Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

4 avril 1936

  • Anna de Noailles

    colette,anna de noailles,littérature française,réception à l’académie royale de langue et de littérature frança,4 avril 1936,colette à l’académie,discours de madame colette,extrait« Quand je revenais d’un été de campagne, hâlée, ayant travaillé au jardin, bêché, écaillé ma peau au soleil, à la mer et même au fourneau, je m’amusais à prendre dans ma main une des mains d’Anna de Noailles. Ses doigts et sa paume brillaient au creux de ma main comme la chair blanche d’une noix dans son écale sèche… C’est au gré de cette petite main lumineuse, levée au-dessus des draps dans un geste d’appel, que je m’approchai parfois, les deux ou trois dernières années de sa vie, du lit où gisait Madame de Noailles. Il était onze heures, ou midi, dehors. Dans la chambre, il était l’heure noire de dormir, de souffrir. Sauf l’appel de la petite main, je n’y voyais goutte, d’abord. Aussi blancs que le drap, son visage et son corps subtils pesaient peu, ne creusaient guère l’oreiller, et ses yeux ne pouvaient livrer leur rare couleur d’eau montagnarde dormant dans une coupe de granit. Mais un grand ruisseau de cheveux sombres, empiétant sur le front renversé, coulait au long d’une seule joue, et tarissait, effilé, sur une seule épaule. Doux cheveux fins, que Madame de Noailles ne sacrifia jamais à la mode ! Couchée, elle leur donnait une liberté relative, ramenés toujours sur une seule épaule, et elle les caressait tout en parlant. »

    Extrait du Discours de Madame Colette, Réception à l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique, 4 avril 1936 in Colette à l’Académie

    Portrait de la comtesse Anna de Noailles, née princesse Anna Bibesco-Bassaraba de Brancovan
    par Philip Alexius de László, 1913 (collection Musée d’Orsay) (Wikimedia)