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essai - Page 47

  • C'est un Monet !

    Vincent Noce, critique d’art à Libération, se demande si l’obsession de Monet, qui « a passé sa vie à la recherche de la lumière », n’était pas aussi ou plutôt l’obsession de l’eau : le peintre a vécu près de la Seine, il a planté son chevalet devant la mer, les canaux ou les glaciers et, même ailleurs, « revenait toujours au fleuve, à la brume, à la vapeur. » La couverture bleue de Monet, l’eau et la lumière (publié en 2010, année de la rétrospective au Grand Palais) présente un détail de Marée basse devant Pourville. 

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    Monet, Le bateau-atelier (1876)

    La correspondance du peintre vient souvent à l’appui de cette intuition. L’auteur ne cherche pas à « poser un dogme », mais propose un fil conducteur éclairant pour suivre l’évolution du plus célèbre des impressionnistes. Son premier dessin (à quinze ans) représente un bord de rivière. « Son premier tableau connu, deux ans plus tard, est un paysage traversé par un ruisseau. »

    Les études du physicien David Quéré aident à montrer combien l’artiste s’éloigne de l’exactitude physique pour rendre les effets d’une surface aquatique, défi permanent pour un peintre soumis aux variations de l’air et de la lumière tout au long du jour. Monet a reconnu sa dette envers Jongkind : « C’est à lui que je dus l’éducation définitive de mon œil. » En compagnie du Hollandais et aussi de Boudin, il ne peut résister à l’appel du large dès qu’il est, « libéré des obligations militaires » et, en 1864, reste à Honfleur quand Bazille, qui a descendu la Seine en bateau avec lui, décide de rentrer à Paris.

    L’essai de Vincent Noce suit la chronologie d’une vie et d’une œuvre, les amours, les déplacements, les saisons. Confrontés à la photographie, les peintres de la seconde moitié du XIXe siècle donnent à voir autre chose. « Monet, dès qu’il pouvait s’émanciper, distinguait ainsi deux parties dans ses paysages : le haut, généralement d’une grande exactitude topographique, dont attestent les photographies de l’époque ; et le bas, réservé au fleuve ou à la mer, qui souvent s’écarte d’une reproduction fidèle de la réalité. »

    Les débuts du peintre, très longtemps « dans un dénuement matériel dramatique » (ce qui l’a même conduit, un jour de juin 1868 où il est mis à la porte d’une auberge pour n’avoir pas payé son loyer, à se jeter de désespoir dans la Seine), ont été difficiles. « Déceptions, affronts, espérances, redéceptions » : Monet exprime son découragement dans ses lettres. « Voilà deux mois que je ne peux plus travailler, j’ai pris ma profession en dégoût ; la peinture me fait horreur, comme l’eau à un chien enragé. » 

    Peindre à bord du navire de Caillebotte va donner envie à Monet, plus tard, de disposer de sa propre embarcation, comme Daubigny qui avant lui peignait déjà des nénuphars. La barque de Monet, qu’il emportera jusqu’à Giverny, où il pouvait manger ou piquer un petit somme, est représentée sur quelques œuvres : « Ce n’est pas le bateau-atelier, écrit Vincent Noce, c’est un autoportrait. »

    D’Impression, soleil levant aux grandes « Décorations » des Nymphéas, l’essai rapporte les préoccupations du peintre, examine son choix des motifs, des cadrages, des formats, et surtout sa manière d’interposer l’eau sous toutes ses formes « entre lui et cette industrialisation à laquelle il ne voulait dire mot » : fleuve saisi par les glaces, crues, inondations, bords de mer, brouillard… Monet peignait par tous les temps, il ne craignait pas le froid. Lors d’un voyage en Norvège, il étonna ses hôtes en supportant aussi bien qu’eux les quelque moins trente degrés de l’hiver.

    On prend conscience en lisant Monet, l’œil et l’eau, de la complexité des problèmes rencontrés par le peintre devant l’eau-miroir et les reflets, et de l’originalité de sa touche rythmée grâce à laquelle il donne vie aux surfaces même les plus étales. On suit bien sûr les péripéties de l’agrandissement du bassin aux nénuphars à Giverny et les problèmes de la cataracte dont Monet a longtemps évité l’opération par peur d’y perdre la vue – son appréhension des couleurs en sera terriblement chamboulée.

    Vincent Noce donne des titres évocateurs à ses séquences de quelques pages : « Vagues », « Amour », « La vapeur, enfin », « Vague à l’âme », « Eaux semblantes », « La verticale du peuplier »… Ou encore « C’est un Monet ! », des mots qui auraient été prononcés par Rodin en découvrant l’océan sur la côte bretonne, d’après Mirbeau (chargé du catalogue d’une exposition commune du sculpteur et du peintre).

