présente aussi un ensemble d’orfèvrerie époustouflant de Goudji, serviteur de la spiritualité dans l’art - une découverte pour moi.
Vase en onyx orné de deux figures en bronze, fin du XIXe s., H. 144 cm
Plus de place ici pour honorer les antiques, Rubens (sa Diane chez Klaas Muller est une des oeuvres-phares de cette année), le XVIIIe, l’art africain, les bijoux… La Brafa ouvre ses portes à Tour & Taxis jusqu’au dimanche 4 février.
Commentaires
Quel travail tu as réalisé pour ce billet (et je n'ai pas encore cliqué sur tous les liens!), merci!!
Superbement présentée cette galerie..tu me diras qu'il faut vendre, mais visiter c'est si bien aussi.
De tes photos j'aime particulièrement la jeune fille, les céramiques belges et ce magnifique hêtre rouge.
Je reviendrai compléter la visite...bonne journée!
quelles merveilles! et quel beau billet! j'espère avoir l'énergie nécessaire pour m'y rendre in extremis, dimanche...
l'art contemporain me laisse toujours perplexe mais ce hêtre et ces oeillets sont magnifiques
un bon moment pour l'oeil je pense
@ Colo : Ah, les heures de recherche en ligne permettent de revisiter et d'approfondir - c'est passionnant. Je t'envoie une photo complémentaire des "Jeunes filles" d'Ousmane Sow.
@ Adrienne : Merci, Adrienne. J'espère que tu pourras y aller.
@ Dominique : Ce grand hêtre rouge irradiait. L'art contemporain va dans tous les sens, il est vrai, mais devant certaines oeuvres, comme celles illustrées, le geste artistique s'impose à la sensibilité, au regard - et parfois, on aimerait toucher.
Je vais prendre le temps de suivre tous les liens ; je ne crois pas avoir jamais vu de toiles de Jacques Truphemus, dommage, j'aimerais bien. Il y a une belle variété d'oeuvres présentées, il s'en trouve forcément qui touchent, même si l'art contemporain est souvent difficile à appréhender.
Un grand merci chère Tania pour ton merveilleux billet. C'est de toute beauté. Les toiles, les oeillets roses et le hêtre rouge me plaisent infiniment et tes autres choix également. C'est un régal. Je vais voir aussi les liens.
Bel après-midi avec mes bisous ♥
Quelle belle promenade, grand merci, je viens de passer un moment très agréable à lire et regarder. J'aime beaucoup les céramiques, je suis fan d'Art Nouveau. J'espère venir au printemps à Bruxelles, profiter de quelques expositions. Très belle toile de Levy-Dhurmer, j'ai découvert cet atiste il y a peu lors de l'exposition Pastel au Petit Palais à Paris.
Coucou Tania... oubli... j'ai vu ce magnifique parterre de cyclamens, une vraie merveille. Merci.
@ Aifelle : Oh oui, il y en a pour tous les goûts. La galerie qui expose Truphémus est à Paris, en attendant une rétrospective.
@ Denise : Difficile d'échapper à l'énumération dans ce genre de billet, heureuse qu'il t'ait plu. Tu vois que du côté des fleurs, c'était aussi l'abondance.
@ Marilyne : Si tu viens à Bruxelles, n'hésite pas à faire signe. Il y a bien sûr le musée Horta à visiter et les propositions de parcours art nouveau ne manquent pas. Merci pour l'info sur l'exposition au Petit Palais, je vois qu'elle dure jusqu'en avril, j'aimerais la voir.
Superbe. Et Ousmane Sow ...je repense à ces scuptuees vues à Tours, en ville , début des années 2000
J'ai eu la chance de voir ses sculptures à Paris et j'ignorais qu'Ousmane Sow dessinait aussi, ces dessins pleins de finesse m'ont surprise - je n'ai rien trouvé sur la Toile à leur sujet, j'aurais dû interroger le galeriste.
Je suis en émerveillement devant tout ce que tu offres et devant le travail que tu as fourni !!! Que de découvertes, particulièrement Ousmane Sow, justement, Goudji, Patrick Villas... J'ai souri devant les deux petites théières, j'en ai une du même style à la maison qui était à mon arrière grand-mère mais qui n'est pas signée, j'adore le thé et les théières !!! C'est une splendide exposition qui laissera certainement en toi de jolies traces. Bises et doux week end Tania. brigitte
Nous avons le goût des théières en commun, celle de ton arrière-grand-mère est donc bien ancienne et précieuse à plus d'un titre. Oui, ce rassemblement de belles choses et d'oeuvres d'art à la Brafa est remarquable - tant d'occasions de s'émerveiller, de s'instruire, de découvrir des artistes. Bonne après-midi, Brigitte et beau week-end. Bises.
Diversité ! "Untitled" m'intrigue ; "Le port..." me fait rêver ; "Le hêtre..." m'illumine : merci pour ce billet et ces découvertes.
Avec plaisir, Nikole, bon week-end.
Coup de cœur en effet pour le bouquet d'œillets, le portrait d'Ousmane Sow qui m'avait enchantée ici, à Bordeaux,et pour les Strates d'Etienne Viard qui me rappellent Bernard Venet.
Intéressant tout cela.
Merci, Tania, pour cette superbe visite ! Ces foires sont toujours l'occasion de belles découvertes et aiguisent notre curiosité. J'ai visité à plusieurs reprises, dans une autre vie, la Foire de Bâle, consacrée à l'art moderne et surtout contemporain. J'y ai toujours appris des choses, découvert des oeuvres qui m'ont émues, sans parler du plaisir des rencontres fortuites. Pas de roi pour moi, mais une japonaise, probablement très noble aussi, en costume traditionnel. L'étoffe de son obi en particulier était une pure splendeur. Et comme à Bruxelles des fleurs, le plus souvent de superbes bouquets, qui m'attiraient, parfois, plus que les oeuvres exposées.
@ Maïté/Aliénor : Pour la sculpture en acier corten, j'ai d'abord cru qu'il s'agissait de Venet, mais la galeriste m'a un peu parlé d'Etienne Viard et montré aussi plusieurs autres sculptures de lui en petit format, dont l'effet est fort différent des oeuvres monumentales.
Pour Ousmane Sow, as-tu vu à Bordeaux d'autres dessins de lui que ces "Trois jeunes filles" ?
@ Annie : De beaux souvenirs, merci pour ton évocation de cette Japonaise élégante, Annie. L'ancienne Foire des Antiquaires de Bruxelles, que je n'ai visitée que quelques fois, était beaucoup plus axée sur l'art ancien et le mobilier. Je préfère de loin cette formule renouvelée de la Brafa, ouverte à l'art moderne et beaucoup plus riche en peintures et en sculptures.
Je n'y suis jamais allé mais en voyant ton reportage, je me rends compte que j'ai tort... Je pense à la Foire du Livre de Bruxelles, mais pas à la Foire des Antiquaires. Cela mériterait une fois une visite. Bonne semaine Tania.
La Foire du Livre, c'est pour bientôt. Oui, la Brafa mérite amplement la visite, dans un tout autre genre.