Je ne sais de Ketil Bjornstad, ce Norvégien « auteur, compositeur et musicien » que ce qu’en dit la notice du Livre de Poche où paraît son roman, La Société des Jeunes Pianistes (Oslo, 2004 ; traduit par J.B. Coursaud pour JC Lattès, 2006). Il a gagné à quatorze ans le Grand Concours des Jeunes Pianistes à Oslo, l’auteur est donc au plus près de ce qu’il décrit (et on mettra sur le compte de la distraction le fait d’avoir situé le Concours Reine Elisabeth à Londres au lieu de Bruxelles). Il y a un peu du « Cercle des poètes disparus » dans cette histoire : des jeunes gens à l’heure des choix, l’ivresse de l’art, des problèmes familiaux, des amitiés et des amours, rien n’y manque.
« La rivière court au creux du vallon. Provenant du lac en surplomb, près de la scierie, elle dévale et serpente jusqu’au pont, glisse sur les galets, claque contre les écueils lissés qui se dressent au milieu du courant, figés, inébranlables, dans un silence étrange et froid. » C’est une de ces belles journées d’été que les Vinding, Aksel et Cathrine (sic) avec leurs parents, aiment passer en famille à leur endroit habituel. Journée foudroyée : ni Aksel ni son père ne réussissent à sauver sa mère de la noyade, leur vie bascule.
Sa passion de la musique, Aksel la tient d’elle. Dans la douleur de l’avoir perdue, le piano reste son seul repère : « Je songe à la musique, à elle et à elle seule, comme la seule possibilité qui s’ouvre à moi dans cette vie. » - « Car là où résonne la musique jaillit la vie, plus forte que nulle part ailleurs. Maman ne m’a pas appris autre chose. »
Le père est désarmé quand ses enfants abandonnent l’école, sa fille aînée d’abord, toujours en révolte comme elle l’était déjà contre sa mère, puis Aksel, qui décide malgré ses seize ans de ne se donner qu’au piano pour remporter le Concours Jeune Maestro du Piano 1968 comme elle le voulait. Faute de moyens suffisants, il suit les cours d’un professeur médiocre, mais qui croit en lui et lui laisse beaucoup de liberté. Sélectionné, il rêve de donner un concert dans la prestigieuse Salle de Réception de l’Université, sous les peintures d'Edvard Munch.
Lorsqu’il s’y rend pour se qualifier en vue de la finale, il rencontre en chemin la jeune et inaccessible Anja Skoog dont il est amoureux en secret . Elle a quinze ans et, il l’ignorait, s’est préparée elle aussi pour ce grand soir, avec la « mythique » Selma Lynge, une pianiste réputée qui a renoncé à sa carrière pour se consacrer à sa famille.
Troublé par cette découverte et par un trac énorme, Aksel ne donne pas le meilleur de lui-même. Il se retrouve tout de même en finale, comme ses meilleurs amis qui fondent « La Société des Jeunes Pianistes ». Désormais il ne vivra qu’avec deux obsessions : le piano et Anja Skoog, qui l’attire comme un aimant, mais que son père, un chirurgien fortuné, protège de tout contact extérieur.
La musique est exigeante. Aksel s’exerce sans fin, peut-être trop. L’organisateur des concerts lui rappelle que Rubinstein ne répétait jamais plus de trois heures par jour parce que, disait-il, « il y a les livres que je dois lire, les femmes dont je dois faire la connaissance, les peintures que je dois voir et le vin que je dois boire. »
Bjornstad relate les progrès, les doutes, les succès et les déboires de ces jeunes musiciens. Chacun ressent à un moment ou à un autre la terrible alternative : le piano ou la vie. « Tout ce que je sais, c’est que je veux être dans la vie, et non pas à côté d’elle », dira une amie. Dans le sacrifice total à la musique, il y a de grandes joies et de grandes douleurs. Beaucoup d’appelés, mais peu d’élus. Et le plus difficile, se dit Aksel, serait de « décevoir les espoirs que les autres placent en nous ».
Commentaires
Merci pour cette note. Je n'ai jamais entendu parlé de ce livre, ni lu aucun avis auparavant. Mais pour le moment, je lis un auteur "suédois" bien connu :-); je resterai dans l'ambiance du "nord" même si totalement différent.
Merci pour cette découverte.
Ce bouquin va être ajouté à ma liste "à lire" :-).
A bientôt,
Ada
Tout sacrifier à sa passion... ou ne pas le faire. Un choix dur à faire, rempli de souffrances dans tous les cas, en effet.
Et si le succès arrive tôt, la fortune également, comment continuer?
Des concerts, il y en aura sur la plage d'Arcachon.
ce livre je l'ai adoré. J'ai du le lire 10 fois. Ce n'est peut etre pas de la grande littérature, mais c'est un livre plein de passions.
On sent bien, comme tu le dis toi même, que l'auteur était très proche de ce qu'il écrivait. Il mériterai d'être plus connu.
Les passages ou il parle du concours (enfin, à chaque épreuves) sont géniaux.