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Peinture - Page 64

  • Michaux Face à face

    Henri Michaux (1899-1984), de son vivant, refusait toute représentation personnelle : déjà en 1927, quand la NRF édite Qui je fus, « avec un portrait de l’auteur gravé sur bois par G. Aubert », il refuse l’illustration, la barre d’une croix et signe par-dessous un « Non » péremptoire. C’est l’affiche de l’exposition qui vient de s’ouvrir à la Bibliotheca Wittockiana : « Henri Michaux Face à Face ».

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    Jacques Carion et Jean-Luc Outers sont allés chercher « ailleurs, entre écriture et peinture », le « vrai visage » de l’écrivain et du peintre, et c’est passionnant. L’exposition offre une porte d’entrée originale dans l’univers de Michaux, qu’on connaisse ou non son œuvre. L’auteur d’Un certain Plume (né à Namur) détestait sa « belgitude », il a obtenu la nationalité française en 1955.

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    Le parcours donne à voir et à lire. D’abord « quelques renseignements sur cinquante-neuf années d’existence », une notice rédigée par Michaux lui-même en 1957. Puis, en première partie : « Henri Michaux face à ce qu’il crée (des mots pour se dire, des images pour se trouver) ». Près de deux petites gouaches bleues (de 1925, alors que sa première exposition date de 1937), une huile sur bois de 1982 (Michaux ne voulait pas de titre pour ses peintures) – et des extraits en regard : « Ce sont trois hommes sans doute ; le corps de chacun, le corps entier est embarrassé de visages ; ces visages s’épaulent et des épaules maladives tendent à la vie cérébrale et sensible. » (La nuit remue)

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    Henri Michaux Gouache sur papier ca. 1925 Coll. privée © SABAM Belgium 2016

    L’obsession des têtes, du visage (brouillé, caché) apparaît comme un leitmotiv aussi bien dans la peinture de Michaux que dans ses écrits. Citations et extraits nombreux dévoilent un palimpseste où l’écrivain qui ne voulait ni se montrer ni parler en public interroge sans cesse le sens ou non-sens de l’apparence. « J’ai cessé depuis vingt ans de me tenir sous mes traits. Je n’habite plus ces lieux. » (Passages)

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    Emergences-Résurgences, Genève, Skira, 1972

    Bien sûr, au Musée du Livre et de la reliure, les ouvrages de Michaux sont particulièrement mis à l’honneur : livres d’art, plaquettes, illustrations... « Henri Michaux face à d’autres œuvres, évocations, invocations », la deuxième partie, est consacrée à ses écrits sur d’autres peintres : Klee, Sima, Matta… 
    En rêvant à partir de peintures énigmatiques (1972) évoque des toiles de Magritte sans les nommer, comme In memoriam Mack Sennett, une huile prêtée pour l’occasion par La Louvière.

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    Henri Michaux Huile sur bois ca. 1982 Coll. particulière © SABAM Belgium 2016

    Michaux a beaucoup voyagé, en vrai et en rêve. Dans Arbres des tropiques (1942), entre autres dessins végétaux, voici un arbre à silhouette humaine, à moins que ce soit l’inverse – « Comme les arbres sont proches des hommes ! » « Lecture de huit lithographies de Zao Wou-ki » (1950), « En Occident le jardin d’une femme indienne » (1986), « Jeux d’encre. Trajet Zao Wou-ki » (1993) : autant de collaborations entre le poète et le grand peintre chinois (devenu Français, comme lui) publiées par de petites maisons d’édition.

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    Lecture par Henri Michaux de huit lithographies de Zao Wou-ki,
    Paris, Godet, 1950 Coll. particulière

    En appel de visages d’Yves Peyré a été une source d’inspiration pour ce « Henri Michaux Face à Face ». On découvre que Michaux aimait regarder des dessins d’enfants, d’handicapés mentaux, avant même qu’on parle d’art brut. En plus des huiles, aquarelles, encres, gouaches, « crayocolors », la plupart issus de collections privées, on peut voir aussi des dessins mescaliniens comme celui prêté par Alechinsky où aucune forme ne se distingue au premier regard mais où apparaissent, si on veut bien s’y plonger, des visages esquissés, encore et encore.

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    Henri Michaux Aquarelle sur papier 1981Coll. particulière © SABAM Belgium 2016

    Enfin, « Henri Michaux face aux autres et à lui-même : portraits » réunit des dédicaces et des correspondances. L’écrivain a multiplié les refus par rapport à toute sollicitation – entretien, émission, spectacle, colloque, prix littéraire, et même publication dans La Pléiade ! D’une indépendance farouche, il protégeait son intimité, sa liberté, lui qui était pourtant si curieux des autres.

