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Guerre, passion

« A la maison, la guerre continuait. J’y passais le moins de temps possible, prise par mes cours à Nanterre, Jean-Luc et l’appartement des Jeanson chez qui je me réfugiais souvent. Francis continuait à être le seul qui rendait la philosophie vivante. Jean-Luc parfois en prenait ombrage et se plaignait de ne pas me voir assez. Il était sur le point d’avoir enfin les clefs de son appartement et souhaitait que je m’y installe avec lui. Soir après soir, je lui répétais que ma famille ne l’accepterait jamais, que j’étais mineure jusqu’à mes vingt et un ans et de ce fait, sous la tutelle de mon grand-père. Quand il insistait trop, je me fâchais et rentrais chez moi très perdue. Dans ces moments-là, il m’arrivait de penser qu’il m’aimait bien plus que je ne l’aimais. Cela me rendait coupable envers lui comme envers ma famille. Je me jugeais lâche, infantile, sans désir sauf celui de prendre la fuite. » 

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« Je passai encore deux jours sur le film. Les scènes avaient lieu en intérieur et je regardais avec passion François Truffaut diriger Jeanne Moreau et Charles Denner. Je le trouvais d’une délicatesse inouïe, j’aimais sa douceur et l’entente qu’il parvenait à créer autour de lui. Coutard, absorbé par des difficultés techniques, oublia ma présence et je pus, malgré l’exiguïté des lieux, faire mes photos sans gêner personne. Je quittai le plateau de La mariée avec regret, plus amoureuse que jamais du cinéma. C’était bien là que se trouvait ma place. J’étais décidée à y revenir que ce soit devant ou derrière la caméra. »

Anne Wiazemsky, Une année studieuse

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Commentaires

  • Charles Denner n'a pas reçu assez de grands rôles alors que cet acteur au phrasé unique, avait une présence qui - sans porter ombrage à ses partenaires - élargissait les écrans.

  • j'y vois tout à coup un lien avec la vie de Françoise Giroud :-)
    (cinéma, émancipation, absence de père...)

  • Charles Denner !! Rien qu'à l'évocation de son nom, dans le souvenir... on se laisse emporter par le son de sa voix.

  • Quelle personnalité... si jeune et déjà si décidée (ou influencée, séduite ?) à une époque où il restait tant à faire pour l'émancipation des femmes ! Mais tout de même, au risque de vous paraître rétrograde, je comprends le souci de sa famille, elle n'avait que dix-neuf ans.

  • Merci pour ces extraits, ils confirment vraiment l'impression annoncée dans le post précédent !

  • @ JEA : Le réécouter dans "L'homme qui aimait les femmes"...

    @ MH : Denner forever ! Bien compréhensible, cette prudence familiale. Près d'un demi-siècle plus tard, elle serait aujourd'hui majeure.

    @ Adrienne : Au même âge (trente ans plus tôt), Giroud commençait comme secrétaire au cinéma - script-girl avant de se mettre à écrire, en effet. Mais des milieux sociaux différents.

    @ Un petit Belge : Avec plaisir, bon week-end à toi.

    @ Claire : Prête à entrer dans "Une année studieuse", ça se confirme.

    @ Colo : Comme tu l'as lu dans ce lien, elle n'a pas continué à photographier, dommage.

  • J'ai lu le livre d'Anne Wiazemsky avec beaucoup d'interêt, comme le précédent ("Jeune fille"), mais sans pouvoir me départir d'un peu d'agacement: qu'il était donc facile, dans ces années 60 (et plus encore aujourd'hui?) d'avoir accès dès 18 ans au monde passionnant de l'intelligentzia parisienne, quand on était la petite fille de Mauriac ! Quoi qu'on en pense, ce n'est certes pas "par hasard" qu'elle croise H. Janson - qui sans barguigner lui donne des cours -, Bresson - qui la fait tourner tout de suite -, et même Godard -qui rêve d'accéder à ce monde - etc. Voilà ce qui limite tout de même toute identification féministe... Qu'Anne Wiazemsky ait su sincèrement tirer parti de cette situation, qu'elle ait ensuite gardé toute sa vie une relative discrétion, puis construit une oeuvre estimable est tout à son honneur. Mais ces années d'"apprentissage", à travers mai 68, d'une petite fille riche et un peu gatée ne sont sans doute pas ce qu'il y a de plus interessant chez elle. Ni de plus personnel :-)

  • Fille de prince, en effet, mais je ne suis pas sûre qu'il lui était facile d'être la petite-fille de Mauriac. Le cinéma et Godard représentent une vraie rupture par rapport à son milieu social. Après une carrière d'actrice pendant plus de 20 ans, son passage à l'écriture est paradoxalement plus original dans le roman que dans l'autobiographie assez réservée qu'elle nomme ici "roman" : "Mon beau navire", "Une poignée de gens", "Je m'appelle Elisabeth"...

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