    Cette biographie thématique très accessible, agréable à lire, donne envie de se rendre à Paris, à Giverny, entre autres, et de replonger sans attendre dans les livres d’art et les catalogues pour y observer un clapotis, un courant, des vaguelettes dans les paysages de Monet, y compris même dans des prairies, des champs de fleurs et jusque dans les nuages.

  • Sanary, Amer azur

    Son Exil en Paradis devenu introuvable dans ma bibliothèque et indisponible en librairie, j’ai trouvé sur place Amer azur (2007), le nouvel ouvrage consacré par Manfred Flügge aux « artistes et écrivains à Sanary ». Deux cents pages d’informations et d’anecdotes passionnantes pour qui s’intéresse au passé de Sanary-sur-Mer et à ceux qui y trouvèrent refuge et inspiration dans la première moitié du XXe siècle, en particulier des écrivains allemands. Ce nouveau titre, qui reprend et complète le premier, dit mieux leur situation, la souffrance de l’exil et des années de guerre. 

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    Les terrasses du quai Charles de Gaulle

    C’est en se documentant sur l’histoire de Jules et Jim que l’auteur a fait connaissance avec « la capitale de la littérature allemande en exil » (dixit Ludwig Marcuse) : c’est à Sanary que se réfugient en 1939 l’écrivain Franz Hessel (Jules) et Hélène Grund, sa femme, (les parents de Stephane Hessel), qui ont inspiré le roman écrit par Henri-Pierre Roché (Jim) à la mort de Franz sur leur amitié et leurs amours. 

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    Pour qui a déjà parcouru la liste des exilés affichée sur le mur de l’Office du tourisme de Sanary ou s’est arrêté avec curiosité devant les plaques commémoratives indiquant où certains d’entre eux ont vécu, Amer azur est une lecture indispensable. Huxley a écrit ici Le Meilleur des Mondes, Thomas Mann y a passé sa première année d’exil, Walter Bondy y a eu un atelier de photographie – précieux apport aux archives locales. 

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    « Le mistral devint mon ami, écrit Ludwig Marcuse, car il faisait pour moi la même chose que pour le ciel : il chassait les nuages et apportait de la clarté. » Beaucoup d’écrivains et artistes allemands ou autrichiens ont fui le nazisme dans les années 1930 et ont trouvé refuge sur la Côte d’Azur, entre Marseille et Menton. Flügge résume d’abord l’histoire des échanges culturels franco-allemands et l’évolution de cette région paradisiaque par son climat et ses paysages, mais où ces exilés ont souffert de leur situation hasardeuse et de la méfiance à leur égard. 

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    Une « brève histoire de Sanary » précède un chapitre consacré aux auteurs anglais qui ont découvert les premiers les charmes du littoral varois : le Midi attire d’abord Katherine Mansfield à travers les couleurs de peintres comme Cézanne ou Van Gogh. La mort de son frère tué à la première guerre mondiale la pousse à quitter l’Angleterre pour se réfugier à Bandol : « Et in Arcadia ego », note-t-elle dans son journal en 1915. D.H. Lawrence s’y installe avec sa femme en 1928 pour soigner ses poumons malades, jusqu’à ce qu’une pleurésie l’emporte en 1930. Ses amis Aldous et Maria Huxley résideront sept ans à Sanary. 

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    Que tant d’Allemands viennent s’établir non loin de Toulon, le plus important port militaire français, a éveillé bien des soupçons quand la seconde guerre a éclaté. La romancière anglaise Sybille Bedford (von Schönebeck) a beaucoup parlé de Sanary dans ses livres, souvent de façon imprécise. Flügge l’a rencontrée en 2000 et la première biographe d’Huxley lui a laissé l’impression de ne pas avoir tout dit de ce qu’elle savait des intrigues politiques des années 30 et 40. Mais elle a laissé de belles pages sur l’atmosphère de Sanary dans ces années-là. 

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    « Walter Bondy, de Montparnasse à Sanary » m’a fait connaître ce « peintre, dessinateur, photographe, collectionneur d’art et auteur ». Né à Prague, formé en Autriche et en Allemagne, il a vécu à Paris jusqu’en 1914, il y fréquentait les artistes de Montparnasse. Durant un séjour à Sanary en 1926, Bondy peint des paysages et des jardins : « Il aimait l’intensité de la lumière, le mistral, le caractère sauvage de l’arrière-pays. » Après qu’on l’a insulté en rue à Berlin, il décide de quitter l’Allemagne en 1932. « Emigré avant l’heure », il se fixe à Sanary. Tombé amoureux de Camille Bertron, une jeune peintre qu’on lui a présentée, il y loue avec elle un appartement et y installe un atelier de photographie. Les habitants de Sanary se rendent volontiers chez cet Autrichien qui travaille à la lumière du jour et pense que « la photographie doit documenter la beauté ». 

