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Thiry poète voyageur

Marcel Thiry (1897-1977), poète voyageur, puis poète marchand, s’est engagé à dix-huit ans comme soldat avec son frère dans une unité belge d’autos-canons en soutien des forces russes : Petrograd, Tsarkoïé-Selo, Moscou, Kiev, Tarnopol... Quand la Révolution d’Octobre éclate, c'est le signal du retour par la Sibérie, Irkoutsk, Kharbine, Vladivostok   « les trente mois de notre jeunesse les plus ardents et les plus riches en souvenirs, et nous garderons d’elle, des peuples russes et de la vie russe un amour plus fort que l’amertume des rêves et des déceptions. » Défilé sous une pluie de roses à San Francisco, puis les soldats visitent Salt Lake City, New York, avant Bordeaux, Paris, Liège où Thiry va étudier le droit. 

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« Je me souviens encor de vos rouges falaises,

Folkestone, et du vert des pelouses anglaises

Et du balancement respirant d’un steamer,

Et, passé les semaines vastes sur la mer,

Je sais encor l’arrière-saison boréale

Où parurent, parmi la pâleur idéale

Et l'haleine du Pôle angélisant le ciel,

Le Nord, le gel, et les clochers d'or d'Archangel.

 

Je me souviens encor du nom fier d'Elverdinghe

Et des bons compagnons durcis par la bourlingue

Près de qui j'ai dormi mes plus justes sommeils ;

Je me souviens de continents et de soleils

Qui jalonnèrent les trois ans de France en France,

Et dans sa fin d’enfance et son indifférence,

Du soldat maigre, oisif et sale que j'étais. »

 

Dès 1912, Marcel Thiry publie ses premiers vers dans la revue Belgique-Athénée. Il admire Henri de Régnier, Verlaine, et après la guerre, l’Apollinaire d’Alcools. Sa voix – sa voie – propre se fait entendre en 1924 dans Toi qui pâlis au nom de Vancouver, titre du recueil et d'un célèbre poème plusieurs fois remanié.

 

« Toi qui pâlis au nom de Vancouver,

Tu n'as pourtant fait qu'un banal voyage ;

Tu n'as pas vu la Croix du Sud, le vert

Des perroquets ni le soleil sauvage.

 

Tu t'embarquas à bord de maint steamer,

Nul sous-marin ne t'a voulu naufrage ;

Sans grand éclat tu servis sous Stürmer,

Pour déserter tu fus toujours trop sage.

 

Mais qu'il suffise à ton retour chagrin

D'avoir été ce soldat pérégrin

Sur les trottoirs des villes inconnues,

 

Et, seul, un soir, dans un bar de Broadway,

D'avoir aimé les grâces Greenaway

D'une Allemande aux mains savamment nues.

 

(Marcel Thiry, Toi qui pâlis au nom de Vancouver, 1924)

 

Après Plongeantes Proues et L’Enfant prodigue, le thème du voyage laissera la place à une autre source d’inspiration. A la mort de son père en 1928, Thiry reprend ses affaires (commerce de bois et de charbon) et sa poésie aborde des thèmes plus rares chez les poètes : le commerce, les bureaux. Le ton change. Ce sera pour un autre billet.

Commentaires

  • A bord d'une automitrailleuse de cet étonnant corps expéditionnaire de l'armée d'Albert 1er en Russie : Julien Lahaut ! Autre destin. La révolution de 17 deviendra le fil (très) rouge de sa vie. Résistant notamment enfermé au fort de Huy, il finira après la libération sous les balles de léopoldistes ne lui ayant pas pardonné d'avoir été à la tête du groupe parlementaire communiste. Celui d'où fut crié : "Vive la République" lors de la prestation de serment du nouveau roi Baudouin 1er.
    Mais nous sommes loin de la poésie...

  • J'aime beaucoup la première strophe de "Vancouver". Elle chante comme un ruisseau dans la forêt. Ou comme des vaguelettes caressant un rivage.

  • Superbe poésie ; j'ai du mal à imaginer les bureaux et le travail comme source d'inspiration .. à suivre donc.

  • "Tu tiens l’atlas ouvert sur tes genoux.
    On n’y voit pas ton voyage marqué.
    Or tu voudrais décorer d’un or doux
    Le nom des ports où tu t’es embarqué..."
    (L'enfant prodigue)

    Ces "mains savamment nues"!

    Bonne journée amiga.

  • @ JEA : Thiry ne séparait pas la poésie des réalités du monde, où vous trouvez tant de passerelles...

    @ Damien : J'espérais, en le recopiant, que ce poème te parlerait, Damien !

    @ la bacchante : Sous des apparences classiques, Thiry est un formidable inventeur.

    @ Aifelle : A bientôt, Aifelle.

    @ Colo : Très beaux vers, merci. Tu imagines le mal que j'ai à choisir. D'où la suite.

  • C'est toujours extraordinaire d'apprendre, une armée Belge aux côtés des révolutionnaires russes ! un parcours tout à fait particulier pour ce poète qui me fait penser un peu à Louis Brauquier

  • @ Dominique : De l'armée du tsar à l'armée rouge, ce n'est pas banal, en effet ! Louis Brauquier ? Je ne connaissais pas ce poète capitaine au long cours, autre voyageur poète, en effet.

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