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Roman - Page 90

  • Tomber amoureux

    Court roman ou longue nouvelle, La vie princière de Marc Pautrel est une lettre d’amour à L*** (Gallimard, 2018). Son auteur, un romancier, a été si heureux à ses côtés pendant les quelques jours qu’elle a passés au Domaine, il se sent si désespéré par son départ, qu’il décide de lui écrire pour expliquer comment il est tombé amoureux d’elle ; il en espère quelque soulagement. Plusieurs fois, elle lui a répété qu’elle avait « un compagnon », raison pour laquelle il ne lui a rien avoué, afin d’éviter toute gêne entre eux.

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    Sa lettre remonte le temps. Il est installé au Domaine depuis un mois, et comme tous les résidents, invité aux dîners de séminaires – où il se sent mal à l’aise vu sa faible maîtrise de l’anglais parlé par tous les participants. Un soir, quand il arrive à « la Grande Maison », il lève les yeux de son téléphone, l’aperçoit dans l’obscurité tout près de lui, sursaute, s’en excuse en français, ce à quoi elle répond dans la même langue, en riant.

    C’est le début de leurs conversations, qu’ils continueront à table, l’un à côté de l’autre : elle, enthousiaste et posant plein de questions sur l’art d’écrire des romans, lui, heureux de parler français avec quelqu’un et attiré par l’énergie de cette « thésarde en littérature à Paris ». Dans son Journal, il note au sujet de la jeune femme née en Toscane, de père américain et de mère italienne : « Intéressante, environ trente ans, souple et pointue. A suivre. »

    Tous les détails de leurs rencontres, de leurs échanges, il les puise dans sa mémoire, notamment cette douleur foudroyante quand elle a prononcé pour la première fois ces mots : « mon compagnon ». De soir en soir, ils se racontent leurs voyages, leurs rêves, leurs origines. Elle a été élevée dans le catholicisme, dans une famille d’origine ashkénaze, ce qui les rapproche encore.

    Aucun désaccord entre eux. « L’amour déformait peut-être mes perceptions, mais je croyais que tu pensais toujours comme moi et que tu souhaitais tout ce que je souhaitais. Et aussi que tu voulais rester avec moi autant que je voulais rester avec toi. » Quand ils décident de faire ensemble le tour du Domaine à pied, elle semble chaque fois si heureuse de le voir – ils marchent, ils parlent.

    Tout est organisé au Domaine pour le plus grand confort des résidents, d’où le titre. « Oui, ici, c’est vraiment la vie princière, la vie portée à son maximum, le lieu idéal, les trois mille oliviers et les trois mille cyprès, les pins parasols et les amandiers, ainsi que les êtres qu’il faut, et pour moi l’être qu’il faut c’est toi. »

    Marc Pautrel donne dans ce roman une fine observation de leurs rencontres, de la naissance en lui du sentiment amoureux jusqu’à la perte – il finit toujours par être séparé des femmes dont il tombe amoureux. (Ecrira-t-il un jour la réponse de L*** à sa lettre ? Comment une femme se plaît à la compagnie d’un homme, sans pour autant tomber amoureuse de lui ? Ce serait un changement de point de vue radical.)

    La vie princière est le septième roman de Marc Pautrel, publié dans la collection « L’infini » de Philippe Sollers qu’il a rencontré à Bordeaux en 2006. Un éloge appuyé de son roman à l’émission « On n’est pas couché » lui a valu de nombreux nouveaux lecteurs.

