Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Culture - Page 487

  • Les couleurs de l'eau

    On trouve souvent, dans les ruelles des villes en bord de mer, l’une ou l’autre galerie où plages et ciels s’offrent aux passants en compositions convenues et couleurs factices – il n’est pas facile de peindre et faire sentir l’atmosphère marine, l’eau et ses couleurs changeantes. Jusqu’au 21 avril, les galeries du fort Napoléon, à La Seyne sur Mer, proposent une rétrospective de Bernard Conte (1931-1995).

    Bernard Conte Affiche.jpg

     
    A l’Office du tourisme des Sablettes, l’affiche avait accroché mon regard : deux pêcheurs et leurs casiers, la tache jaune d’un tablier, des tons gris, bleus, beiges, et un chemin pour l’œil, de la barque échouée sur la grève vers les bacs de pêche, le sable, l’ourlet d’écume, la mer, les rochers et deux voiles, au loin. C’était l’occasion de découvrir ce fort Napoléon resté jusqu’alors pour moi une simple indication en bord de route à Tamaris.

     

    conte,bernard,peinture,exposition,la seyne sur mer,fort napoléon,bords de mer,couleurs,eau,culture


    Le fort a été bâti à la place d'une redoute édifiée par les Anglais, reprise par Bonaparte, à la tête de sept mille hommes, ce qui lui valut ses galons de Général de Brigade. Devenu empereur, il a fait construire, en haut de la colline Caire, un fort carré avec une cour centrale. Une seule route y grimpe et débouche sur de gros murs d’enceinte où la porte ouvre le passage vers une cour d’où rayonnent différentes galeries. C’est aujourd’hui un centre culturel. La Galerie de la Tête d’obsidienne y expose des artistes contemporains confirmés, les Galeries du fort sont réservées à la création régionale.

    conte,bernard,peinture,exposition,la seyne sur mer,fort napoléon,bords de mer,couleurs,eau,culture

    Dès la première où je suis entrée, le charme opère : de petites toiles se succèdent dans une longue salle voûtée où pierres et briques offrent un support en harmonie. Les vues de Bernard Conte sont éclairées de manière à laisser jouer autour d’elles l’ombre et la lumière. Ce sont presque toujours des bords de l’eau, parfois un mas en Provence ou un moulin. Devant des maisons sur pilotis, des pêcheurs sur leurs barques. Entre des pins courbés par le vent, des bateaux blancs dans une baie, les bleus mouvants de la mer. 

    conte,bernard,peinture,exposition,la seyne sur mer,fort napoléon,bords de mer,couleurs,eau,culture 
    Etier à marée haute (détail) © Bernard Conte

    Les couleurs, l’atmosphère, voilà ce que le peintre capte avant tout, que ce soit à Venise ou à Bruges, ou, le plus souvent, sur des rivages de France, au centre de Paris, en Normandie, au bord de l’Atlantique ou de la Méditerranée. Les bâtiments ne sont qu’esquissés, avec portes et fenêtres, mais la lumière sur les murs est vivante, et à leurs pieds, des embarcations bougent doucement sur l’eau.  

    Bernard Conte Bruges (détail).JPG
    Bruges (détail) © Bernard Conte

    C’est là, dans le bas des toiles, qu'elles prennent vie : des personnages y apparaissent, gondoliers, rameurs, passagers, promeneurs sur les berges de l’île Saint-Louis, amoureux, pêcheurs… 

    Bernard Conte Ile Saint Louis (2) (détail).JPG

    Ile Saint-Louis (détail) © Bernard Conte

     

    Au bout d’une autre galerie, des natures mortes aux tons délicats : des fleurs, des pots, et une cage à oiseaux qui revient dans plusieurs toiles. Dans la grande Cage aux bouvreuils à découvrir plus loin, dans une petite salle plus intime, des bouquets de fleurs et un panier de fruits rouges tiennent compagnie à un couple d’oiseaux. C’est à gauche du couloir principal qui mène vers le plus grand tableau de cette exposition, En Auvergne, le plus mystérieux aussi.  

    Bernard Conte En Auvergne (détail).jpg
    En Auvergne (détail) © Bernard Conte

    Bernard Conte est né dans le Cantal, a grandi entre l’Auvergne et Sèvres. Décorateur, il a pu gagner assez d’indépendance pour vivre sa passion de toujours, la peinture. Dans les années soixante, il transforme une vieille maison dans l’île de Noirmoutier en restaurant. La saison finie, il peut peindre, voyager jusqu’au Maroc ou dans les îles Lofoten.

