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Buzzati 1942

Quand je découvre la présentation d’un recueil de nouvelles, je me demande souvent pourquoi j’en lis peu. Juste avant la réouverture de la bibliothèque, j’avais sorti de la mienne un recueil de Buzzati, Toutes ses nouvelles, tome I, 1942-1966, où Michel Breitman a rassemblé par ordre chronologique « des nouvelles déjà publiées en français, du vivant et avec l’aval de Dino Buzzati ».

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J’ai relu celles de 1942 et cela m’a donné quelques éléments de réponse. L’une des neuf nouvelles de cette première section s’était gravée dans ma mémoire, lue à l’hôpital à la veille d’une opération, il y a longtemps – je la garde pour la fin. Je m’étais dit que le récit bref siérait à ce genre de séjour et qu’avec ce gros volume de sept cents pages, j’aurais de quoi tenir un moment.

La première, Les sept messagers, est une histoire de voyage ou de temps, c’est peut-être la même chose. Un homme de trente ans décide d’explorer le royaume de son père ; plus de huit ans plus tard « d’une route ininterrompue », il n’est pas encore parvenu aux frontières du royaume, plus vaste, plus varié qu’il ne l’imaginait. Parmi les cavaliers de son escorte, il en a choisi sept au départ pour communiquer avec les siens et leur a donné de nouveaux prénoms pour les envoyer dans le bon ordre, commençant par A, B, C, D, E, F et G. Mais plus il s’éloigne, plus l’aller et le retour des messagers prennent du temps. Où cela finira-t-il ?

Dans L’attaque du grand convoi, un brigand sorti de prison retrouve ses compagnons dans la montagne. Ils ne reconnaissent pas immédiatement leur chef, qui comprend que son temps est révolu et va s’installer dans une baraque en forêt qui lui servait de refuge. C’est là qu’un jeune de dix-sept ans le rejoint, désireux de faire un grand coup avec lui et sa bande. Retrouver les siens n’apporte pas toujours le bonheur espéré, c’est ce que raconte aussi Le manteau, avec le retour d’un soldat dans sa famille : il fait la joie de sa mère, mais pourquoi son fils ne veut-il pas retirer son manteau ?

La vie, chez Dino Buzzati, est une longue attente, un voyage vers la désillusion. Nombreuses sont ses nouvelles, comme Vieux phacochère ou La mise à mort du dragon, plus fantastique, qui rapprochent vertigineusement la vie et la mort. Dans Une ombre au Sud, un voyageur repère une silhouette qui reparaît et disparaît continuellement sur son chemin ; il la cherche du regard d’abord, puis cherche à la fuir. Chercher ce qu’il faudrait fuir, c’est ce qui se passe aussi dans Une chose qui commence par un L.

Sept étages, la nouvelle dont j’avais gardé un souvenir si vif, débute ainsi : « Après une journée de voyage en train, Giuseppe Corte arriva, par un matin de mars, à la ville où se trouvait la fameuse maison de repos. Il avait un peu de fièvre, mais n’en voulut pas moins faire à pied le chemin qui menait de la gare à l’hôpital, en portant sa valise. » Atteint d’une forme « bénigne et débutante » de l’unique maladie traitée dans cet établissement, il est ravi de découvrir au septième et dernier étage une chambre très agréable, tranquille et accueillante.

En interrogeant une infirmière, il apprend que les malades sont répartis « étage par étage en fonction de la gravité de leur cas ». Le septième est réservé aux malades légers, le premier aux moribonds. Impressionné par les témoignages de certains sur les étages inférieurs, Giuseppe Corte, bien que sa fièvre persiste, est décidé à ne pas quitter son étage. Mais quand une dizaine de jours plus tard, on lui demande de changer de chambre pour laisser la sienne à une dame qui arrive avec deux enfants et a besoin de trois chambres contiguës, il donne courtoisement son accord, avant de comprendre que cela implique de descendre temporairement au sixième étage…

Publié dans la presse en 1937, Sept étages a fort frappé les esprits, la nouvelle a été adaptée pour le théâtre, sous le titre Un caso clinico, puis en français par Albert Camus. Dans l’introduction d’Un cas intéressant, celui-ci y voit un mélange original entre La mort d’Ivan Illitch et Knock. L’inquiétude du malade conjuguée avec la bonhomie rassurante des médecins donne un récit implacable.

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La suite du recueil attendra, non seulement parce que j’ai ramené des livres de la bibliothèque, mais parce que mon problème est celui-ci. Michel Breitman, dans la préface, cite Gide : « La nouvelle est faite pour être lue d’une seule haleine ». Très juste. J’aime le tempo de la nouvelle, mais je n’aime pas enchaîner avec la suivante, puis encore la suivante, et ainsi changer de climat, quitter une atmosphère, un personnage pour un autre. Je préfère inscrire ma lecture dans la durée, la reprendre là où j’ai glissé un signet ; j’ai du plaisir à me rappeler ce qui précède, à attendre la suite, à reconnaître un univers qui m’accompagne même quand le livre est fermé, à retrouver un ton, une écriture singulière. J’aime laisser le récit s’inscrire dans mon propre temps. Et vous, comment lisez-vous ?

Commentaires

  • J'aime aussi les nouvelles et j'aime cet auteur; j'en ai oublié certaines, mais pas toutes; j'en ai refait certaines avec des élèves. Et ça marche bien, mais aujourd'hui, je me demande si les jeunes peuvent apprécier……..On en lit une dans la journée, elle trotte en nous jusqu'au soir et on en lit une 2°; un bon rythme de lectures; pour ma part, j'ai écrit un recueil de nouvelles.

