Besoin de couleurs ? Vous en trouverez à l’Hôtel de Ville de Bruxelles (Grand-Place) à l’exposition « Dialogue de fauves – Fauvisme hongrois (1904-1914) » jusqu’au 20 mars prochain. L’occasion de découvrir des peintres dont les noms ne sont guère connus du grand public hors de Hongrie, quelque cinquante tableaux d’inspiration parisienne puis belge dans la première salle, hongroise dans la seconde.
De jeunes artistes hongrois séjournent à Paris au début du XXe siècle et fréquentent entre autres l’académie Julian et l’atelier de Matisse. Les premières toiles exposées montrent des rues, des places de Paris aux couleurs vives, avec leurs passants. Des intérieurs aussi, comme La chambre verte. Sur les nus de ces peintres, la chair prend tous les tons que produit la lumière ou l’ombre, comme on peut le voir sur l’affiche de l’exposition. Quelques autoportraits complètent cette série, et une scène d’atelier, Ecole des peintres, des jeunes gens et des jeunes femmes face au modèle.
La première signature qui a vraiment capté mon attention est celle de Béla Czobel avec Détail d’un parc, une belle composition tout en courbes autour du tronc bleu sombre d’un vieil arbre au milieu d’un parterre. En glissant le regard sous son feuillage, on découvre les allées du parc, des gens assis sur les bancs, des promeneurs. Accroché un peu plus loin, Dans le parc de Vilmos Perlrott-Csaba permet d’apprécier le contraste entre un paysage « animé » et un paysage sans personnages. Czobel a exposé en compagnie de Matisse, Braque, Derain. Louis Vauxcelles (le critique qui a donné leur nom aux fauves) le surnommait le « fauve inculte ».
Après ce parcours « parisien », on a regroupé quelques toiles peintes en Belgique, à Bruges en particulier. Il y a là des vues de rues ou de marchés, et bien sûr des quais, des bateaux multicolores. Deux portraits intéressants, côte à côte : une Fillette en robe rose, de face ; une vieille femme assoupie, de profil, dans des tons sombres.
La deuxième salle nous emmène en Hongrie, avec de nombreux paysages dont un Paysage de Nagybánya avec meules de foin signé Sándor Ziffer. Cette ville roumaine fut le « Barbizon » des peintres hongrois. Dans Le jardin d’un mineur, des vêtements mis à sécher sur la barrière d’un jardin, à l’avant plan, sont autant d’aplats de couleur pure.
Deuxième nom que je m’efforcerai de retenir, celui de Géza Bornemisza. Ses deux paysages encadrés de noir valent la visite à eux seuls, leurs couleurs flamboient. Dans le premier, un chemin rouge serpente dans l’herbe et guide le regard vers la montagne à l’arrière-plan. Des arbres occupent presque tout le second intitulé Rue du Village. De part et d’autre d’un terre-plein, repoussée sur les côtés de la toile, la rue d’un bel orange corail crée une atmosphère magique.
De Rippl-Ronaï, le « Nabi » hongrois, j’ai aimé L’atelier de Kapozvar (1911) avec sa grande fenêtre carrée, ses couleurs vives. Ce coin près de la fenêtre, Sándor Galimberti l’a peint à sa façon et la confrontation des deux toiles permet de comparer les rouges, les jaunes, aux accents différents même s’il s’agit de la même pièce.
Il faudrait aussi mentionner les natures mortes, dont une étonnante avec une chaise Thonet en premier rôle, les Nus de Lajos Tihanyi (inspirés par La Danse de Matisse). En plus des vues campagnardes, des jardins clôturés de bois avec les habitants qui s’y croisent (Vilmos Huszár), la ville est représentée par deux grandes toiles carrées : un marché, une place. La Place du Marché de Tibor Bornemisza est magnifique avec ses hauts immeubles bordant la place où les auvents des échoppes se serrent les uns contre les autres ; les silhouettes des passants dans les allées, d'un noir d'encre de Chine, animent la partition.
Peu familière des prénoms hongrois, je me suis renseignée auprès d’un gardien : ce peintre était-il une femme ? Le plus sérieusement du monde, il m’a répondu que « ça n’existait pas, des femmes qui peignaient » ! Au comptoir d’accueil, ce ne fut guère mieux : oui, il y avait une peintre parmi les artistes exposés, mais son nom ? J’ai retrouvé sur la Toile cette Nature morte aux fleurs – et au livre – de Valéria Denes, la deuxième épouse de Galimberti. Par ce "Dialogue de Fauves", la Ville de Bruxelles rend hommage à la peinture hongroise dans le cadre de la présidence tournante européenne. Il reste beaucoup à découvrir, par exemple sur le site Fine arts in Hungary, pour connaître un peu mieux ces peintres dont les œuvres ont été prêtées par de grands musées hongrois et des collections particulières.
Commentaires
Le gardien s'appelait peut-être my dog also ?
Le gardien s'appelait peut-être my dog also ?
@ JEA : Nom d'un chien, c'était lui.
Assurément une exposition qu'il ne faut pas manquer et qui nous donnera les couleurs du dialogue. Ce sera l'occasion aussi d'admirer notre splendide Grand-Place ! Merci pour l'info.
J'ai vu récemment le billet d'une autre blogueuse belge sur cette expo. Je n'aurai pas l'occasion d'y aller, dommage ..
@ MH : Bonne visite, MH.
@ Aifelle : Tu trouveras certainement de quoi nourrir ta curiosité ailleurs, et pourquoi pas sur la Toile ?
Comme Aifelle, je vais essayer de tout visiter sur la toile....en espérant que l'expo voyage un jour jusqu'ici.
Merci pour cette introduction à des peintres qui me sont, en effet, tout à fait inconnus...et inconnues!!!!
@ Colo : De quoi prendre consciences des limites de notre culture européenne et de l'attraction internationale que Paris exerçait à l'aube du XXe siècle. Bonne journée, Colo.
Une visite virtuelle c'est mieux que rien et puis je repars avec une masse d'informations
@ Dominique : Si tu nes les as pas vus, je te signale aussi les liens proposés dans le billet court. Bon dimanche, Dominique.
J'irai certainement voir les fauves hongrois. Entretemps j'ai vu d'autres oeuvres hongroises mais pas fauves, enfin si car elles sont mordantes ;-)
Au Palais des Beaux-Arts, quelques artistes contemporains exposent leurs travaux. A voir leurs oeuvres, le pays n'a pas l'air de rigoler... Un voyageur a le visage tout enchaîné et ces chaînes se prolongent aux deux valises qu'il porte très droit. Il est en cravate et porte un imperméable. On dirait une peinture de Magritte en sculpture.
Une autre oeuvre vaut également le détour et donne à réfléchir. C'est une vidéo où l'on voit des mains qui pèlent une pomme de terre qu'une goutte de sang entache à chaque épluchure, pour finir il ne reste rien de la patate!
Bref peut-être que l'art contemporain ce n'est pas trop votre truc mais je voulais juste vous signaler ces deux pièces.
@ MH : Vos descriptions sont impressionnantes, merci de me rappeler cette expo. L'art contemporain m'intéresse, oui, mais il y a cette protection du droit à l'image pendant 70 ans après la mort de l'artiste qui me fait choisir des illustrations libres de droit, vous voyez ?
Une fois de plus, je regrette d'être si loin de Bruxelles...
@ Lali : J'espère que les liens te permettent tout de même le voyage.
un très grand merci de m'avoir fait découvrir cette exposition - j'y suis allée ce matin, j'en suis ressortie éblouie !