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Charlus et Albertine

Sodome et Gomorrhe tourne autour de ces deux personnages essentiels de La Recherche. Le baron de Charlus, dont le narrateur surprend par hasard le manège avec Jupien, est donc de ceux que Proust appelle les hommes-femmes. « Jusque-là, parce que je n’avais pas compris, je n’avais pas vu. »  

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© Candida Romero, Marcel l'Insecte, 1998

http://www.candidaromero.com/sodome.html

Monsieur de Charlus lui apparaît désormais comme « une personne nouvelle » de la race des « invertis » : « fils sans mère » à qui ils sont obligés de mentir, « amis sans amitiés », « sans honneur que précaire », « sans situation qu’instable » – « franc-maçonnerie » plus étendue que l’autre. Dans ce long exposé sur la place des homosexuels (Proust n’emploie pas ce mot) dans la société fleurissent des métaphores inattendues : « Méduse ! Orchidée ! »

Il comprend à présent la drôle de soirée chez le baron, observe ses manœuvres pour recommander Jupien et sa nièce brodeuse à « toute une brillante clientèle », remonte aux récits bibliques éponymes, puis conclut à propos des invertis: « Certes ils forment dans tous les pays une colonie orientale, cultivée, musicienne, médisante, qui a des qualités charmantes et d’insupportables défauts. »

A la fameuse soirée chez la princesse de Guermantes, le narrateur est surpris de la voir se lever pour l’accueillir, lui qu’elle ne connaît pas. Son d’ambiance : le jacassement du baron de Charlus et le susurrement de M. de Sidonia, tous deux « monologuistes », qui « avaient pris la détermination, non de se taire, mais de parler chacun sans s’occuper de ce que dirait l’autre ». 

Le narrateur à présent sait « l’exacte valeur du langage parlé ou muet de l’amabilité aristocratique » : tant de gentillesse n’est qu’une fiction « pour être aimés, admirés, mais non pour être crus » – « croire l’amabilité réelle, c’était la mauvaise éducation. » Cherchant quelqu’un pour le présenter au prince de Guermantes, il croise des invités, entend les commentaires des uns sur les autres.

Grand moment, sa marche avec la duchesse de Guermantes entre une double haie d’invités curieux du « jeune homme » qui accompagne Oriane. Elle trouve le palais trop « historique » à son goût, critique Swann qui veut la présenter à sa femme avant de mourir. Celui-ci est mal vu depuis qu’il a pris parti pour Dreyfus, lui qu’on considérait comme un Juif si « français ».

Au retour, pas d’Albertine chez lui comme espéré. Quand elle téléphone enfin, se dit empêchée, il la réclame, inquiet du bruit qu’il entend autour d’elle, et la persuade de venir tout de même ; Françoise est mécontente d’être dérangée si tard. « Pour Albertine, je sentais que je n’apprendrais jamais rien, qu’entre la multiplicité entremêlée des détails réels et des faits mensongers je n’arriverais jamais à me débrouiller. » 

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Il écrit à Gilberte pour tenir la promesse faite à Swann, mais il ne ressent plus rien pour sa fille, qui a hérité des millions d’un oncle de Swann. Quant à Odette, son salon est devenu très élégant, avec Bergotte en vedette, et ses soirées passent pour être plus excitantes, plus intellectuelles que chez la princesse.

Puis c’est le deuxième séjour à Balbec, très différent du premier. Le narrateur rêve à présent du château de la Raspelière, loué pour la saison par Mme Verdurin au marquis de Cambremer. Le Grand Hôtel réveille brutalement le souvenir de sa grand-mère – « Car aux troubles de la mémoire sont liées les intermittences du cœur. » Il rêve d’elle, la revoit dans sa mère qui a pris avec elle des affaires à elle, un sac, des volumes de Mme de Sévigné…

Il se reproche et son chagrin capricieux, celui de sa mère est véritable, et son aveuglement lors du premier séjour : Françoise lui a dit à quel point déjà elle se sentait mal alors. Une vraie journée de printemps fait renaître le désir d’Albertine, tenue à l’écart. Leurs sorties, leurs promenades à peine recommencées, une remarque du Dr Cottard au Petit Casino, où ils la regardent danser avec Andrée, éveille ses premiers soupçons « gomorrhéens ». Désormais, il se méfie de toutes les femmes qu’elle regarde, pense à Swann « joué toute sa vie » par Odette, craint une tromperie continuelle. Quand il le lui dit, Albertine proteste – « L’être aimé est successivement le mal et le remède qui suspend et aggrave le mal. »

Sodome et Gomorrhe déroule le fil des mondanités à Balbec : Mme de Cambremer invite à Féterne – « On vous sent si vibrant, si artiste » – Mme Verdurin à La Raspelière. Propriétaire et locataire se disputent leurs invités. Le narrateur y retrouve le baron de Charlus, entiché de Morel, jeune militaire et violoniste très demandé chez les Verdurin. Il fait la connaissance des fidèles, tous persuadés qu’elle est ce qu’il y a de plus chic, et de Saniette, leur souffre-douleur.

