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urss - Page 6

  • Boulgakov en verve

    « Je demande à aller aux cours de lecture. » Comment le nouveau pouvoir soviétique envoie à l’opéra, au concert, au théâtre, ceux qui ne savent pas lire, même s’ils préfèrent le cirque, si bien que leur vient le désir d’apprendre – afin d’être enfin libres de se rendre au cirque s’ils en ont envie, voilà ce que raconte avec brio La semaine d’action éducative, le tout premier récit comique de Boulgakov.

    Chagall Jeux du cirque.jpg

     

    Dans les quelque deux mille pages de La Garde blanche, la Bibliothèque de la Pléiade consacre presque un tiers du volume aux Articles de variétés et récits publiés par Boulgakov entre 1919 et 1927, après Endiablade, Les œufs du destin, Cœur de Chien et les Carnets d’un jeune médecin, déjà présentés. 

     

    Entre les textes alimentaires et les articles de commande se glisse du Boulgakov tout craché, ironique, voire sarcastique. Les aventures extraordinaires du docteur N. constituent une première ébauche de La Garde blanche, avec son atmosphère troublée près de Grozny où se battent Russes et Tchétchènes : « Nuit. La fusillade
    se calme progressivement. Les ténèbres s’épaississent, les ombres sont mystérieuses. Ensuite, rideau de velours et océan d’étoiles à perte de vue. » – « Maudites soient les guerres, maintenant et à jamais ! »
     

    La cuisine de l'appartement communautaire - Musée Akhmatova, Saint-Pétersbourg.jpg

    Hommage à Gogol, Les aventures de Tchitchikov lui empruntent le personnage éponyme des Ames mortes : personne ne vérifie le formulaire rempli par un gaillard culotté qui obtient d’abord un logement, des bons d’alimentation ensuite, puis de l’argent, des responsabilités qui le font bientôt « trillionnaire ». Trahi, recherché, l’escroc disparaît au nez et à la barbe de ses poursuivants qui ont finalement remis la main sur le formulaire fantaisiste complété d’après les caractéristiques de l’aventurier de Gogol ! Pour les Russes, les emprunts nombreux aux Ames mortes ajoutent bien sûr du sel à cette histoire, un rêve burlesque lu par Boulgakov lors d’une soirée littéraire à Saint Pétersbourg / Leningrad en mai 1926, devant Akhmatova et Zamiatine, entre autres. 

    Les Moscovites contemporains de Boulgakov reconnaissaient dans Le 13, Immeuble Elpit – Commune ouvrière l’ancien immeuble Piguit de la Grande rue des jardins (illustration), disparu dans les grands chantiers de rénovation d’un quartier où seule la maison de Tchekhov subsiste encore. Avant la Révolution, des intellectuels, des artistes y habitaient, puis ce fut la « compression », le temps des appartements communautaires, l’utopie sociale. « Les pianos se sont tus, mais les phonographes étaient bien vivants et chantaient souvent d’une voix mauvaise. » – « Des ficelles se sont tendues au travers des salons, du linge humide dessus. »
    Le propriétaire a chargé Christi de veiller au chauffage de l’immeuble, « qu’on maintienne l’essentiel ». Mais février est très froid, le mazout manque. Christi surveille pour qu’on n’installe pas de poêles, le bâtiment n’ayant pas de conduits de fumée. Annouchka, « le fléau de l’immeuble »,  passe outre. « Et du coup, épouvantable, ce n’est plus un petit prince mais un roi de feu qui s’est mis à jouer sa rhapsodie. » Dévastation. Impuissance.
     