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    A côté de dédicaces signées Michel Leiris, Jean Dubuffet, René Char… et de dédicaces de Michaux dans une petite écriture serrée pas toujours lisible, on montre quelques lettres – Michaux les brûlait et demandait qu’on les brûlât – « en tout cas ne les publiez pas » écrit-il à son ami Franz Hellens à qui il refuse « CATEGORIQUEMENT » (sic) de republier quoi que ce soit de lui paru au Disque vert – « cet haïssable passé ».

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    Henri Michaux 1953 © Photo Paul Facchetti

    Le parcours se termine sur un portrait peint par Jean Dubuffet et des photos de Michaux par Gisèle Freund, par Paul Facchetti, où paradoxalement l’homme qui s’effaçait prend la pose. Etonnantes, ses deux dernières peintures inspirées par la mer du Nord donnent une note joyeuse à cette fin de parcours. Dans une salle annexe, Michaux encore, sous de belles reliures très diverses. A l’étage sont exposés des dessins inspirés par ses textes (Serge Chamchinov, Roland Breucker).

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    Vous pourrez découvrir « Henri Michaux Face à face » jusqu’au 12 juin à la Bibliotheca Wittockiana (et l’an prochain au Centre Wallonie-Bruxelles à Paris.) A la fin du catalogue, un beau texte de Jean-Luc Outers évoque la mort et l’incinération de Michaux au Père-Lachaise : « L’homme sans visage ».

  • Belgique LMNO...

    Nouvelle balade dans le Dictionnaire amoureux de la Belgique de Jean-Baptiste Baronian : cette fois nous irons de Laeken jusque chez Thomas Owen (qui a habité pas loin de chez moi). Je vous ai déjà présenté les Serres royales de Laeken, mais jamais je n’ai mis les pieds au « Père-Lachaise » bruxellois selon certains, à savoir le cimetière de Laeken où Baronian a eu « la curieuse impression de dégringoler les âges à la vitesse de l’éclair » dans une « métropole totalement désuète et, qui plus est, d’une laideur infinie ». Dans ce « gris répulsif », que de « Belges qui ont fait la Belgique », pourtant !

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    Albijn Van den Abeele, Bois de sapins en février, 1900
    (en couverture du catalogue Le premier groupe de Laethem-Saint-Martin 1899-1914, Bruxelles, 1988)

    A « Laethem-Saint-Martin », on respire mieux, avec les deux groupes d’artistes de ce « foyer de la peinture et de la sculpture flamandes du XXe siècle ». Un millier d’habitants vers 1900, quand les premiers s’y installent, neuf fois plus (« près de vingt fois plus si on compte la population de Deurle, la commune limitrophe ») aujourd’hui dans cette région cossue où musées et galeries d’art prospèrent. Baronian rappelle ce qui motivait ces artistes et admire Bois de sapins en février, chef-d’œuvre de Van den Abeele : « Le mystère de la lumière verte dans tous ses états. Le mystère tout court sublimé par des arbres. Un miracle. »

    La littérature française de Belgique prend volontiers sa source officielle dans La Légende d’Ulenspiegel de Charles de Coster (1827-1879), roman passé presque inaperçu à sa parution en 1867, écrit Baronian, mais relancé par diverses rééditions, surtout posthumes, et par le monument élevé aux étangs d’Ixelles en hommage à l’écrivain volontiers archaïsant, représentant le couple héroïque, Thyl Ulenspiegel et Nele (j’ai vu passer l’une ou l’autre fois la sculpture de Charles Samuel, en bronze et en format réduit, mais à des prix hors de ma portée.)

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    Si comme moi, vous ignoriez le nom du photographe Willy Kessels (devinette du billet précédent), celui de Charles Leirens devrait être plus familier à ceux qui fréquentaient l’ancienne librairie du palais des Beaux-Arts tenue par la Promotion des lettres belges de langue française : on y trouvait en cartes postales ses beaux portraits d’écrivains et d’artistes. Baronian nous apprend qu’il était féru de musique, lui-même compositeur, organisateur de concerts marquants, notamment à la Maison d’Art qu’il avait fondée avenue Louise. « Grand photographe, grand mélomane et grand animateur culturel : j’ai beau chercher, je ne vois pas quel nom je pourrais mettre en regard de celui de Charles Leirens », conclut Baronian.

