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vie - Page 11

  • Etre heureux

    « Il faut être heureux », disait Jean d'Ormesson à quatre-vingts ans. Voici un extrait du questionnaire de L’Internaute auquel il a répondu en septembre 2005.
    « L'académicien préféré des Français » (selon Wikipedia) a interprété en 2012 le rôle du président dans Les saveurs du palais, on le dit « épatant en Mitterand gourmet » (Le Nouvel Observateur) servi par Catherine Frot, sa cuisinière personnelle.

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    Que vous apporte (sic) les lectures de Chateaubriand ?
    Chateaubriand comme Proust me font d'abord beaucoup rire.

    Pour vous, quel est l'événement politique le plus marquant auquel vous ayez assisté ?
    La chute de la France en mai 40, sa libération en 44-45.

    Vous dites que Chateaubriand et Proust vous font rire, s'il vous plait dites-nous en plus !... Proust et Chateaubriand ont des phrases très longues, tout le monde le sait. Ils peuvent aussi écrire : Chateaubriand : "Il faut être économe de son mépris étant donné le grand nombre des nécessiteux ", Proust : "L`amour c'est l`espace et le temps rendus sensibles au cœur". Ce n'est pas à se tordre mais c'est mieux que ça.

    Qu'est-ce qui vous fait rire le plus ?
    D'abord la bêtise des autres, mais surtout la mienne propre.

    Votre secret pour durer, c`est l'humour ?
    L'humour rend supportable une vie le plus souvent assez triste.

    Le qualificatif de "désespéré flamboyant" vous conviendrait-il à merveille ?
    Bravo ! Nouveau pour moi, je l'adopte. Merci.

    Pensez-vous que les hommes célèbres sont seuls ou que les hommes seuls sont célèbres ?
    Il ne suffit pas d'être seul pour être célèbre. Mais peut-être les hommes célèbres sont-ils en effet assez seuls dans la foule. J'aimerais bien être illustre et inconnu.

    Quels sont les trois adjectifs qui vous qualifient le mieux ?
    Pas fameux, pas méchant, imprévisible.

    Quelle est la plus belle phrase que vous ayez écrite ?
    "Ma mère est vivante puisque je pense à elle".

  • Perdu ou défiguré

    La liberté de bloguer sur n’importe quel sujet est pour moi un des atouts majeurs de cette activité : ne pas être inféodé à « l’actualité », piocher au petit bonheur la chance sur les tables d’une librairie ou dans les rayons d’une bibliothèque, sortir un livre de la sienne pour le relire, commenter un titre désuet, suranné – deux adjectifs pleins de charme, vous ne trouvez pas ?  Un livre est-il jamais « périmé » ?

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    Aussi je vous propose aujourd’hui d’aller à sauts et à gambades. La météo tristounette de ce début d’année à Bruxelles (tristolette ou tristouillette, si vous préférez ces variantes que je viens de découvrir dans le TLF)  joue les prolongations d’un mois de décembre (29 jours de pluie) dominé par le crachin (« Le triste et vilain mot, mélange de crachat et de chagrin », note Laurence Dardenne dans La Libre de ce week-end). Soyons donc légers, voulez-vous ? (Arrêtons de râler en découvrant les vœux des musées des beaux-arts en anglais exclusivement.)

    Comment suis-je arrivée à cette vidéo de Clemtom ? Je ne sais. Au hasard d’internet, d’un clic, d’un lien... Le titre de ce billet, je l’ai puisé dans cet entretien avec Jean d’Ormesson délicieusement inactuel – pour la sortie de son recueil Odeur du temps en 2007 dans la maison d’édition de sa fille.  Il y assure n’avoir « rien fait » pour Héloïse quand elle l'a fondée, mais après deux ans, ce « rien » lui avait semblé « trop peu ». Je vous recommande, sur le site de léditrice, le texte de présentation du livre ; dOrmesson y recourt déjà beaucoup au passé composé, et commence ainsi : « Ce que j’ai fait de mieux dans ma vie, c’est ma fille. Je suis plus fier d’elle que de moi. »

    On lui demande s’il est important pour un écrivain d’être vu à la télévision. D’Ormesson, dont je n’ai rien lu, à part l’un ou l’autre article, je le confesse, mais dont j’ai souvent savouré les prestations télévisuelles, affirme qu’ « un livre qui ne passe pas à la télé est un livre perdu. » Et ajoute aussitôt qu’« un livre qui passe à la télé est un livre défiguré », puisque transformé en spectacle. Certains écrivains sont de bons « clients » pour les médias et leurs livres ne valent rien, d’autres ne passent pas du tout alors que leurs livres sont excellents. Perdu ou défiguré, un livre aura peut-être une nouvelle vie grâce aux blogs ?