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    Walter Bondy, Port dans le Sud de la France
     http://www.arcadja.com/auctions/en/bondy_walter/artist/34695/

    Manfred Flügge insiste sur la présence des peintres dans le Midi, comme Erich Klossowski qui a obtenu la nationalité française en 1939 et décidé alors « de ne plus prononcer un mot d’allemand ». Ses fils seront peintre (Balthus) et écrivain (Pierre Klossowski). Ou le peintreAnton Räderscheidt et sa compagne Ilse Sahlberg qui achètent Le Patio, une maison cubique qui existe encore sur la colline de La Cride. Fin 1940, il est interné au camp des Milles, mais réussit à s’échapper du « train fantôme vers Bordeaux » pour rentrer à Sanary. Un brave boucher les a fait passer en Suisse, mais ses tableaux ont été perdus. Ou encore Moïse Kisling, « le grand nom lié à Sanary dans le monde artistique ».

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    Moïse Kisling, Paysage à Sanary

    Etre alsacien n’était alors pas commode non plus. René Schickele, écrivain de langue allemande, habite Sanary de 1932 à 1934, et c’est lui qui y fait venir Lion Feuchtwanger et Thomas Mann. Schickele est le seul à avoir écrit un roman sur Sanary (La Veuve Bosca) qui commence ainsi : « En Provence, les saisons changent imperceptiblement en une nuit. » Son journal intime est un témoignage capital.  

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    Heinrich Mann connaissait la Côte d’Azur – surtout Nice, sa ville de prédilection – bien avant que son frère Thomas, Nobel de littérature en 1929, ne se résolve à l’exil. C’est à Sanary que Thomas Mann, quoiqu’il n’y soit resté qu’un an, en 1933, y a peu à peu apprivoisé ce statut frustrant. Ses enfants, Erika et Klaus Mann, l’avaient précédé, et ont décrit dans Le Livre de la Riviera les plus beaux endroits de la Côte, dont Sanary, « parfait petit port, agréable et intime » à première vue, mais en fait « point de rencontre pour le monde de la peinture venant de Paris, de Berlin ou de Schwabing, et pour la bohème anglo-saxonne. » Avant d’emménager dans la Villa La Tranquille, Thomas Mann avait commencé à Bandol ses fameuses « soirées de lectures » pour recréer l’atmosphère intellectuelle qui lui manquait tant. 

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    Entrée de la villa La Tranquille

    Lion et Marta Feuchtwanger ont séjourné à Sanary de 1933 à 1940 et y ont attiré beaucoup de visiteurs. Ils s’y plaisaient tant qu’ils ont eu du mal à en partir, même lorsque c’était devenu dangereux (deux internements aux Milles, entre autres). Arrivé aux Etats-Unis, Feuchtwanger écrira un rapport sur ce qu’il a vécu dans une France « pas si douce que ça ». 

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    D’autres noms, d’autres expériences, heureuses ou malheureuses, sont à découvrir dans Amer azur. Citons encore Franz Werfel et Alma Mahler (sa femme, veuve de Mahler, divorcée de Gropius) qui habitent un temps Le Moulin gris, dont la tour à douze fenêtres abritait la chambre de l’écrivain, le bas de l’habitation étant dévolu à Alma – elle supportait mal leur situation et considérait l’émigration comme « une maladie grave », une « solitude forcée ».

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    Le Moulin gris 

    Très documenté (chaque chapitre comporte une bibliographie), l’essai de Manfred Flügge s’attarde sur tous les noms de la plaque commémorative, bien que certains de ceux qui s’y trouvent cités n’aient pas vécu à Sanary mais ailleurs sur la Côte. L’auteur résume enfin les années de guerre à Sanary, l’occupation allemande, les destructions. « L’avenir de la mémoire », dernier chapitre dAmer azur, rend hommage à ceux qui œuvrent pour la préservation de ce patrimoine culturel à Sanary, alors « pôle Sud de l’espoir » et désormais ville témoin de l’exil, thème « inépuisable et toujours d’actualité ».

  • Réponse à un poète

    La Lettre à un jeune poète rédigée par Virginia Woolf en 1931 – il est peu crédible, note Maxime Rovere dans la préface, qu’elle ait pu lire les Lettres à un jeune poète de Rilke, posthumes (1929) et traduites en anglais seulement cinq ans plus tard – n’est pas une véritable lettre, mais une réponse à une question de John Lehmann (1907-1987). 

