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L'oeil du désir

Rubens Venus Frigida.jpg« Avez-vous déchiffré le titre de notre récit mythologique, Venus frigida. Frigide, la déesse de l’amour, non pas. Venus frigida, c’est la Vénus venue des rives de la mer Méditerranée et qui frissonne et prend froid dans les plaines du Nord. Le vent décoiffe les branches des arbres, noie le ciel de pluie. La belle Vénus ployée, surprise par l’arrivée d’un être mi-homme, mi-bête, médite, la bouche songeuse appuyée sur la main, le regard détourné, fuyant, elle échafaude quelque ruse pour échapper au piège qui lui est tendu.

 

Songez, notre scène ne vous est-elle pas familière, mille fois vue, partout, au musée, au cinéma, sur les affiches de publicité ? Une femme à la nudité savamment dévoilée se retrouve passivement saisie sous l’œil désirant d’un homme. « Suzanne et les vieillards », « Femme à sa toilette », « Pan et le Syrinx », des générations de peintres ont repris ce thème… Le cadrage demeure identique depuis des siècles, depuis des millénaires. C’est l’homme qui regarde, c’est la femme qui est vue. L’œil du désir est un privilège masculin. »

 

Lydia Flem, L’œil du désir (Prose pour P. P. Rubens / Guide du visiteur)

 

« Sensation et sensualité, Rubens et son héritage », Palais des Beaux-Arts, Bruxelles, 25.09.2014 > 04.01.2015

 

Peter Paul Rubens, Venus Frigida, 1614 © Lukas - Art in Flanders VZW / Royal Museum of Fine Arts Antwerp

photo Hugo Maertens.

 

 

 

 

 

Commentaires

  • "des générations de peintres ont repris ce thème" et des générations de publicistes les ont copiés pour vendre un yaourt, un parfum, un café....
    Seul l'être "mi-homme, mi-bête" a disparu de leurs pseudo-tableaux, remplacé le plus souvent par un Apollon musclé ...c'est beaucoup moins dérangeant!
    Je ne connaissais de Lydia Flem que le nom et je viens de lire "Prélude à une histoire des liens entre photographie et littérature: Baudelaire-Valéry", cela m'a donné envie de m'intéresser à son œuvre .
    Merci pour cette belle découverte Tania.

  • voir et être vue, oui hélas, mais de plus en plus les hommes aussi doivent subir les regards qui jugent l'aspect extérieur, et répondre à des critères de "beauté", et je ne suis pas de celles qui applaudissent en criant "bien fait pour eux que leur tour vienne aussi"
    (mais je m'éloigne ;-) et oui, elle sait écrire, cette dame ;-))

  • @ Gérard : J'ai été un peu surprise de lire ceci dans le Guide du visiteur ("Luxure") : "À l’époque de Rubens, la frontière entre la sensualité, l’érotisme et la pornographie était peut-être moins nette que dans notre société qui tolère de moins en moins la confusion des genres", alors que la publicité surfe là-dessus, invite anges et démons, etc.
    Merci d'attirer mon attention sur cette communication de Lydia Flem à l'Académie, j'irai la lire.

    @ Adrienne : Les combats féministes contre l'utilisation de la "femme objet" dans la publicité (années septante) n'y ont finalement pas changé grand-chose, à part cette "égalité" dans l'instrumentalisation. Un fonds (de commerce) inépuisable.

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