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    La situation lamentable des enseignants dans A l’école de la Cité « Troisième Internationale » (où Chagall fut un pauvre professeur de dessin avant de s’exiler), l’atelier créatif des enfants orphelins de La Commune d’enfants n° 1, autogérée, visitée par Edouard Herriot, les aléas de la vie à Moscou où on démolit et construit, dans Les Quarante-quarante (une expression ancienne qui désignait la ville aux 450 églises avant la Révolution), les changements de pouvoir (12 ? 14 ? 18 ?) entre 1917 et 1920 dans La ville de Kiev« la mère des villes russes » où l’on a vu « de tout sauf des Grecs », tous ces sujets prennent sous la plume de Boulgakov un relief formidable. Presque cent ans après, la vie y transparaît encore, grâce au génie littéraire.

  • Témoin Loujny

    « Et de nouveau, tout recommence : 1932, la famine, la terreur, la fuite de son pays natal.
    Jusqu’en 1936, il erre en Ukraine, travaille comme journalier, comme cantonnier. Arrêté, on le force à signer des aveux affirmant qu’il voulait faire sauter la centrale électrique de la ville. Il signe sous la torture. On lui propose de travailler sur le NKVD, il refuse, s’évade, reprend sa vie de vagabond. Il est arrêté une seconde fois, cherche à se suicider après cette seconde arrestation.

    L'Affaire Kravtchenko par Nina Berberova (couverture Babel).jpg

    Tout est vrai dans le livre de Kravtchenko, proclame-t-il avec passion.
    Le pouvoir soviétique a promis au peuple la liberté et il lui a donné le NKVD.
    Il a promis le travail et il a donné l’esclavage. Là-bas, en URSS, il y a des centaines de Buchenwald et de Dachau !
    Me NORDMANN (qui ne s’est pas départi d’un sourire ironique tout le long de
    la déposition) :
    Il prend les Français pour des imbéciles.
    Me Matarasso commence à poser des questions pour savoir si le témoin n’a pas eu droit à des faveurs de la part des Allemands. Sa famille n’a-t-elle pas été emmenée en même temps que lui ?
    Me IZARD : Comme vous venez de l’entendre, sa famille a été anéantie par le régime soviétique !
    L’AVOCAT DES LETTRES FRANCAISES : Le témoin connaît-il des cas où, en Russie, on arrête des coupables ?
    LOUJNY : Je ne sais pas. Mais, des innocents, on en a arrêté beaucoup.
    NORDMANN : Je voudrais demander qui lui a préparé tout ce discours.
    Me IZARD (à haute voix) : Ses malheurs ! »

    Nina Berberova, L'affaire Kravtchenko

     

  • Affaire Kravtchenko

    1947. J’ai choisi la liberté de Kravtchenko paraît en traduction française. Le 13 novembre, un certain Sim Thomas signe dans l’hebdomadaire procommuniste Les Lettres françaises un article charge contre ce livre et son auteur, qui porte immédiatement plainte en diffamation. Nina Berberova a raconté dans sa belle autobiographie C’est moi qui souligne comment, pour vivre, elle vendait alors ses livres et écrivait dans La pensée russe, un hebdomadaire parisien. En 1949, elle y a rendu compte du procès, dont elle a suivi du 24 janvier au 22 mars les vingt-cinq audiences, sur les bancs de la presse. 

    Couverture de J'ai choisi la liberté par Kravtchenko.jpg

     

    Dans L’affaire Kravtchenko (1990), elle relate jour après jour ce procès retentissant autour d’un livre à succès, traduit en vingt-deux langues. Victor Kravtchenko, membre d’une commission soviétique d’achats aux Etats-Unis en 1943, avait décidé de ne pas retourner en URSS. Il expose dans J’ai choisi la liberté les raisons de sa rupture avec Moscou et décrit la vie en URSS, révélant l’existence de camps de concentration dont beaucoup ignoraient ou niaient l’existence. Berberova confie qu’entendre de ses propres oreilles un ancien ministre, un grand savant, un professeur de la Sorbonne ou un écrivain célèbre « prêter serment, puis affirmer qu’il n’y avait pas et n’y avait jamais eu de camps de concentration en URSS » a produit sur elle « une des impressions les plus fortes » de sa vie.