    Refusant l’épithète de « séducteur », Jean d’Ormesson, « beau gosse » aux yeux bleus, avoue « un côté cabotin, c’est évident ». Les trois choses qu’il a le plus aimées ? Dans l’ordre, les bains de mer, les femmes, les livres. Avec son chic habituel pour surprendre, l'académicien révèle qu’il est fan de Julien – mais quel Julien ? lui demande son interlocuteur – quoi, vous ne connaissez pas Julien, de « La nouvelle star » ? Ce rappeur a fondé un rockclub, le « Jean d’Ormesson suicide club » et s’est tatoué « Jean d’Ormesson » sur l’épaule – pas moins.

    Thomas Clément confie avoir dû lire Balzac à quatorze ans (Le cabinet des antiques) et en garder un souvenir épouvantable. D’Ormesson a lu Proust au même âge, l’a trouvé assommant. Trop tôt, trop difficile. Dumas aurait été plus adapté, conviennent-ils. Qu’est-ce qui excite encore ce vieil homme si jeune, ce vieux jeune homme, disons ? Se promener, la mer, aller vite en voiture… Et bien sûr les formules vives, les phrases courtes, comme celle-ci, de Chateaubriand, qu'il aime citer : « Il faut être économe de son mépris étant donné le grand nombre des nécessiteux. » Ou cette terrible définition de l’amour par Proust : « une torture réciproque ».

    Je vous laisse, si vous visionnez l'entretien, découvrir la dégustation finale – de qui, ces délicieuses gaufrettes ? Et, à propos d’amour, je vous recommande le téléfilm en deux parties tiré récemment de La Chartreuse de Parme, plaisir plus visuel que littéraire, certes, mais quels décors, quels acteurs ! Relire Stendhal.

    Dans un entretien récent avec Beigbeder paru dans Le Temps, celui-ci se situe dans la même catégorie que Stendhal, à savoir le type d'écrivain « qui se mêle de tout et qui prend la parole ». D'Ormesson préfère s'amuser : « Ce que j’aime le plus avec les livres, c’est le ski. Mais il faut apprendre à skier. Tant que vous ne savez pas skier, vous ne vous amusez pas beaucoup. Une fois que vous maîtrisez, vous vous amusez à la folie. C’est la même chose pour les écrivains. Vous commencez par lire Arsène Lupin. Et vous finissez par Flaubert et Proust, en essayant d’éviter Sartre. Sauf Les Mots. » 

    Allez, un dernier titre, pour conclure, sur le conseil de son auteur : je serais d'humeur à ouvrir  Casimir mène la grande vie – vous l’avez lu ?

  • Tolstoï à sa femme

    Léon Tolstoï et sa femme s’écrivaient presque chaque jour, lorsqu’ils étaient éloignés l’un de l’autre. Le point de vue de Sofia, l’épouse de Tolstoï, apparaît largement dans Ma vie, dont je vous ai longuement entretenus à la fin de l’année dernière. Aussi m’en tiendrai-je cette fois à des extraits. Bernard Kreise a rassemblé dans Tolstoï, Lettres à sa femme, parmi les 839 lettres qu’il lui a écrites, « celles qui permettent de mieux connaître cet homme de génie, avec l’ombre de sa femme en contrepoint » (quelques lettres de Sofia sont reprises dans les notes). A l’exception de la première, la fameuse lettre où il lui demande de l’épouser en septembre 1862, il s’agit de lettres rédigées par Tolstoï (1828-1910) après ses cinquante ans, après La Guerre et la Paix et Anna Karénine. Elles vont du 11 juin 1881 au 30-31 octobre 1910, quelques jours avant sa mort.

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    « Maintenant, je vois les choses autrement. Je continue à penser et à ressentir de la même façon, mais je me suis guéri de cette erreur qui me poussait à croire que les autres peuvent et doivent tout envisager de la même façon que moi. J’ai été très coupable vis-à-vis de toi, ma chérie, coupable de façon inconsciente, involontaire, tu le sais, mais coupable tout de même. » (Métairie sur la Motcha, le 2 août 1881)

     

    « Quand je suis seul, je me représente toujours avec plus de clarté, plus de vivacité, la mort à laquelle je pense en permanence, et quand je me suis représenté que j’allais mourir sans amour, cela m’a terrorisé. Ce n’est que dans l’amour qu’on peut vivre dans le bonheur et ne pas s’apercevoir que l’on meurt. » (Iasnaïa Poliana, le 1er février 1885)

     

    « Toutes les choses, ou du moins la plupart de celles qui t’angoissent, comme les études des enfants, leurs résultats, les questions d’argent, même de publication, tout cela me semble vain et superflu. (…) Ma présence à Moscou, dans la famille, est presque inutile : les conventions de la vie là-bas me paralysent, la vie là-bas me répugne, encore une fois en raison de mon point de vue sur la vie d’une manière générale, que je ne peux changer, et là-bas j’ai moins de possibilités de travailler. » (Iasnaïa Poliana, le 17 octobre 1885)

     

    « Vous m’attribuez tout cela, mais il y a une chose que vous oubliez : c’est vous qui êtes la cause, la cause involontaire et fortuite de mes souffrances.

