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Le temps de lire

« De toute manière, le temps, et en particulier le temps de lire, dites-vous bien qu’on ne le trouve pas, on ne le trouve jamais qui, tout à coup disponible, vous attendrait. Le temps, ça se prend ou ça se perd ! Si vous voulez en disposer, vous ne pouvez que l’attraper, le choper, le ravir. C’est un choix à faire dans les priorités que vous vous donnez. Oui, voilà bien une autre des conditions dont l’avenir de la lecture dépend : l’attitude à l’endroit du temps.

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Réfléchissez tout de même… Le désir et la capacité d’arrêter le temps n’ont jamais trouvé à se réaliser que dans les œuvres. Un tableau, une symphonie, un poème ou un roman sont autant de cages dans lesquelles le temps se trouve soudainement immobilisé. Et avec lui, vous, pour tout le temps où vous regardez, écoutez, lisez. Ce qui revient à dire que ne pas lire, ce serait perdre deux fois votre temps, le temps de lire et le temps à lire.

 

Pour avoir organisé de nombreuses lectures publiques, bonnes pages lues par de belles voix, l’occasion m’a maintes fois été fournie de constater que les premières réflexions auxquelles se livrent les auditeurs en s’égaillant ne sont pas seulement pour les textes qu’ils viennent d’entendre, ou pour le talent des acteurs, mais aussi, et parfois même en premier, pour le plaisir qu’ils ont eu de « prendre le temps » d’écouter. Un peu comme s’ils découvraient soudain le sens de l’expression et se rendaient compte qu’à ne pas prendre assez souvent le temps de lire parce qu’ils sont victimes d’empressements auxquels les invitent les sirènes de la société ils laissaient passer la chance de profiter des petites éternités que l’on trouve dans les oasis de la durée. »

 

Hubert Nyssen, Lira bien qui lira le dernier, Lettre libertine sur la lecture, Labor / Espaces de liberté (Babel), 2004.

Commentaires

  • parfois le temps se rature lui-même
    ou se prend pour un chevalier jadis cruellement jugé
    ou se montre épidermique
    ou bégaie quand il est alléché
    ou encore se perd dans les villes de Verhaeren...

  • Quelle description merveilleuse de ces moments de plénitude où le temps demeure en suspens... je citerais le paragraphe entier, merci pour cette découverte.

  • @ Lut : Heureuse que vous l'aimiez, Lut.

    @ JEA : Merci de prendre celui d'écrire ici ce qu'il / ce qui vous inspire.

    @ Delphine : C'est un livre qui m'a été offert, une délicate attention pour qui ne peut se passer de lire. Bonne fin de semaine, Delphine.

  • @ Colo : Cela me fait plaisir que tu reprennes cette merveilleuse formule. Un baiser à vol d'oiseau.

  • Que peut bien se dire pendant 1 à 3 ans la larve d'une éphémère qui ne vivra que quelques heures au stade adulte ? Autant de mystères du temps qui ne passe pas de la même manière pour les hommes , les animaux et les plantes !
    L'homme toujours obnubilé par sa mort veut rentabiliser chaque instant de sa vie . Alors il court , il s'agite , il cherche l'évènement , le miracle qui lui apportera ce qu'il croit être LE bonheur . Mais il ne trouve souvent que déception , dérision ,futilité .
    Ecouter , contempler ,lire dans les livres , dans les étoiles , dans les eaux du ruisseau , dans les yeux de son âme-soeur ne peuvent jamais décevoir et ne sont pas perte de temps mais ouvrent vers l'infiniment grand .

  • Ses comptes-rendus des lectures publiques au Méjean étaient toujours un régal, je vais me procurer ce recueil, je suppose qu'on le trouve encore facilement.

  • A la lecture de ce beau texte, j'ai envie de ralentir ma manière de lire, de goûter à chaque mot, d'ancrer chaque idée... j'aime le temps de la lecture. J'aime me perdre dans ce temps, j'aime en oublier le temps et constater que la lecture m'a emportée un instant et m'a imposée son rythme.

  • en lisant ce superbe billet il me viennent ces mots: "... on a beau le saisir par les yeux, un texte reste lettre morte si on ne l'entend pas.", de l’Éloge de la lecture.

    Bonne journée.

  • Très beau texte ! merci Tania.
    Le constat de la double perte du temps m'a bien fait rire, rira le dernier...
    A propos du temps et de ne pas savoir le prendre, en africain cela donne: "toujou couri pou gagner vie, quand bien couru, vie l'est foutu" ;-))

  • C'est quand je n'ai plus le temps de lire qu'il me semble que je perds mon temps. Pourtant, parfois, je préfère la vie en direct à celle qui fuse entre les pages d'un bon livre. Merci chère liseuse.

  • un texte parfait qui donne ...envie de lire évidemment, je pars à sa poursuite car je ne l'ai jamais lu, c'est bon de faire provision de plaisirs à venir

  • @ Gérard : J'ai toujours préféré la marche à la course, mais il est vrai que la vie professionnelle est parfois terriblement chronophage. C'est pourquoi j'ai choisi depuis longtemps de me lever plus tôt pour m'octroyer une plage de lecture en début de journée.
    Je ne sais plus quelle publicité parlait de l'espace comme d'un luxe, on pourrait en dire autant du temps libre.

    @ Aifelle : Je suppose que ce texte reste disponible en Babel. Encore merci de m'avoir averti de la rediffusion d'Empreintes sur France 5.

    @ Jeanne : Oui, on veut avancer en lisant, mais aussi revenir en arrière, reprendre, et parfois ralentir, vous avez raison. (Si je vous disais qu'un jour, plongée dans un livre, j'ai oublié l'heure d'embarquement et qu'une voix d'aéroport prononçant mon nom a seule réussi à m'en faire sortir !)

    @ Armando : Merci, Armando. Saisir par les yeux, entendre, se laisser toucher par les mots, certes.

    @ MH : Ou "vous avez l'heure, nous avons le temps" !

    @ Zoë Lucider : Concilier les deux, voilà qui nous occupe tous les jours, en effet.

    @ Dominique : C'est surtout l'éditeur qui s'exprime ici, et je compte bien un jour donner la parole à Nyssen l'écrivain.

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