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    De 25 ans son cadet, ce jeune poète « manager » d’une collection de poésie à  la Hogarth Press où il sera lui-même publié deux fois, l’interroge sur la place des poètes dans ce monde en plein changement au début du XXe siècle (techniques, paysages, mode de vie…), marqué par la première guerre mondiale et la crise économique de 1929. Qu’il y est difficile d’être poète ! Qu’en pense-t-elle ?

    Lettre à un jeune poète rassemble six textes écrits par Virginia Woolf entre 1918 et 1931, certains inédits en français. « Mon cher John » : le texte éponyme, le plus tardif, prend la forme et le ton d’une lettre privée – une vingtaine de pages où elle a l’art de mener une réflexion de fond avec la légèreté d’une conversation amicale pleine d’humour.

    Contre les « nécrophiles » pour qui l’art épistolaire est mort, Virginia Woolf considère que celui-ci vient à peine de naître – « il est l’enfant du timbre-poste ». Elle compare les lettres du passé, « écrites pour la postérité », des envois coûteux destinés à la lecture à voix haute, aux échanges plus intimes (qu’il est souvent préférable de brûler pour éviter les indiscrétions). 

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    © The Estate of Virginia Woolf, 2011

    http://www.theparisreview.org/blog/2011/08/03/document-woolfs-letter-to-a-young-poet/

    A quel titre écrire sur la poésie, elle qui manque « d’une formation universitaire solide », ne peut distinguer « iambe » et « dactyle », et s’exprime en prose ?  Mais elle lit les poètes et ceux-ci ne meurent pas : Keats, Shelley, Byron « sont vivants ». Aux jeunes poètes, à leur tour, de définir « le juste rapport » entre le monde extérieur et leur moi.  « Le poète essaie de décrire avec honnêteté et exactitude
    un monde qui n’existe peut-être que pour une personne précise, à un moment précis. »

    La poésie a besoin de rythme et de vie. « Laissez votre sens du rythme se déployer et onduler parmi les hommes et les femmes, les omnibus, les moineaux – toutes les choses, quelles qu’elles soient, qui traversent la rue – jusqu’à ce qu’il les ait tissées ensemble en un tout harmonieux. » L’art d’écrire amène à suggérer plus qu’à dire et cela s’apprend par la lecture – « il est impossible de lire trop »  
    « Et pour l’amour du ciel, ne publiez rien avant d’avoir trente ans. »

    Dans « La fiction, la poésie et l’avenir » (1927), Virginia Woolf insiste sur la curiosité, un esprit ouvert à tout : « La beauté comporte une part de laideur ; l’amusement, une part de dégoût ; le plaisir, une part de douleur. » Dans un poème de Keats sur une nuit de printemps, « le chagrin est l’ombre qui accompagne la beauté. » Le poète et le romancier puisent aux mêmes sources. « La vie est toujours et inévitablement plus riche que nous qui voulons l’exprimer. » 

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    Comment six ou sept jeunes femmes, en 1914, soutiennent Poll, l’une d’entre elles, dont le père a précisé dans son testament qu’elle n’hériterait « qu’à la condition qu’elle ait lu tous les livres conservés à la bibliothèque de Londres », voilà le point de départ d’un drôle de petit récit, « Une association » (1921), à propos des hommes et des femmes.

    De la lecture de Lettre à un jeune poète, je retiens l’optimisme de Virginia et son goût pour le présent. Aussi je dédie cet extrait au coursier à vélo qui la déposée dans ma boîte aux lettres : « Eh bien, notre optimisme est en grande partie instinctif. Il a pour source le beau temps, le vin et la conversation. Il a pour source le fait que si la vie dispose tant de trésors au quotidien, si elle suggère chaque jour plus que n’en pourraient dire les plus volubiles, nous aurons beau admirer les morts, nous préférons la vie comme elle est. Il y a quelque chose dans le présent que nous ne voudrions pas échanger, même si l’on nous offrait de vivre au choix dans l’un des siècles passés. Et la littérature moderne, avec toutes ses imperfections, exerce sur nous le même charme et la même fascination. » (« Ce qui frappe un contemporain », 1923)

  • Libellule

    « La libellule, appelée aussi « demoiselle », est un insecte élégant, nerveux et fragile. Elle est munie de quatre ailes diaphanes. Le mot qui la nomme est magnifique. Tout de grâce, de légèreté. Il possède lui aussi quatre l. Ainsi la libellule est-elle une symbiose parfaite de la nature et de la langue, de la biologie et de l’orthographe. »

    Bernard Pivot, Les mots de ma vie 

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