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Marcheuse de montagne

L’essai de Belinda Cannone, La forme du monde (2019), s’ouvre sur une « philosophie de la montagne ». La collection « Versant intime » d’Arthaud invite le lecteur à pénétrer le « jardin secret » de « grandes figures des lettres, des arts, des sciences ou du voyage ». C’est donc un essai autobiographique que donne ici cette romancière et essayiste née en 1955, docteur et maître de conférences en littérature comparée.

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Associant le désir et le mouvement, Belinda Cannone se présente en « marcheuse de montagne d’été ». Même si la montée est souvent pénible au randonneur, elle est aussi plaisir. Pour le corps-esprit – « c’est de cette entité unitaire que sourdent toute expérience et toute pensée » –, la marche, à la fois physique et spirituelle, est une manière de « provoquer l’intensité », comme la course, comme le tango.

Sa « rencontre inaugurale » avec la montagne date de ses dix-sept ans : devant la montagne enneigée, dans les Hautes-Alpes, elle est frappée de son « énormité ». Ensuite, elle y randonne l’été, observe la flore alpine, s’essaie au dessin, prend conscience du sentiment « océanique » (un terme repris à Romain Rolland) qui s’empare d’elle, comme « une vague » sans séparation entre le monde et elle. L’expérience de l’émerveillement est le sujet de son essai précédent (S’émerveiller, 2017).

L’appréhension de la grandeur du monde va de pair avec la perception de la « poussée terrestre imperceptible » : elle compare cela avec le ralenti de Bill Viola dans sa vidéo fascinante, The Greeting (1995), où il s’inspire de La Visitation peinte par Pontormo. Souvenirs de Chamonix, de l’Aubrac, du Valais. L’intérêt de la hauteur ? « La forme du monde, cachée pour le passant des fonds de vallée, nous apparaît miraculeusement à mesure que nous montons. »

D’origine méditerranéenne (Sicile, Tunisie, Corse), Belinda Cannone a grandi à Marseille. Dans ce « vaste monde dont [elle est] une passante », la mer lui apparaît tragique, la montagne solaire. La marche, émerveillement et liberté, ne peut que rendre sensible à l’écologie : le monde est notre maison commune et les entités naturelles ont besoin de lois protectrices.

« Commencer à marcher, c’est entendre en soi la joie lever. » La forme du monde évoque ses hauts lieux de prédilection, les alpages. Découvert dans la bibliothèque de Cléanthe, La forme du monde permet de prendre de la hauteur. « J’aime la solitude, je la recherche et je la choie. » Belinda Cannone aurait aimé pouvoir marcher seule, mais reconnaît sa peur dans l’isolement. L’essai se termine sur trois lectures montagnardes en phase : Regain de Jean Giono ; Le mur invisible de Marlen Haushofer ; La force de l’âge de Simone de Beauvoir, autobiographie d’une femme libre qui aimait marcher.

Commentaires

  • Beaucoup de marcheurs ont célébré cette pratique nécessaire; j'aime le paradoxe (j'aime toujours les paradoxes qui sont intéressants!): la mer comme tragique, la montagne solaire; j'aurais dit le contraire..........

  • Nos rapports aux lieux sont marqués par l'expérience vécue, c'est vrai.

  • "J'aime la solitude, je la recherche et je la choie" "... Tout me parle, tout m'attire dans ce que tu dis et dans les extraits que tu nous offres, ce titre est noté, je suis dans la joie de cette lecture future, merci Tania. J'aime aussi beaucoup cette couverture, en deux tons, doux et forts à la fois, comme l'est la montagne. Belle journée à toi. brigitte

  • Tu y trouveras de quoi te nourrir l'esprit et l'âme, Brigitte. Je t'en souhaite déjà bonne lecture.

  • Belinda Cannone écrit que Beauvoir marchait beaucoup et seule, ce qu'elle-même n'osait pas faire.

  • Une auteure que je ne connais pas encore mais que je vais m'empresser de trouver en médiathèque ou en librairie. Les extraits que tu nous offres me parlent et me touchent.
    Merci Tania !

  • Avec plaisir, Fifi. Qui aime marcher en montagne y trouvera son compte, il me semble.

  • Voilà une belle découverte ! Je note immédiatement les références et je m'en vais le suggérer en achat à la médiathèque. Merci ! As-tu remarqué le nouveau livre d'Emmanuel Carrère ? Lu hier un article à son sujet ; c'est tentant.

  • Bonjour, Marie. Tu aimeras ce livre, à mon avis, contente que tu l'aies trouvé.
    Je n'ai ni lu ni entendu grand chose encore sur "Yoga", dont le sujet m'intéresse, bien sûr.

  • Une forte expérience dans la marche en montagne est (pour moi) d'éprouver la pesanteur, le bonheur qu'il y a à adhérer à la terre. Et l'autre, complémentaire, une intense présence à son souffle. Souvent dans la fatigue et la douleur, mais aussi parfois dans la joie inattendue, en fin de parcours. L'euphorie (au sens propre) du fameux "second souffle", quand on se sent porté plus qu'on ne marche. (Bon ça ne m'est pas arrivé souvent, mais c'est une sensation inoubliable).

  • Je me retrouve dans cette expérience, Ariane. Le conseil de marcheurs plus âgés que moi quand j'ai commencé la marche en montagne a sans doute affûté mon regard sur les choses qu'on voit en marchant : se concentrer sur tout ce qui apparaît au bord du chemin, jolie pierre, petite plante, insecte... et oublier en même temps combien il reste à monter.

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