  • Mais oui, il y a encore de quoi intéresser les jeunes, avec le suspense et parfois la chute. Ils seront peut-être même plus sensibles à la menace souvent sous-jacente.
    Une par jour, tu as raison, c'est préférable, mais c'est court.

  • oui c'est vrai, lire les nouvelles, c'est mieux une à la fois, et bien la laisser décanter avant d'attaquer la suivante :-)

  • Comme prendre un café en quelque sorte...

  • Très jeune j'ai lu Le désert des Tartares, que j'avais beaucoup aimé. Je sais avoir lu autre chose également, mais pas moyen de me souvenir du titre ni du sujet!

  • C'est son chef-d'œuvre. Peut-être as-tu lu "Un amour" ?

  • Lire une nouvelle est pour moi comme un interlude, cette lecture se glisse entre deux lectures plus longues, c'est un petit bol d'air, une pause que je m'offre. Et puis quand une nouvelle me plait vraiment, j'y reviens, elle se fait gourmandise, c'est le cas de La cathédrale de brume de P.Willelms que dont tu nous avais parlé...
    La dernière de celles que tu cites aujourd'hui m'attire beaucoup, merci Tania, lumineuse journée à toi. brigitte

  • Ce recueil restera sur ma table de lecture, une réserve d'interludes, comme tu l'écris. Bonne journée, Brigitte, nous avons un week-end de Pentecôte quasi estival.

  • Oui, Buzzati a l'art de nous emmener ailleurs.

  • Le désert des tartares est une merveille. Autant continuer avec ses nouvelels,, alors

  • Bien d'accord, Keisha, bonne journée.

  • J'aime beaucoup les nouvelles qui m'ont toujours semblé un genre littéraire difficile à réussir pour un auteur, qui doit compresser une histoire entière.
    Tout comme entre deux romans, une pause entre les nouvelles, tu as raison, est nécessaire. J'ai lu "Douze nouvelles" en version bilingue italien-français, je me souviens de plusieurs dont dont "Le petit paillon " et "Ça n'est jamais fini".

  • Ces deux-là ne sont pas dans le tome I, mais je regarderai dans mes recueils en format de poche, merci.

  • Qui surprendrai-je en mentionnnant le K et autres récits ainsi que le désert des Tartares ?
    Je note les 7 messagers une belle occasion de retrouver ce grand auteur !
    Et le rythme une par jour est effectivement celui qui me convient ☺

  • Je suis très attachée au "K" en poche avec sa couverture énigmatique : https://media.biblys.fr/book/23/18523.jpg

  • "Je préfère inscrire ma lecture dans la durée, la reprendre là où j’ai glissé un signet ; j’ai du plaisir à me rappeler ce qui précède, à attendre la suite, à reconnaître un univers qui m’accompagne même quand le livre est fermé, à retrouver un ton, une écriture singulière. J’aime laisser le récit s’inscrire dans mon propre temps."
    Je suis tout à fait d'accord avec toi. C'est peut-être pourquoi je n'aime pas les nouvelles, finalement. Elles peuvent être intelligentes, séduisantes, surprenantes... mais elles ne me permettent pas d'aller "habiter chez quelqu'un d'autre", ailleurs, en un autre temps, un autre monde. C'est ça que j'aime dans la lecture...
    Même si je dévore (je lis très vite), ce que je déguste, c'est la sensation de me quitter moi-même pour vivre autre chose, autre part, comme si j'étais quelqu'un d'autre.

  • Nous nous rejoignons complètement sur cette importance de la durée de "cohabitation", Anne. C'est pour m'installer vraiment dans l'univers de l'auteur que j'ai tendance à lire quelques nouvelles d'affilée.
    Avec Buzzati, l'ailleurs est garanti, et c'est tout un art de le faire exister et évoluer en quelques pages.

  • Dino Buzzatti ! Comme j'aime cet auteur ! J'ai aussi un recueil de ses nouvelles, Le K. Tu me donnes envie de le relire. Ah oui, une nouvelle se lit d'un trait... Je me souviens avoir été très impressionné par une nouvelle sur la vieillesse, une bande de jeunes qui poursuivent les vieux et au matin le jeune se rend compte qu'il est vieux...
    Bonne journée.

  • Comme répondu à K, j'aime beaucoup ce recueil et je vois que j'y ai souligné bien des titres dans la table des matières et entouré quelques-uns : "Le K", "La création", "Pauvre petit garçon". Je ne me souviens pas de celle que tu évoques, je la trouverai. Bonne journée, Marie.

  • J'ai toujours lu des nouvelles ; souvent les recueils sont courts, ce n'est pas le cas ici. Pour certains, je préfère moi aussi les lire en pointillé, une nouvelle par-ci, une nouvelle par-là, pour ne pas mélanger les histoires et prendre le temps d'assimiler celle que je viens de lire.

  • J'en lis de temps à autre, souvent avec réticence d'abord, puis avec plaisir tout de même, surtout chez ces géants du genre que sont Buzzati, Tchekhov, Maupassant...

  • Je lis peu de nouvelles, car j'ai toujours l'impression que je n'ai pas le tant de "m'installer" dans la lecture, je reste toujours un peu sur ma fin. " 7 étages" doit être assez croustillant !
    Merci pour ton partage, belle journée Tania !

  • Joli lapsus, puisque la fin venant trop vite, nous restons sur notre faim... Bonne journée, Claudie.

  • Bonne idée, bonne lecture, Maggie.

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