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Une agence à Téhéran

Zoyâ Pirzâd m’avait charmée en décrivant la vie quotidienne en Iran à travers des personnages attachants dans C’est moi qui éteins les lumières ou Un jour avant Pâques. On s’y fera (traduit du persan (Iran) par Christophe Balaÿ) est un roman d’une atmosphère et d’un ton très différents, il comporte de nombreux dialogues.

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Édifice Ettehâdiyeh
(Source : La trace de l’histoire dans les anciennes maisons de Téhéran)

A nouveau, les femmes y jouent les premiers rôles : Arezou, une femme divorcée, indépendante, dirige l’agence immobilière depuis la mort de son père ; avec sa fille Ayeh, étudiante à l’université, la relation est tendue, et aussi avec Mah-Monir, sa mère qui aime tout régenter et prend volontiers le parti de sa petite-fille contre elle. Arezou peut compter, au bureau et en privé, sur l’appui d’une amie, Shirine, qui se charge d’écarter les appels téléphoniques importuns.

Un de leurs clients, monsieur Zardjou, est à la recherche d’un appartement « haut de plafond, et qui plus est dans un immeuble en briques, lumineux, spacieux, avec de grandes chambres, un salon donnant sur la montagne », bref, cet homme exigeant rêve d’un bien de caractère, quasi introuvable. Shirine persuade Arezou d’aller lui montrer une maison ancienne disposant d’une belle cour avec des kakis.

La vieille maison plaît effectivement à Zardjou qui prend son temps pour la visiter, pose des questions, demande même son avis sur la couleur qu’elle conseillerait pour les murs. Arezou, impatiente, a l’impression de perdre son temps, laisse tomber son téléphone qui se casse. Elle râle intérieurement, mais tout va changer quand Zardjou conclut sur le pas de la porte : « J’achète ».

Arezou et Shirine vont souvent manger ensemble, elles ont leurs habitudes dans les restaurants. Quand Arezou lui raconte cette visite, Shirine la surprend en lui disant que cet homme courtois « en pince » sans doute pour elle. Arezou a l’habitude d’entendre sa mère proposer de bons partis pour Ayeh, elle s’étonne que son amie, opposée par principe au mariage, la pousse dans les bras d’un homme.

Pour Shirine, il n’est pas question d’un nouveau mari ; elle voit Zardjou comme « une aspirine » pour Arezou : quelqu’un qui l’apaiserait avec de gentilles attentions, des fleurs, des gâteries, sans plus. Les échanges entre ces deux femmes actives (comme on dit) qui se disent tout (jusqu’à un certain point) sont révélateurs de la façon dont elles se débrouillent pour conserver leur liberté malgré les contraintes sociales auxquelles elles doivent encore se soumettre.

On s’y fera dépeint un mode de vie bourgeois contemporain dans une ville de Téhéran livrée aux promoteurs immobiliers, où subsistent çà et là des traces de vie à l’ancienne. Les relations conflictuelles d’Arezou avec sa mère et avec sa fille, sa nervosité permanente contrastent avec le calme et la patience de Zardjou. Celui-ci, prévenant, va peu à peu bouleverser ses habitudes, ses préjugés, sa manière de considérer les autres.

Zoyâ Pirzâd raconte leur histoire sur un ton très familier. On la lit jusqu’au bout par curiosité et on découvre à travers ces vies de femmes une société iranienne pas si éloignée de la nôtre qu’on ne pourrait l’imaginer. Ce roman laisse moins de place à la délicatesse par laquelle cette romancière m’avait touchée jusqu’à présent. Dans un entretien au Monde, elle confiait son souci de « ne jamais ennuyer le lecteur ». Pour résumer mon impression sur On s’y fera, j’emprunterai un titre à Heinrich Böll : un « portrait de groupe avec dame », à l’iranienne.

Commentaires

  • Ce qui m'attire ici, c'est la "normalité" du récit, qui nous fait en effet comprendre qu'ils ne sont pas différents de nous. J'ai eu des amis iraniens avant l'Ayatollah, tous étaient amusants, sophistiqués, "modernes", abordables....

  • Ton commentaire correspond bien aux personnages de ce roman-ci et à leurs conversations très "actuelles".

  • L'Iran, c'est la Perse; la Perse, c'est un peu l'Inde... La littérature nous fait voyager, nous fait découvrir le monde. comment peut- on se passer de lire?

  • Oui, lire, c'est voyager, découvrir, se rapprocher parfois.

  • Il faut beaucoup de talent pour raconter ce quotidien, le leur, le nôtre, celui des humains finalement.
    Un plaisir pour moi de découvrir cette auteure que tu sembles déjà bien connaître. J'ai bien aimé lire son interview, merci!

  • J'ai entre-temps lu ceci dans un autre entretien au Courrier International : "La particularité en Iran, c’est que la famille est encore très envahissante. Dans mon roman On s’y fera par exemple, on m’a souvent demandé comment il était possible qu’Arezou, une femme de caractère, qui dirige une entreprise et qui a des hommes sous ses ordres, soit si soumise aux exigences de sa mère et de sa fille. Beaucoup m’ont dit que cela n’était pas crédible. Mais la relation mère-fille est vraiment spéciale, et on en a une double preuve dans ce roman. On voit beaucoup de femmes très fortes aux prises avec leur mère. Elles sont coincées entre leurs obligations et leurs aspirations. Arezou est obligé de travailler, de subvenir aux besoins de sa famille, mais, dans son cœur, elle veut être amoureuse, vivre une vie simple."
    https://www.courrierinternational.com/article/2009/10/30/je-recherche-la-simplicite-et-la-justesse

  • Avec plaisir, Adrienne, bonne journée.

  • Lire c'est toujours s'ouvrir à l'autre. Le quotidien de ces femmes en Iran semble vraiment intéressant, Merci Tania et belle fin de semaine !

  • Bonne lecture si tu vas à leur rencontre, Claudie.

  • J'aime beaucoup les livres de cette auteure... et j'ai même acheté celui-ci deux fois, trompée par une nouvelle édition. J'avais préféré "C'est moi qui éteins les lumières", mais celui-ci fut un plaisir aussi, comme de découvrir à chaque fois un Iran intime, que je ne soupçonnais pas.

  • Je n'ai pas trouvé ce roman-ci sur ton blog. Comme tu l'écris, cette romancière nous fait découvrir l'Iran au quotidien, tellement plus attachant que l'actualité politique. Bon dimanche, Annie.

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