    Je ne m’attarderai ni sur nos anciens rois Léopold I, II et III, ni sur « Lemaître », « Lemonnier », « Leys », ni sur « Liège », qui le méritent assurément. Pardonnez-moi de quitter le L, mais (comme dans ma bibliothèque) la lettre M qui suit est la plus fournie dans ce dictionnaire : 23 entrées en commençant par « Maeterlinck » et « Magritte », c’est une gageure d’en rendre compte. Alors tant pis (tant mieux pour vous quand vous ouvrirez ce Dictionnaire amoureux de la Belgique), pas de « Meunier (Constantin) » ni de « Mer du nord » ni même de « Moules », je m’arrêterai sur un seul article en M.

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    Léonard Misonne, Brouillard et poussière, 1908

    C’est au Musée de la photographie à Charleroi que j’ai vu les œuvres de Léonard Misonne – on hésite à nommer « photographies » les créations de ce photographe impressionniste. Méconnu, affirme Baronian, parce que la photographie pictorialiste (imitant la peinture) « a totalement été déconsidérée après la seconde guerre mondiale » au profit de la photographie réaliste et documentaire. Misonne composait des « tableaux photographiques », souvent des paysages champêtres, des scènes de ville aussi, et toujours avec une lumière, une atmosphère particulière.

    Bien sûr, à M vous trouverez bien « Mons » et à N « Namur » ! Puis les écrivains se succèdent : Norge précède Amélie Nothomb et Paul Nougé. Thomas Owen n’est pas loin, juste derrière « Ostende », où Baronian invite Stefan Zweig (La saison à Ostende), Henri Storck qui a filmé « Ostende, reine des plages » du temps où elle était ce qu’elle n’est plus (mais elle a de beaux restes), et bien sûr les deux grands peintres ostendais, James Ensor et Léon Spilliaert.

    Désolée de terminer ce billet sur un mode énumératif, je vous promets pour le prochain un extrait plus... élégant.

  • Couleur

    Matisse Intérieur aux barres de soleil.JPG

     

    « Je recommande aux futurs possesseurs de ce tableau de ne jamais avoir l’idée de colorier le personnage assis dans le fauteuil. Tel quel, il a sa couleur voulue par moi, suggérée par l’effet d’optique, résultant de l’ensemble des couleurs du tableau. »

    Matisse

    Henri Matisse, Intérieur aux barres de soleil, 1942
    Musée Matisse, Le Cateau-Cambrésis

     

     

    Matisse les vieux clichés.JPG
    « L’artiste doit apporter toute son énergie, sa sincérité et la modestie la plus grande pour écarter pendant son travail les vieux clichés. »

    Matisse

    Henri Matisse, Jazz, Paris, Tériade éditeur, 1947
    Musée Matisse, Le Cateau-Cambrésis

  • Matisse et la gravure

    Un jour sans pluie, voilà qui était plus agréable pour se rendre au Cateau-Cambrésis, la ville natale de Matisse, et visiter l’exposition « Matisse et la gravure », en cours au Musée Matisse. Celui-ci date de 1952, quand l’artiste a offert quatre-vingt-deux œuvres à la ville. D’autres donations se sont succédé, notamment de la famille Matisse (la dernière en 2012). En 2002 s’ouvre le nouveau musée aménagé dans le palais Fénelon, ancienne résidence des archevêques de Cambrai construite à la fin du XVIIIe siècle et dotée d’un beau parc.

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    Vue partielle de la cour et de la façade du palais Fénelon - Musée Matisse

    Parlons d’abord de la gravure, « l’autre instrument » comme le rappelle le titre de l’exposition. On ignore souvent à quel point Matisse a pratiqué cet art dans ses différentes techniques, de 1900 jusqu’à la fin de sa vie. Il disait : « Ce qui m’intéresse le plus, ce n’est ni le paysage, ni la nature morte, c’est la figure. » La figure humaine est le sujet le plus traité dans les « quelque 829 estampes recensées dans le catalogue raisonné, augmenté des 80 livres illustrés par Matisse » (brochure).

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    Cette exposition temporaire (jusqu’au 6 mars 2016) révèle le travail de Matisse graveur et permet en même temps aux visiteurs de mieux appréhender la diversité des estampes (images imprimées sur un support à partir d’une matrice) qu’on nomme souvent « gravures » par ignorance des différentes techniques (en relief, en creux, à plat). Des panneaux didactiques permettent de les distinguer et surtout, l’exposition de 200 œuvres « comprenant pour la première fois des matrices, des pierres lithographiques ainsi que des tirages rayés ». Les instruments du graveur sont montrés, les inscriptions manuscrites explicitées. 

