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Bellow & Ravelstein

De la littérature américaine encore, au plein sens du terme, avec un écrivain génial que je découvre peu à peu – de vrais bonheurs de lecture. Dernier roman de Saul Bellow (1915-2005), Ravelstein (2000, traduit de l’américain par Rémy Lambrechts) est le portrait d’un homme – et d’une amitié. Les romans de Bellow sont « une commedia dell’arte de la parlerie », peut-on lire dans lEncyclopedia Universalis et celui-ci, centré sur les échanges entre Ravelstein, professeur de philosophie politique à Chicago, et son ami romancier, Chick, est un condensé de vitalité intellectuelle.  

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Paris, hôtel Crillon : Ravelstein s’extasie devant la vue dont il jouit depuis sa suite, lui qui l’année précédente croulait encore sous les dettes. Avant de « toucher le gros lot », ce dandy aimait déjà le luxe. Devenu très riche grâce à un livre « belliqueux, spirituel et intelligent », il a l’impression d’avoir commis une énorme blague : « ce n’est pas rien de devenir riche et célèbre en disant exactement ce qu’on pense – en le disant dans ses propres termes, sans faire de compromis. »

Chick, qui est son invité, avec sa femme, à un autre étage, vient lui tenir compagnie pour le petit déjeuner. Nikki, le jeune compagnon d’Abe, dort encore. La conversation porte sur Keynes, Ravelstein l’a poussé à écrire sur l’économiste de Bloomsbury. « Ravelstein, avec sa puissante tête chauve, était à l’aise avec les déclarations tonitruantes, les grandes idées et les hommes célèbres, avec les décennies, les ères, les siècles. » 

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Par ses anciens élèves qui lui téléphonent fréquemment, il se tient au courant de ce qui se passe à Washington, à Londres ou au Kremlin ; les idées et les faits le passionnent. Ce qu’il attend de son ami Chick à présent, c’est qu’il écrive sur lui une biographie sans complaisance. Chick, quoique plus âgé, pressent que la mort dont ils rient ensemble prendra Ravelstein avant lui.

Dîners, soirées, lèche-vitrines dans la rue Saint-Honoré qui enchante ce juif américain raffiné, toutes les occasions sont bonnes aux deux amis pour discuter histoire, littérature, idées. La thèse de Ravelstein dans son livre à succès, c’est que « si on pouvait acquérir une excellente formation technique aux USA, la formation générale s’était réduite au point de disparaître. » Il n’a cessé de pousser ses étudiants à la lecture des classiques. 

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Ravelstein s’est toujours intéressé de près à la vie de Chick, à ses épouses successives, à sa manière de passer l’été à la campagne, loin du « théâtre des hommes. » Le mariage, la politique, la religion, la culture, la société, la judéité, la mort, ce sont les thèmes de prédilection des deux amis, mais quand Ravelstein doit de plus en plus souvent quitter son bel appartement pour des séjours à l’hôpital, la tonalité de leurs conversations change, devient plus grave.

Jusqu’au bout, Ravelstein reste l’homme « brillant et charmeur » avec qui Chick peut parler de tout. « Quand il est mort, je me suis aperçu que j’avais pris l’habitude de lui raconter tout ce qui s’était passé depuis notre dernière rencontre. » Rosamund, secrétaire de Chick avant de devenir son épouse, l’encourage à écrire son livre sur Ravelstein et veille sur sa santé, également chahutée. Mais Chick n’a qu’une obsession : comment rendre compte de ce personnage hors norme qu’était Abe Ravelstein ?  

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Avant la publication de son dernier roman, Saul Bellow avait laissé entendre qu’il s’inspirerait du philosophe Allan Bloom, son grand ami, et la révélation dans cette fiction de son homosexualité discrète a déclenché une grosse polémique aux Etats-Unis. « Saul Bellow a-t-il trahi son ami ? » a titré L’Express à son tour. Quoi qu’il en soit, Ravelstein est un formidable hommage à l’intelligence et à la culture. « Il y a des romans d’amour. On devrait aussi parler des romans d’amitié », a écrit très justement Mathieu Bock-Côté.

Commentaires

  • ah c'est embêtant, tous ces grands livres! ma vie sera déjà trop courte pour lire les oeuvres majeures de la francophonie ;-)

  • Merci encore pour cette présentation, Tania. Les idées de lectures hors des sentiers battus foisonnent sur ton blog.

  • @ Adrienne : C'est le cri du coeur de tous ceux qui lisent - je me tourne souvent vers la littérature étrangère ces temps-ci, mais je compte bien revenir tôt ou tard aux écrivains francophones.

    @ Danièle : Merci beaucoup, Danièle, j'apprécie ce compliment.

  • Je ne sais pas si je lirai Saul Bellow que je découvre ici, ou quand, mais j'apprécie aussi ce billet, aussi intéressant que plaisant à lire.

  • J'ai déjà noté un autre titre chez toi de cet auteur, mais je rejoins la réflexion d'Adrienne !

  • @ Marilyne : A toi de voir, merci pour ton passage.

    @ Aifelle : J'ai commencé avec le volume en Quarto contenant "Herzog" et "La planète de Mr. Sammler", je le recommande à qui voudrait découvrir son univers. Bien sûr, la littérature française a de quoi nourrir ses lecteurs & lectrices, je comprends tout à fait.

  • Je ne lis pas la littérature américaine, donc je ne sais rien dire d'intéressant à ce sujet. Mais je te souhaite une bonne semaine malgré la pluie!

  • Pour une raison particulière ?
    Bonne semaine, je vais voir si tu as commenté le concert de Stromae à Werchter.

  • Je comprends votre intérêt/plaisir pour les livres de Bellow. Malgré qu'un grand nombre de ses titres (et ceux que vous avez commentés) soient encore sur l'étagère, convaincu, je me promets de vous emboîter le pas

  • J'espère n'en avoir pas trop dit, mais assez pour vous en donner l'envie un jour ou l'autre.

  • Encore un livre qui rejoint la liste de mes futures lectures. Ta présentation est comme toujours parfaite et tu sais nous donner envie d'aller à a découverte de cet auteur que je ne connaissais pas.
    Un grand merci Tania!
    Biz
    Elisa

  • @ Slow down : De blog en blog, les invitations à la lecture ouvrent de nouvelles fenêtres, je m'en réjouis. Bonne journée, Elisa.

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