Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Gardien du temps

Dans un curieux roman paru en 2004, Le bureau de l'heure, Jean-Luc Outers nous apprend beaucoup sur la mesure du temps. Comme le rappelle l’épigraphe, « le temps n’est pas un mouvement, mais ce par quoi le mouvement a un nombre » (Aristote). Son héros, Célestin, responsable à l’Observatoire d’Uccle du bureau de l’heure, a la passion de son sujet.

« Jusqu’au milieu du XIXe siècle, il y avait presque autant d’heures que de clochers d’église ou de beffrois, tous réglés par des cadrans solaires. C’est le chemin de fer qui unifia l’heure et les gares érigées au cœur des villes exhibèrent leur horloge comme un œil pointé sur les foules, question de leur signifier que le temps était devenu chose sérieuse. » Le train n’échappera pourtant pas à la relativité du temps, puisque le nombre de trajets Bruxelles-Paris nécessaires à notre homme pour lire A l’ombre des jeunes filles en fleurs sera multiplié par deux avec l’arrivée du TGV.

1fd7fb358037fc54394428fd7b97e64e.jpg

Célestin s’était d’abord cru une vocation d’explorateur sous-marin, à l’instar de Cousteau, mais à quatorze ans, il en avait fait le deuil, n’arrivant pas à apprendre à nager. Pendant que ses camarades s’ébrouaient dans l’eau, il se consolait en observant la jeune Marine, qu’un autre, plus rapide, avait déjà séduite. Vingt-cinq ans plus tard, elle occupe encore la première place dans son cœur de célibataire. Un jour où il s’arrête devant la maison qu’elle habitait, il y fait la connaissance de Gilda, une Américaine très émue de ses confidences sur cet amour secret et fidèle.

Durant ses insomnies, Célestin songe au temps des horloges, des calendriers, des astres. Au bureau, il est aussi appelé à répondre aux personnes qui téléphonent, souvent des adolescents, pour demander pourquoi les cloches des églises sonnent les heures, pourquoi une heure comporte soixante minutes, etc. S’il communique volontiers l’heure des villes étrangères, il s’offusque de voir son service confondu avec l’horloge parlante.

Réunions du Bureau international de l’heure, passages à l’heure d’été ou d’hiver, ce sont les principaux événements de l’année pour Célestin. Mais les temps changent. La radio envisage d’abandonner les tops horaires, l’heure est de plus en plus fixée au niveau international, la voix de l’horloge parlante qu’il aimait tant est remplacée du jour au lendemain. Bref, le service public évolue et la garde du temps lui échappe.

En dehors des heures de travail, Célestin laisse sa montre chez lui, aime s’enfoncer dans la forêt, échapper autant que faire se peut à la mesure du temps. C’est Gilda qui le pousse à retrouver la trace de son amour enfui. Elle déniche une adresse en bordure de la Forêt de Soignes, où vit la fille de Marine. Coïncidence, la maison juste à côté appartient à son ami Staelens, responsable de l’heure aux chemins de fer belges. Licencié, celui-ci cherche un acquéreur et se réjouit de voir Célestin s’y intéresser. Arrive le moment de déménager, avec ses choix difficiles  – gardera-t-il ou non les lettres écrites à Marine, mais jamais envoyées, qu’il a conservées dans une boîte à chaussures ?

Après une première partie centrée sur la préoccupation du temps, le roman s’engage davantage dans la vie privée de Célestin : rencontres avec Gilda,  contacts avec la famille Staelens qui regrette sa maison, discrète surveillance des allées et venues dans la maison voisine. Célestin, comme Plume, le personnage de Michaux, voit les choses se décider autour de lui plutôt qu’il n’en décide lui-même, à quelques exceptions près. Spécialiste de l’heure, il n’en voit pas moins sa vie passer. Jean-Luc Outers ne manque pas d’humour. A son gardien de l’heure, il fait avaler, par exemple, « une pastille à la menthe dont la boîte transparente portait, comme il se doit, la marque Tic Tac. »

Commentaires

  • "Les cloches et les horloges rythment la vie de Sisteron" est la conclusion de mon petit texte poétique composé à partir d'un tableau d'Etienne Martin représentant la Durance passant à Sisteron.
    Votre texte fait un peu écho au mien

  • Très littéraire cet article. Et tout à fait dans la tonalité de ma séection de sites littéraires qui est le sujet d'aujourd'hui.

  • Une réflexion sur le temps qui passe dans mon billet d'aujourd'hui.La nostalgie s'installe avec le départ des élèves en cette approche de fin d'année scolaire !

  • Un article fort intéressant celui que j'ai lu, il y a peu, sur les "genes CLOCK", ces horloges biologiques, bien moins à l'heure que les trains....
    http://recherchespolaires.veille.inist.fr/spip.php?article252#nb3

    Les cadrans solaires, très présents ici, sont parfois de vraies merveilles. Pas toujours utiles en Belgique, c'est vrai!

  • Et à propos de cadran solaire, il y a aussi toute une réflexion à mener sur le changement d'heure imposée 2 fois par an. Est-ce bien utile ?

Écrire un commentaire

Optionnel