    Des hommes vont à cheval et derrière eux se traîne un être battu jusqu’au sang, qui souffre et qui se meurt. Ils ont pitié de lui, ils veulent l’aider, mais ils ne veulent pas s’arrêter. Pourquoi ne pas essayer de s’arrêter ? » (Moscou, 15-18 décembre 1885)

     

    « Tu emploies de nouveau les mêmes mots : une tâche au-dessus de mes forces ; jamais il ne m’aide, c’est moi qui fais tout ; la vie n’attend pas. Autant de paroles que je connais, mais, surtout, qui n’ont aucun rapport avec ce que j’écris et ce que je dis. J’ai dit et je continue de dire une seule et même chose : il faut chercher à comprendre et déterminer ce qui est bien et ce qui est mal, de quel côté aller ; si tu ne cherches pas à comprendre, il ne faut pas s’étonner que tu souffres et que les autres souffrent également. » (Obolianovo, le 21 ou le 22 décembre 1885)

     

    « Personne ne me distrait ni ne me dérange. Un livre, une réussite, du thé, des lettres, des pensées sur les choses bonnes ou sérieuses, sur le grand voyage à venir pour aller là d’où personne ne revient. Et c’est bien. Seules tes lettres me rendent terriblement triste – aujourd’hui c’est Tania qui l’était –, sachant que tu es toujours mélancolique. » ((Iasnaïa Poliana, le 9 novembre 1892)

     

    « Ce qui est affreux, c’est que tous ces écrivailleurs, ces Potapenko, ces Tchekhov, ces Zola et ces Maupassant ne savent même pas où est le bien et où est le mal : la plupart du temps, le mal, ils le considèrent comme le bien et de cette façon, sous le couvert de l’art, ils régalent le public en le pervertissant. » (Iasnaïa Poliana, le 20 octobre 1893)

     

    « Tu me demandes si je t’aime toujours. Mes sentiments pour toi maintenant sont tels qu’ils ne sauraient aucunement se modifier, il me semble, car il y a en eux tout ce qui peut lier des êtres. Non, pas tout. Il manque une concorde extérieure dans les croyances – , je dis extérieure, car je pense que nos divergences ne sont qu’extérieures et je demeure convaincu qu’elles disparaîtront. Le passé, les enfants, la conscience de nos fautes, la pitié, une attirance irrésistible nous lient aussi. Bref, tout est lié et solidement noué. Et je suis content. » (Iasnaïa Poliana, le 13 novembre 1896)

     

    « J’écris cela en particulier parce que je voudrais te souhaiter, ma chère Sonia, de t’adonner à une activité dont tu saurais qu’il s’agit de la meilleure chose que tu puisses faire, et qu’en la faisant tu demeurerais sereine face à Dieu et face aux hommes. (…) Quelle activité ? Je l’ignore et je ne peux te l’indiquer, mais elle existe, elle est propre à toi et est importante, elle est digne, c’est une activité sur laquelle on peut faire reposer sa vie entière, et il en existe une pour chaque individu, et elle ne consiste en aucun cas pour toi à jouer du piano et à aller assister à des concerts. » (Iasnaïa Poliana, le 26 novembre 1897)

     

    « En ce qui concerne le fait que tu ne m’as pas suivi dans mon évolution spirituelle personnelle, je ne peux te le reprocher et je ne te le reproche pas, car la vie spirituelle de tout individu est le secret qu’il entretient avec Dieu, et les autres ne peuvent rien exiger de lui. Et si je l’ai exigé de ta part, je me suis trompé et j’en suis coupable. » (Iasnaïa Poliana, le 14 juillet 1910)

     

    « Mon départ te peinera. Je le regrette, mais comprends et crois bien que je n’ai pu agir autrement. Ma situation à la maison devient, est devenue insupportable. En dehors de tout le reste, je ne peux plus vivre dans les conditions de luxe dans lesquelles j’ai vécu, et je fais ce que font habituellement les vieillards de mon âge : ils abandonnent la vie mondaine pour vivre dans la solitude et le calme les derniers jours de leur existence. » (Iasnaïa Poliana, le 28 octobre 1910)

  • Comme du ciel

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    Si la vie est immédiate et verte au bord des étangs, pour la rejoindre, il nous faut d'abord rejoindre ce qui en nous est comme de l'eau, comme de l'air, comme du ciel.

     

    Christian Bobin, Souveraineté du vide, Fata Morgana, 1985.

     

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    P.S.
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