    Le style élégant de cette lettre à L***, un récit au présent, participe à la beauté de ce qu’elle rapporte, comme une offrande en retour à une femme dont il a aimé la proximité, la manière d’être, la connivence. « C’est cela que tu m’as donné, cinq jours de joie, cinq jours d’état de grâce intime, et c’est pour cela que je veux te remercier, grazie mille, merci, mille mercis pour tout cela. »

  • Couleurs

    le clézio,bitna,sous le ciel de séoul,roman,conte,littérature française,séoul,corée,culture« Salomé reste rêveuse. L’après-midi est déjà bien avancé, et la lumière de l’automne a pris les couleurs des feuilles des ginkgos dans l’avenue qui longe son immeuble. Je pense que ce qu’elle veut entendre, c’est une histoire de couleurs, une histoire d’arbres et de montagnes, pour échapper à l’immobilité de son appartement, pour respirer. » 

    J.M.G. Le Clézio, Bitna, sous le ciel de Séoul

     

    Photo : http://thisisseoul.unblog.fr/

     

     

  • Bitna, sous le ciel

    Dans Bitna, sous le ciel de Séoul (2018), Le Clézio donne la parole à une Coréenne de dix-huit ans : la narratrice, l’héroïne du roman, une conteuse. Jeune fille aux yeux clairs, aux cheveux couleur de maïs, Bitna est née dans une famille modeste en province. Une tante a accepté de la loger dans son minuscule appartement de Séoul, juste à côté de l’université où elle s’est inscrite. Elle y partage la chambre de sa cousine Paek Hwa, une gamine infernale de quatorze ans.

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    Aussi Bitna quitte l’appartement dès qu’elle le peut – « La rue, c’était mon aventure. » Elle aime regarder les gens, discrètement, « imaginer toutes sortes de choses à leur sujet ». Dans un petit carnet, elle note des descriptions, des noms, des lieux. Un proverbe dit : « On se reverra un jour ou l’autre sous le ciel de Séoul. » Son meilleur poste d’observation est une librairie où elle passe de plus en plus de temps à lire des livres étrangers, sans que cela dérange le jeune libraire qu’elle a baptisé M. Pak.

    Un jour, celui-ci lui montre une lettre de Kim Se-Ri (elle préfère qu’on l’appelle « Salomé ») : malade, celle-ci offre un bon salaire à qui viendra lui « raconter le monde ». Parfait pour Bitna qui rêve de se trouver un nouveau logement. C’est ainsi que naît sa première histoire, contée en avril 2016, celle de M. Cho Han-Soo et de ses pigeons, qu’il emmène sur le toit de l’immeuble dont il est le concierge.

    Comment Bitna passe ses journées, les histoires qu’elle raconte, ses déménagements, ses rapports avec M. Pak et avec Salomé qui décline, voilà l’intrigue toute simple du roman. Le Clézio a l’art d’y semer de courtes réflexions très justes sur la vie et sur la mort, en passant, mêlées à des observations concrètes sur la manière dont les êtres humains se débrouillent les uns avec les autres, à tout âge, sur leur aspiration à la liberté.

    « Occidental indéniablement, mais méfiant vis-à-vis de tout ce qui est trop intellectuel, trop rationnel, attiré par la magie, le surnaturel, les endroits où le présent et le passé cohabitent mystérieusement et naturellement » (Télérama), J.M.G. Le Clézio connaît bien Séoul, il y a reçu la presse pour la promotion de ce roman.

    Dans cet hommage rendu au conte, l’écrivain prête souvent à Bitna son regard de sage. Pour lui, rien de plus « dépaysant » que de se mettre dans la peau d’une jeune provinciale plongée dans l’univers urbain de la Corée moderne, comme il l’expliquait à La Grande Librairie. Il crée souvent des personnages jeunes : serait-ce parce qu’ils portent sur le monde son éternel regard de jeune homme voyageur ? Conteuse ou écrivain, en somme, c’est un peu pareil. Bitna, sous le ciel de Séoul, est une fable sur la littérature.

  • Accessible

    « Il est maigre et blond. Trop grand. Trop pâle. Trop fragSpaak couverture.jpgile. Pas du tout mon genre. J’aime les regards sournois, les teints basanés, les sourcils épais, les esprits torturés, les muscles saillants, les êtres sans foi, ni parole.
    Chez lui, au premier abord, tout semble accessible. Pas d’ombre, pas de drame. Le genre d’homme à voyager avec une valise à roulettes. Un bagage réglementaire permettant d’emporter son petit monde avec soi en cabine sans crainte de le perdre. » 

    Isabelle Spaak, Pas du tout mon genre