Les conversations, les étymologies de Brichot pour qui les toponymes n’ont pas de secret, l’effet surprise que produit M. de Charlus, avec ses incroyables reparties, les manœuvres de Morel pour cacher que son père était valet de chambre, tout va crescendo jusqu’à l’arrivée chez Mme Verdurin des Cambremer eux-mêmes, la marquise et « Cancan » comme on appelle son mari. Bourgeois et aristocrates se mêlent en villégiature, le narrateur observe l’instabilité croissante des situations et des jugements mondains.  

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Tous les jours, il sort avec Albertine, en train ou en voiture, lui fait des cadeaux, la fait passer pour sa cousine. Le baron de Charlus apprécie ses jolies toilettes – « Il n’y a que les femmes qui ne savent pas s’habiller qui craignent la couleur. » Entre le baron et Morel, il sert quelquefois d’intermédiaire. L’idée de se marier avec Albertine lui semble une folie – il annonce à sa mère qu’il va rompre – mais quand la jeune femme lâche incidemment qu’elle connaît bien l’amie de la fille de Vinteuil, il fait tout pour l’empêcher d’aller la retrouver, songe à nouveau au mariage, alors qu’il voit s’éteindre toute espérance de bonheur avec elle.

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Commentaires

  • je ne sacais pas qu'on prononçait le s de Charlus, comme je l'ai entendu dand le film de Nina Companeez
    (je ne me rappelle pas si mes profs disaient "Charlusse"...
    vite, une madeleine ;-))

  • Je l'ignorais et comme toi, je ne le prononce pas (et pourtant il est souvent question de prononciation dans La Recherche). Même les Français hésitent, comme tu peux le lire ici : http://lefoudeproust.fr/2015/06/charlus-ou-de-charlus/
    Une tasse de thé ?

  • Je prononce le s... et ne me posais pas la question. bref.
    J'aime tes illustrations.
    Je viens de terminer Un été avec Proust, et te signale A la lecture de Véronique Aubouy et Matthieu Riboulet, tu vois que je lis 'autour de Proust'.

  • Les deux prononciations sont utilisées, cela se confirme. J'ai découvert les œuvres de Candida Romero en cherchant des illustrations et je trouve son travail fascinant, inspiré. Merci pour les références, à bientôt Keisha.

  • Quand je suis les péripéties sur ton blog, je me dis que Proust n'a rien à envier aux feuilletons télévisés d'aujourd'hui ... ils ne sont pas au même niveau, c'est tout !

  • Oui, il se passe beaucoup de choses dans La Recherche, et il s'y trouve tant d'analyses, de réflexions aussi ! La réduction que j'en propose ici n'en donne qu'une faible idée. Bonne journée, Aifelle.

  • Vous avez passé le cap de la mi-course vers le temps retrouvé.
    Charlusse prononcé Charlut m'agace autant que Françis prononcé «cisse» alors que j'entends sans broncher que l'on boit du cassisse sur le talus. Allez comprendre !

  • Voir et comprendre la société à travers ses yeux, un kaléidoscope plein de rebondissements!

    Bon week-end dame Tania.

  • @ Christw : A mi-chemin plutôt, sans courir ;-) Ah, cela vous agace ?
    J'ai souvent pensé qu'un dictionnaire de la prononciation des noms propres français serait d'une grande utilité. Mais la façon aristocratique d'en prononcer certains est parfois très inattendue,
    cf. http://lefoudeproust.fr/2015/03/facons-de-parler-1-les-noms-propres/

    @ Colo : Absolument, vacheries comprises ! Bon week-end, Colo.

  • Quelle étude pointue de la société, qui est celle d'hier et toujours la nôtre aujourd'hui, même si certains détails ont changé ! Chacun se reconnaît dans cette peinture à vif et à nerf d'une humanité en technicolor, à cause de sa diversité, de ses subtilités et de ses mensonges. La Raspelière, que les Verdurin louent à Mme de Cambremer, s'inspire de la propriété des Finaly qui se trouve derrière chez moi à Trouville et devant laquelle je passe presque chaque jour. Ce très beau manoir vient d'être entièrement rénové à l'identique par un descendant des Finaly en ligne directe, par les femmes.Proust y a séjourné à deux reprises en 1891 et 1892. Les trois vues sur la campagne et la mer l'enthousiasmaient.

  • J'ajoute le lien vers votre billet bien documenté sur Proust à Trouville, sous une photographie du manoir :
    http://interligne.over-blog.com/article-1280515089-proustcourbrulee2def-79254100.html

  • relire proust est au programme, surtout après avoir passé "un été avec proust" (france-culture)
    je vois que pendant mon absence il s'est passé, comme toujours, de bien belles et intéressantes choses ici - j'aime énormément ce portrait de proust en début de billet

  • Moi aussi, heureuse que tu l'apprécies. Le temps de la lecture paisible reviendra pour toi, patience.

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