    Bernard Conte En Dordogne  (détail).jpg
    En Dordogne (détail) © Bernard Conte

    En 1989, il installe son atelier à Six-Fours, tout près de La Seyne, et c’est ainsi qu’est née cette exposition d’œuvres prêtées par son épouse. On y reconnaît des coins de la région (Dans la baie de Toulon), les blanches calanques où seuls les pins mettent du vert (Yachts au mouillage). Les formes sont simples, les couleurs claires. « Avec leurs aplats et surtout ce geste si particulier qui les guide, les œuvres de Bernard Conte racontent une nature décryptée et retranscrite. » (Jean-Christophe Vila)

    Bernard Conte Dans la baie de Toulon (détail).JPG
    Baie de Toulon (détail) © Bernard Conte

    Dans les dernières salles – mais ai-je visité ces galeries dans l’ordre ? je ne sais –, des silhouettes de jeunes femmes m’ont paru fades après tous ces paysages de plein air. Le nom de Bernard Conte m’était inconnu, je ne l’oublierai pas. Cette rétrospective seynoise lui rend un bel hommage. Si vous montez à pied ou en voiture jusqu’au fort Napoléon, vous y goûterez de précieux moments de contemplation paisible.

  • Vent de Pâques

    Pause en poésie / 8      

    vivier,poésie,littérature française,belgique,écrivain belge,culture

    Les foules du bleu m’environnent,

    Leurs voix se détruisent sans trêve.

    Qui les interroge ? Personne.

    L’une commence et l’autre achève.

     

    Et le chœur solaire élabore

    Des villes sans murs et sans portes,

    Folles de fenêtres sonores

    Et de tours qu’un silence apporte.

     

     

    Robert Vivier, Pas des saisons (Tracé par l’oubli, 1951).

  • Maison du temps

    Pause en poésie / 7      

    vivier,poésie,littérature française,belgique,écrivain belge,culture

     

    Où s’est-il caché, l’enfant siffleur

    Qu’un bleu soleil bombardait d’oranges

    Et qui dansait au bruit des couleurs

    Comme dansent l’herbe et la mésange ?

     

    Pour la maison qui touche à la nuit

    Une main défunte pianote

    Le début d’un songe, mais l’ennui

    Fane en plein vol le bouquet des notes…

     

    Tout s’est tu dans les chambres du Temps

    Où l’hier et le demain s’embrouillent,

    Où l’hôte brun s’arrête hésitant

    Devant soi-même, aux miroirs de rouille.

     

    Robert Vivier, Rites et fables (Tracé par l’oubli, 1951)

  • Rite du vent

    Pause en poésie / 6      

    vivier,poésie,littérature française,belgique,écrivain belge,culture

    Toute la nuit le vent souple se coule

    De l’un à l’autre côté des choses

    Comme un homme nu, couleur de feuilles.

     

    Par les couloirs qu’il fore dans le sang

    Plusieurs tribus ténébreuses s’engouffrent

    Chaudes de souffles, de pas nombreux…

    Peuples danseurs, vêtus de mélopées,

    Vous m’entraînez aux rites somnambules

    Où le ciel tangue, où des buissons titubent,

    Où je déterre au hasard des paumes

    Sous les broussailles cousues par l’ombre

    Les étincelles du premier désir.

     

     

    Robert Vivier, Rites et fables (Tracé par l’oubli, 1951)

  • Il faudrait

    Pause en poésie / 5      

    vivier,poésie,littérature française,belgique,écrivain belge,culture

    Il faudrait s’éveiller, et que ce soit la fête

    Pour les oiseaux muets qui vivent sur les murs.

    Depuis l’éternité les branches les arrêtent,

    Mais j’ai toujours rêvé d’entendre leur murmure.

     

    Les aras longs et bleus regardent à la vitre,

    Et des duvets précis me touchent par moments.

    – Je me souviens d’un singe au visage si triste,

    Qui tournait l’orgue vite et trop distraitement.

     

    La fête des oiseaux sera folle et timide.

    Aux branches du silence ils n’attendent que l’heure…

    Mais l’horloge invisible accapare le vide

    Et fige les oiseaux dans leurs nids de couleurs.

     

     

    Robert Vivier, Au bord du temps, 1936.