La seule critique que lui ait faite l’auteur d’Abattoir 5 portait sur son usage de la ponctuation. Il avait horreur de tous ses points-virgules.
– Les gens vont s’en douter, vous savez, que vous êtes passé par l’université, vous n’avez pas besoin de leur prouver.
Mais ces points-virgules venaient justement des vieux romans du XIXe siècle qui lui avaient donné envie d’écrire. Il avait remarqué les titres et le nom des auteurs des livres que sa mère leur avait laissés, et qu’ils avaient eux-mêmes légués à Ketchum en quittant Twisted River. Il avait attendu d’arriver à Exeter pour les lire, mais alors avec le plus grand soin. Nathaniel Hawthorne et Herman Melville, par exemple. Ils écrivaient de longues phrases complexes, ces deux-là, et ils affectionnaient le point-virgule. En plus, c’étaient ses auteurs favoris, avec l’Anglais Thomas Hardy, comme il était assez naturel puisque, à l’âge de vingt-cinq ans, Daniel Baciagalupo avait connu sa part de destinée, croyait-il.
John Irving, Dernière nuit à Twisted River
Commentaires
c'est étonnant comme le point-virgule peut susciter de commentaires, ce n'est pas la première fois que j'en lis!
j'y pense chaque fois que j'en utilise... ce qui veut dire assez souvent, mais je me corrige, je ne suis pas Irving ;-)
bon week-end!
Ah je les aime beaucoup les points-virgules et n'essaye aucunement de les éviter. Ils me semblent si subtils quand employés à bon escient...
Oh, là, là, pourquoi vous corriger Adrienne?
Je pensais que le point-virgule n'avait pas d'avenir car je n'imagine pas le retour à une écriture emphatique comme celle d'un Hawthorne (même si elle garde un certain attrait), jusqu'au clin d'œil du commentaire précédent (Adrienne) qui rappelle que le ; n'a pas dit son dernier mot...
Je me souviens aussi d'un canular savoureux sur le site du journal Rue 89, ici:
http://www.rue89.com/2008/04/01/lelysee-lance-une-mission-pour-sauver-le-point-virgule
Je trouve le point-virgule très joli, en plus il sourit ;-)
Dans mes dictées d'enfance on le rencontrait encore souvent le point-virgule.
"Abattoir 5" ... vertige : dans ma bibliothèque depuis plus de 40 ans !!!
A bon escient... C'est sans doute le signe de ponctuation le moins simple d'utilisation. Il n'est pas vieillot, les scripteurs ont juste baissé les bras devant lui.
@ Adrienne : Souvent délaissé, parfois détesté, le point-virgule ne sourit plus aux partisans de la phrase courte. Je m'en sers encore, pourquoi s'en priver ? Bon dimanche, Adrienne.
@ Colo : Amie des points-virgules, ennemie des interdits, je te salue.
@ La bacchante : En effet, de l'abandon et peut-être un effet du jeunisme ?
@ Christw : Merci pour le lien qui m'a fait relire cet article de Guillemette Faure, un bon résumé de la situation du ";" : http://www.rue89.com/et-pourtant/un-appel-du-mouvement-contre-la-disparition-du-point-virgule-0
Pas d'emphase obligée pour le point-virgule. J'ouvre "Une vie" de Maupassant : "On se taisait ; les esprits eux-mêmes semblaient mouillés comme la terre." J'ouvre "L'un pour l'autre" de Nathalie Rheims : "Depuis quelques jours je n'écris rien, pas de mots pour ce journal ; mes pensées cependant vous entourent."
@ MH : Merci pour ce sourire clin-d'oeil.
@ Aifelle : Dictées de "morceaux choisis" parmi les écrivains du XIXe siècle ?
@ JEA : Je n'ai jamais lu Kurt Vonnegut, dont j'ai trouvé une présentation plus passionnée sur le site du Cafard cosmique -http://www.cafardcosmique.com/VONNEGUT-Kurt-JR
Entre le beau temps et l'averse, il existe toute une palette de nuances. Le point virgule enrobe la nuance. Je l'utilise parfois donc, mais c'est vrai qu'il n'est pas facile à apprivoiser.
Bonjour, Damien, heureuse de te retrouver ici. "Le point virgule enrobe la nuance" : une belle façon de le décrire.
Non, non c'est Madame Adrienne qu'il faut remercier... le plus souvent il faut sourire, marquer sa parenthèse (internationale!), "enrober la nuance" car ici vous êtes tous filmés !