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    Henri Matisse dessinant sur la pierre à l’atelier Mourlot, Paris, 1947-1948
    (photo Ina Bandy
    © Fonds Ina Bandy)
    Source : http://www.christies.com/matisse/printmaker.aspx

    Une grande photo accueille le visiteur : Henri Matisse dessinant sur la pierre à l’atelier Mourlot à Paris, 1947-1948 (photo Ina Bandy). Puis quatre états successifs (état : tirage effectué à chaque changement pour mieux apprécier le résultat) de Henri Matisse gravant, qui datent de ses débuts en 1900-1903, à la pointe sèche, avec des traits entrecroisés pour les ombres. L’artiste s’est représenté « à la manière de Rembrandt dans sa célèbre estampe de 1648 » (Céline Chicha-Castex). Ici, le dessin très détaillé du visage contraste avec celui des mains laissées en clair. Le regard et les mains focalisent l’attention, puis on remarque des ébauches laissées dans le haut à gauche.

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    Henri Matisse, Henri Matisse gravant, 1900-1903
    Pointe sèche 14.8 x 19.8 cm sur vélin 25 x 33 cm
    Planche 52 D : quatrième état Collection privée © Succession H. Matisse, 2015 Photo : Archives Henri Matisse

    D’une salle à l’autre, on découvre les techniques utilisées par Matisse pour dessiner : une tête sous une capeline, une odalisque et une joueuse de luth, des postures et des visages de femmes le plus souvent, parfois un paysage ou une nature morte. Devant les visages de ses modèles, ce qui frappe, c’est la manière dont Matisse rend une physionomie avec une extrême sobriété : « il ne s’agit plus de portrait à proprement dit, mais de l’expression d’une harmonie sensible inspirée par le modèle » (brochure).

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    Henri Matisse, Loulou, figure de dos, 1914-1915
    Eau-forte 17.9 x 12.8 cm sur chine appliqué; support: vélin 38 x 27.8 cm Planche 42, État Collection privée © Succession H. Matisse, 2015 Photo: Archives Henri Matisse

    Plus rarement, le rapport s’inverse entre le noir et le blanc, j’aime beaucoup ces lignes blanches sur un fond noir qui leur donne force et présence, comme pour l’œuvre de l’affiche, Nu dans les ondes, ou pour une autre linogravure de la même année 1938, Primavera. Matisse avait raison de l’affirmer : « le noir est une couleur ».

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    Henri Matisse, Primavera, 1938
    Linogravure 22.8 x 16.9 cm sur vélin Daragnès 52 x 33 cm
    Planche 240, Éd. 8/25 Collection privée © Succession . Matisse, 2015 Photo : Archives Henri Matisse

    Pour lui, il s’agissait « d’apprendre et de réapprendre une écriture qui est celle des lignes ». Ses estampes présentent une grande variété dans l’épaisseur du trait, qui diffère selon le type de gravure. L’exposition des matrices à proximité permet de mieux se rendre compte, pour qui n’est pas initié, de la manière dont l’artiste travaille ; pour les connaisseurs, c’est aussi l’occasion d’examiner son « matériel » d’origine, y compris des matrices rayées (l’artiste arrête ainsi le tirage et y note parfois quelques indications pour mémoire).

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    Vue de l'exposition "Matisse et la gravure",
    musée Matisse, Le Cateau-Cambrésis, Photo département du Nord

    Après la découverte de ces estampes généralement en noir et blanc (on montre aussi des essais de couleurs pour La Danse de la Fondation Barnes), et une pause déjeuner agréable au Cateau Cambrésis, nous sommes retournés au Palais Fénelon pour ses collections permanentes, au rendez-vous de Matisse d’abord, puis d’Auguste Herbin, dans la nouvelle aile, et de la collection Tériade pour terminer. 

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    Henri Matisse,
    Bord de canal à Bohain, 1903
    Huile sur toile Collection particulière Dépôt au musée départemental Matisse, Le Cateau-Cambrésis
    © Succession H. Matisse

    Dans le message envoyé par Matisse à sa ville natale en 1952, repris intégralement au début du parcours, il dit ceci à propos de la chapelle de Vence (dont on verra la maquette et des vêtements liturgiques) : « C’est dans la création de la chapelle de Vence que je me suis enfin éveillé à moi-même et j’ai compris que tout le labeur acharné de ma vie était pour la grande famille humaine, à laquelle devait être révélé un peu de la fraîche beauté du monde par mon intermédiaire. »

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    Matisse, Grand nu assis, Nice, 1922-1929 / Fenêtre à Tahiti II, Nice, 1936
    Dons de l'artiste en 1952 Musée Matisse, Le Cateau-Cambrésis

    J’ai revu avec plaisir les Matisse du Cateau-Cambrésis, les premières peintures, les sculptures, les œuvres de la plénitude comme Fenêtre à Tahiti II, quand il est déjà installé à Nice, le magnifique Intérieur aux barres de soleil, des papiers collés, un riche cabinet d’œuvres graphiques. Vous en trouverez un aperçu, période par période, sur le site du musée.

