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mme klug

  • Regards

    Kafka_1910.jpg« […] Elle me regardait, surtout quand elle restait silencieuse à la fenêtre du compartiment, avec une bouche déformée par la gêne et la ruse, et avec des yeux clignotants qui nageaient sur les rides issues de sa bouche. Elle devait nécessairement se croire aimée de moi, ce qui a été vrai du reste, et ces regards représentaient le seul don que, en femme pleine d’expérience, mais jeune, bonne épouse et bonne mère, elle pouvait accorder à un docteur de son imagination. Ils étaient si insistants et si bien appuyés par des tournures comme : « Il y avait ici des habitués vraiment charmants, surtout certains d’entre eux », que je me défendais d’y répondre et ces moments étaient précisément ceux où je regardais son mari. Quand je les comparais, j’éprouvais un étonnement immotivé à l’idée qu’ils allaient partir ensemble et ne s’inquiétaient pourtant que de nous, sans un regard l’un pour l’autre. »

    Kafka, Journal (1910, 1er novembre) 

    Photo de Franz Kafka en 1910

  • Adieux à Mme Klug

    kafka,journal,littérature allemande,1910,1911,écriture,culture juive,yiddish,littérature,culture,extrait du journal de kafka,mme klug« Hier soir, j’ai fait mes adieux à Mme Klug. Löwy et moi, nous courûmes le long du train et nous vîmes Mme Klug qui regardait dehors derrière une fenêtre fermée, dans l’obscurité du dernier wagon. Du compartiment, elle tendit le bras vers nous, d’un geste rapide se leva, ouvrit la fenêtre et s’y tint un instant, élargie par son paletot ouvert, jusqu’au moment où le sombre M. Klug (il ne peut ouvrir la bouche que d’un air amer et en grand, mais ne peut la fermer qu’en la serrant étroitement, comme pour toujours) se leva en face d’elle. Pendant ces quinze minutes, je n’ai guère adressé la parole à M. Klug et je l’ai regardé peut-être deux fois ; le reste du temps, tout en participant à une conversation languissante et ininterrompue, je n’ai pu détacher les yeux de Mme Klug. Elle était entièrement dominée par ma présence, mais plus en imagination que réellement. Quand elle s’adressait à Löwy, commençant chaque fois par le même prélude : « Dis-moi, Löwy… », c’était à moi qu’elle parlait ; quand elle se serrait contre son mari qui, parfois, ne la laissait toucher à la fenêtre que par l’épaule droite et comprimait sa robe et son patelot bouffant, c’était pour me faire un signe, un signe vide. »

    Kafka, Journal (1910, 1er novembre)