     

    Sur le banc des accusés, en l’absence de Sim Thomas introuvable et sans doute inexistant, le rédacteur en chef des Lettres françaises, Claude Morgan, un écrivain, et un rédacteur de la revue qui avait continué la campagne injurieuse contre Kravtchenko, André Wurmser. Vu l’affluence, la dix-septième chambre correctionnelle de la Seine est transférée dans les locaux de la dixième, qui peut accueillir près de trois cents personnes. Le président Durkheim mène les débats. Kravtchenko est accompagné d’un interprète et de deux avocats, Me Georges Izard et Me Gilbert Heiszmann. Lors de l’appel des témoins, Les Lettres françaises peuvent compter sur le soutien de personnalités françaises comme Joliot-Curie, Vercors, Jean Cassou, entre autres, et de témoins soviétiques pas encore arrivés. « Puis arrive un groupe d’un genre tout différent : visages fatigués, manteaux râpés, petits fichus. Ils sont de la nouvelle vague de l’émigration, ceux qui, comme Kravtchenko, ont choisi la liberté – des transfuges que celui-ci a fait venir d’Allemagne pour le procès. »

     

    Le président rappelle pour commencer que « ce n’est pas Kravtchenko qui doit prouver que son livre dit vrai », mais aux accusés de prouver qu’il ment. Dans sa déclaration initiale, Kravtchenko affirme que l’Amérique lui a sauvé la vie et traite les communistes français de « valets du Kremlin ». Il insiste sur la distinction à faire
    entre le régime soviétique et le peuple russe, qui souffre : « la Russie, elle, vivra éternellement. » Morgan, pour sa part, évoque la Résistance, tandis que Wurmser conteste que Kravtchenko soit l’auteur du livre, qu’il aurait tout au plus traduit de l’américain - « Il est l’ennemi de son pays, et donc du nôtre. Tout anticommuniste est un antifrançais. »

     

    Les témoins de la défense critiquent le livre de Kravtchenko : Vercors y voit « l’esprit de Vichy », le professeur Jean Baby n’y trouve pas « l’esprit russe » et conteste les dix millions de prisonniers du régime soviétique. L’avocat des Lettres françaises prétend que derrière Kravtchenko se trouvent les services de renseignement américains. A l’appui de Kravtchenko, Moynet, un héros aviateur qui a vécu en Russie, atteste qu’il y est interdit d’écouter les radios étrangères et qu’il y a vu « les souffrances du peuple russe ». Un ingénieur franco-russe décrit les déportations et les camps de travail. Olga Martchenko bouleverse la salle entière en racontant comment les paysans désignés comme « koulaks » ont été jetés hors de chez eux. A chaque fois, les avocats des Lettres françaises interrogent les témoins sur les circonstances de leur arrivée en Allemagne, sur la langue dans laquelle ils ont lu le livre de Kravtchenko, cherchant à les déstabiliser. Lors du témoignage d’un ingénieur torturé par le NKVD, la défense s’étonne et chicane jusqu’à déclencher la colère de Kravtchenko : « Vous pensez qu’il est un traître ? Mais c’est vous, le traître, pas lui ! »

     

    Audience après audience, la réalité du régime totalitaire est de plus en plus étayée : collectivisation forcée, arrestations, procès arbitraires. Les témoins de Kravtchenko saluent son courage à parler des souffrances du peuple russe alors que « personne ne veut le savoir ». Margarete Buber-Neumann, rescapée de Ravensbrück, donne un témoignage qui, selon Berberova, « vaut à lui seul dix ans de propagande anticommuniste. » Pour la défense, toutes les atrocités évoquées sont des inventions. Elle s’attaque aussi à la personne de Kravtchenko, conteste sa carrière professionnelle, nie qu’il ait jamais occupé un poste à responsabilités. Il y répond point par point. Garaudy, appelé à la barre, l’accuse d’avoir déclaré qu’on vivait mieux
    sous le tsarisme, Kravtchenko confirme : il y avait alors des milliers de gens en prison, et après des millions !