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    Auguste Herbin, Rue de Bastia, 1907
    Musée Matisse, Le Cateau-Cambrésis

    En revanche, j’ai vu pour la première fois la donation Herbin dans la nouvelle aile (on peut consulter l’intégralité de la collection Herbin en ligne). Devenu un maître de l’art abstrait, Auguste Herbin (1882-1960) a d’abord peint des œuvres figuratives dans des couleurs plutôt fauves (Rue de Bastia). Ensuite il décline les formes géométriques et son alphabet des couleurs pures aussi bien sur toile que sur des objets. Son vitrail « Joie » est un chef-d’œuvre.

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    Auguste Herbin, Joie, 2002 Vitrail  Deuxième état
    Réalisation Atelier Luc-Benoît Brouard  Musée départemental Matisse, Le Cateau-Cambrésis
    Photo Association des amis du musée Matisse

    Coup de cœur, enfin, pour la collection Tériade. Alice Tériade, la femme du grand éditeur d’art, a offert au musée Matisse « vingt-sept livres de peintres conçus et illustrés par quatorze artistes de l’art moderne », et aussi des œuvres offertes à Tériade par ses amis, des peintures et des sculptures comme Grande Femme III de Giacometti installée dans la cour du musée.

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    Pierre Reverdy / Pablo Picasso, Le chant des morts, Tériade, 1948
    Collection Tériade, Musée Matisse, Le Cateau-Cambrésis

    Quelle fête ! Portrait de Tériade par Giacometti, illustrations de Rouault pour Divertissement sur le thème du cirque (premier livre d’art édité par Tériade en 1943), céramiques de Miró, toiles de Léger, lithographies originales de Chagall pour Daphnis et Chloé, de Juan Gris – superbe série « Au soleil du plafond » – et aussi d’André Beaudin que je ne connaissais pas.

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    Juan Gris, Le Livre (Pierre Reverdy / Juan Gris, Au soleil du plafond, Tériade, 1955)
    (Photo de biais pour limiter les reflets, cliquer ci-dessus pour la série.)
    Collection Tériade, Musée Matisse, Le Cateau-Cambrésis

    Tériade et son épouse aimaient recevoir leurs amis à la villa Natacha de Saint-Jean-Cap-Ferrat. La salle à manger minuscule du Midi a été reconstruite dans le musée. Matisse y a posé un vitrail et dessiné un platane sur deux murs d’angle en face, Giacometti a conçu le lustre et la vaisselle, Laurens une sculpture ; les meubles en osier venaient d’une brocante. Quel raffinement dans cette petite pièce !

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    « La salle à manger » de la Villa Natacha reconstruite à l’identique
    carreaux de la céramique Le Platane et vitrail Les Poissons chinois de Matisse,
    lustre et coupes de Giacometti, plâtre de la Sirène ailée de Laurens
    .

    Mais revenons dans le Nord ou plutôt, car il est temps de conclure, allez-y si vous le pouvez : le musée Matisse du Cateau-Cambrésis, un beau musée à taille humaine, vaut le voyage, qu’on se le dise.

    ***

    Post-scriptum (16/2/2016)

    Pour information, le musée Matisse s’est associé avec Covoiture Art, « site de covoiturage qui met en relation des covoitureurs en fonction de leurs affinités culturelles » : http://www.covoiture-art.com/

     

  • Mélange

    brafa,2016,antiquités,art,peinture,sculpture,arts décoratifs,galeries,tour & taxis,exposition,culture« Il y a eu un vrai changement de fond. Aujourd’hui, il y a une tendance au mélange des genres et des époques, de l’antiquité à l’art contemporain. La foire, éclectique, doit s’ouvrir à tous les secteurs. Les maîtres mots de la Brafa, c’est qualité et diversité. On ne propose pas de sections particulières. On aime le contraste, on aime le mélange. C’est une richesse pour chaque objet d’être dans la confrontation, la rencontre. C’est quelque chose qui a été initié par Yves Saint Laurent et Pierre Berger qui ont démontré que tous les objets de toutes les époques, formes ou qualités peuvent être associés harmonieusement. »

    Harold t’Kint de Roodenbeke (Président de la BRAFA)

    Photo : Tête d’Eros, 1er siècle avant J.-C., marbre blanc, romain (Galerie Axel Vervoordt)