     

    La contestation du manuscrit fait aussi l’objet de nombreuses joutes verbales, compliquées par les erreurs de traduction. Dans le public, en mars 1949, on peut voir Sartre, Beauvoir, Koestler, Elsa Triolet. C’est « le plus grand procès en diffamation jamais intenté devant un tribunal français ». La plaidoirie finale de Me Izard, écrit Nina Berberova, est magnifique, « un discours historique ». Pour la défense, tout cela est de la propagande antisoviétique ; même Mme Buber-Neumann est traitée  d’épouse de « renégat », à quoi Me Izard réplique : « elle aussi, elle entrera dans l’Histoire, et elle aussi, elle restera inoubliable » – « Nous voyons se réunir sous nos yeux en un seul bloc de granit les forces de la haine, de la méchanceté et de la calomnie. »

     

    Le 4 avril, Les Lettres françaises sont condamnées. Le tribunal se déclare cependant incompétent quant à juger du régime soviétique. En appel (novembre 1949), les avocats des Lettres françaises répètent leurs arguments devant une salle désertée par le public et par la presse. Sim Tomas reste invisible. Me Izard dénonce une « Lettre ouverte à Mlle Izard », où il est dit à sa fille que son père est un « ennemi du peuple » et un « partisan de la guerre ». Entretemps Cassou et Vercors ont changé de point de vue, des « traîtres » selon le journal L’Humanité. Kravtchenko gagne aussi ce second procès, dont il rendra compte dans un nouveau livre, Le Serpent et l’Epée (1950), sans succès. Installé en Amérique du Sud, il se suicidera à New York, à l’hôtel Plaza, en 1966, vraisemblablement après une grosse perte au jeu.

    Quand en 1962 parut Une journée d’Ivan Denissovitch de Soljenitsyne, Berberova s’attendait aux réactions de l’un ou l’autre des illustres témoins de la défense, « mais
    il n’en fut rien. »
    « Quarante ans plus tard, écrit Hubert Nyssen dans l’avant-propos, glasnost oblige, nous lisons ce document sans étonnement peut-être, mais avec un effroi considérable. C’est cela l’effet Berberova : la rigueur du compte rendu, l’acuité du regard, la nécessité de la justice et l’efficacité du style. » Une terrible leçon sur l’aveuglement idéologique.

  • Silence

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    Textes & Prétextes, un an

     

    « Le soir non plus ne fut pas exempt de surprises. Si, le matin, les bosquets étaient restés muets, prouvant ainsi à l’évidence le caractère désagréablement suspect du silence dans les arbres, si, à midi, les moineaux avaient fichu le camp du sovkhoze, au soir, ce fut l’étang de Cheremetievka qui se tut. La chose était stupéfiante en vérité, car tout le monde, à quarante verstes à la ronde, connaissait le célèbre boucan des grenouilles de Cheremetievo. Or, maintenant, on aurait dit qu’elles étaient toutes mortes. Pas une seule voix ne montait de l’étang, et le silence régnait sur la laiche. »

    Boulgakov, Les Œufs du destin

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  • Le rayon fatal

    Les Œufs du destin, une nouvelle publiée par Boulgakov en 1925, aurait pu s’intituler Le rayon rouge. Récit fantastique, de science-fiction ou d’anticipation, c’est l’histoire extraordinaire du Professeur Persikov, zoologue spécialiste des amphibiens, ou plutôt celle d’une découverte extraordinaire à l’Institut de Zoologie de l’université de Moscou, en 1928.

    A cinquante-huit ans, ce scientifique dont l’appartement de cinq pièces a été réduit à trois pour la bonne cause, possède « une tête remarquable, en forme de pilon, chauve, avec des touffes de cheveux jaunâtres hérissées sur les côtés. » D’une érudition phénoménale « dans sa partie », il est aussi connu pour sa sévérité aux examens. Sa femme l’a quitté pour un ténor, il y a des années, dégoûtée par ses grenouilles. Cet homme qui « prenait la mouche très facilement », sans enfants, ne vit donc que pour ses recherches, survit à la famine de 1919, à une pneumonie due aux trois degrés en dessous de zéro à l’intérieur de l’Institut, et se contente des attentions du gardien Pancrace et de sa gouvernante.

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    L’été 1928 se produit « cette chose incroyable, épouvantable… » Appelé par son assistant qui dissèque une grenouille, Persikov remarque pour la première fois, au milieu du disque sous le microscope, « une volute colorée semblable à une boucle de cheveux de femme ». D’habitude, un tour de vis suffit à faire disparaître le petit faisceau de lumière colorée qui gêne l’observation, mais cette fois l’œil du savant s’attarde. Il a soudain remarqué dans cette volute un rayon « vif et épais », rouge vif, sous l’action duquel la vie bouillonne de manière inattendue. Les amibes y reprennent vigueur, se reproduisent, s’entre-dévorent faute de place, et les amibes nouvelles sont deux fois plus grosses que d’ordinaire ! Convoquant son assistant, Persikov le convie au spectacle du « rayon de la vie », pas moins.

    Dans les journaux moscovites, la rumeur circule vite. On veut interroger l’éminent zoologue, on le dérange à tout bout de champ. Le professeur a bien du mal à repousser l’assaut des journalistes en quête de renseignements sur « le rayon d’une nouvelle vie ». C’est alors que du côté de Smolensk, l’ex-épouse de l’ex-archiprêtre de l’ex-paroisse de Drozdov, à qui un élevage de poules pondeuses assurait la prospérité, voit ses gallinacés mourir atrocement l’un après l’autre. La « peste des poules » se répand à toute vitesse, rend leur viande et leurs œufs impropres à la consommation, fait un millier de victimes humaines.

    Persikov est prié de se pencher sur le problème tandis qu’on incinère des tonnes de volaille. Il lui faut donner une conférence. Quand enfin il peut reprendre ses investigations personnelles, un curieux bonhomme qui s’appelle Rokk – autrement dit le Destin – vient lui rendre visite en tant que directeur du sovkhoze modèle
    « Le Rayon Rouge ». Muni d’autorisations officielles, chargé de reconstituer l’oviculture, il s’empare des trois chambres noires fabriquées par Persikov pour ses recherches.

    Rokk, ancien flûtiste d’Ekaterinoslav, s’est révélé homme d’action grâce à la Révolution de 1917. Tombé sur la découverte de Persikov, il ne doute pas de sa capacité à faire éclore sous le fameux rayon, si on veut bien lui livrer des œufs de l’étranger, de splendides poussins qui rendront aux Russes de bonnes poules et de bons œufs. Un peu étonné par la grosseur de ceux qu’on lui envoie, très différents des œufs de poules indigènes, Rokk s’enquiert par téléphone auprès de Persikov de la nécessité de nettoyer ces œufs tout crottés avant de les installer dans les chambres noires. Celui-ci l’envoie au diable, exaspéré de la vitesse à laquelle l’homme a été livré, alors que lui-même attend encore ses spécimens d’œufs de serpent et d’autruche.

    On devine la suite. Durant l’été caniculaire, échappés des cages où ils ont éclos, des serpents géants courent la campagne, mordent, dévorent. Des troupes d’autruches résistent aux assauts de la cavalerie. Les gaz éliminent les hommes en même temps
    que les ovipares. Tout le monde vient se réfugier à Moscou, où personne ne ferme l’œil la nuit, attendant l’invasion.

    Le rayon rouge sera évidemment fatal à Persikov déclaré « assassin de l’humanité ». Quant à l’épilogue, laissons au lecteur la surprise du « deus ex machina ». Inspiré par La nourriture des dieux de Wells (1904), Boulgakov livre ici un cauchemar divertissant qui anticipe sur la grippe aviaire et sans doute sur d’autres catastrophes écologiques qu’il n’aurait pas imaginées, spectaculaires ou non.