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Perdu ou défiguré

La liberté de bloguer sur n’importe quel sujet est pour moi un des atouts majeurs de cette activité : ne pas être inféodé à « l’actualité », piocher au petit bonheur la chance sur les tables d’une librairie ou dans les rayons d’une bibliothèque, sortir un livre de la sienne pour le relire, commenter un titre désuet, suranné – deux adjectifs pleins de charme, vous ne trouvez pas ?  Un livre est-il jamais « périmé » ?

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Aussi je vous propose aujourd’hui d’aller à sauts et à gambades. La météo tristounette de ce début d’année à Bruxelles (tristolette ou tristouillette, si vous préférez ces variantes que je viens de découvrir dans le TLF)  joue les prolongations d’un mois de décembre (29 jours de pluie) dominé par le crachin (« Le triste et vilain mot, mélange de crachat et de chagrin », note Laurence Dardenne dans La Libre de ce week-end). Soyons donc légers, voulez-vous ? (Arrêtons de râler en découvrant les vœux des musées des beaux-arts en anglais exclusivement.)

Comment suis-je arrivée à cette vidéo de Clemtom ? Je ne sais. Au hasard d’internet, d’un clic, d’un lien... Le titre de ce billet, je l’ai puisé dans cet entretien avec Jean d’Ormesson délicieusement inactuel – pour la sortie de son recueil Odeur du temps en 2007 dans la maison d’édition de sa fille.  Il y assure n’avoir « rien fait » pour Héloïse quand elle l'a fondée, mais après deux ans, ce « rien » lui avait semblé « trop peu ». Je vous recommande, sur le site de léditrice, le texte de présentation du livre ; dOrmesson y recourt déjà beaucoup au passé composé, et commence ainsi : « Ce que j’ai fait de mieux dans ma vie, c’est ma fille. Je suis plus fier d’elle que de moi. »

On lui demande s’il est important pour un écrivain d’être vu à la télévision. D’Ormesson, dont je n’ai rien lu, à part l’un ou l’autre article, je le confesse, mais dont j’ai souvent savouré les prestations télévisuelles, affirme qu’ « un livre qui ne passe pas à la télé est un livre perdu. » Et ajoute aussitôt qu’« un livre qui passe à la télé est un livre défiguré », puisque transformé en spectacle. Certains écrivains sont de bons « clients » pour les médias et leurs livres ne valent rien, d’autres ne passent pas du tout alors que leurs livres sont excellents. Perdu ou défiguré, un livre aura peut-être une nouvelle vie grâce aux blogs ?

Refusant l’épithète de « séducteur », Jean d’Ormesson, « beau gosse » aux yeux bleus, avoue « un côté cabotin, c’est évident ». Les trois choses qu’il a le plus aimées ? Dans l’ordre, les bains de mer, les femmes, les livres. Avec son chic habituel pour surprendre, l'académicien révèle qu’il est fan de Julien – mais quel Julien ? lui demande son interlocuteur – quoi, vous ne connaissez pas Julien, de « La nouvelle star » ? Ce rappeur a fondé un rockclub, le « Jean d’Ormesson suicide club » et s’est tatoué « Jean d’Ormesson » sur l’épaule – pas moins.

Thomas Clément confie avoir dû lire Balzac à quatorze ans (Le cabinet des antiques) et en garder un souvenir épouvantable. D’Ormesson a lu Proust au même âge, l’a trouvé assommant. Trop tôt, trop difficile. Dumas aurait été plus adapté, conviennent-ils. Qu’est-ce qui excite encore ce vieil homme si jeune, ce vieux jeune homme, disons ? Se promener, la mer, aller vite en voiture… Et bien sûr les formules vives, les phrases courtes, comme celle-ci, de Chateaubriand, qu'il aime citer : « Il faut être économe de son mépris étant donné le grand nombre des nécessiteux. » Ou cette terrible définition de l’amour par Proust : « une torture réciproque ».

Je vous laisse, si vous visionnez l'entretien, découvrir la dégustation finale – de qui, ces délicieuses gaufrettes ? Et, à propos d’amour, je vous recommande le téléfilm en deux parties tiré récemment de La Chartreuse de Parme, plaisir plus visuel que littéraire, certes, mais quels décors, quels acteurs ! Relire Stendhal.

Dans un entretien récent avec Beigbeder paru dans Le Temps, celui-ci se situe dans la même catégorie que Stendhal, à savoir le type d'écrivain « qui se mêle de tout et qui prend la parole ». D'Ormesson préfère s'amuser : « Ce que j’aime le plus avec les livres, c’est le ski. Mais il faut apprendre à skier. Tant que vous ne savez pas skier, vous ne vous amusez pas beaucoup. Une fois que vous maîtrisez, vous vous amusez à la folie. C’est la même chose pour les écrivains. Vous commencez par lire Arsène Lupin. Et vous finissez par Flaubert et Proust, en essayant d’éviter Sartre. Sauf Les Mots. » 

Allez, un dernier titre, pour conclure, sur le conseil de son auteur : je serais d'humeur à ouvrir  Casimir mène la grande vie – vous l’avez lu ?

Commentaires

  • Tu as raison ton billet est tout à fait en communion avec le mien, d'Ormesson est l'écrivain qui a été le plus souvent invité chez Pivot et diable d'homme même quand le livre était moyen, il trouvait le moyen d'être pétillant d'humour et d'intelligence.
    J'adore la comparaison lecture/ski tout l'esprit de d'Ormesson est là dedans
    Cette jubilation je l'ai ressenti en relisant les trois livres sur les librairies dont je me suis servi pour cette série de billet, comme tu le dis très bien cela fait oublier le temps maussade, les lendemains de fête et les évènements internationaux guère réjouissants
    je vais aller regarder cette vidéo ...

  • bonjour
    je suis d'accord avec vous, sauf que j'ai tout de même lu en son temps "la gloire de l'Empire" de d'Ormesson.
    Quant au téléfilm dont vous parlez, si les décors sont excellents, les acteurs sont ....bof bof.

  • @ Dominique : Pétillant de la langue et du regard, quel causeur ! Je suis avec intérêt ta série sur les libraires, on en parle aussi sur Marque-pages. Bon amusement avec cette vidéo.

    @ Monsieur.h : Bienvenue et merci pour votre passage - même pas la Sanseverina ? Mosca ?

  • D'Ormesson est plaisant à écouter, pétillant comme je l'ai lu ci-dessus, et malgré cela ses livres ne m'accrochent pas.

    C'est bien de tirer des livres surannés de l'ombre, j'aime beaucoup le faire. Avec la distance, on s'y découvre des yeux inattendus.

    J'ai enfin ouvert la Chartreuse de Stendhal, moi qui n'aime pas les briques. J'ai une telle diversité de livres en attente que j'ai peur de faire devoir faire patienter Henri dans les semaines à venir.

    Et quel bon conseil en fin de votre billet. J'ai, pour ma part, commencé avec Bob Morane...

  • Peut-être d'Ormesson est-il meilleur dans ses aphorismes ?
    Livres en attente, au moins il ne faut pas faire le 1 ou le 2 ou le 3 ;-)
    Bob Morane : j'en ramenais une pile de la bibliothèque du quartier, jamais assez grosse pour tenir une semaine !

  • "Piocher au petit bonheur la chance" te réussit très bien Tania... un petit bonheur (d'ormessonien ?) ce billet ! Comme toi, j'adore écouter d'Ormesson à la télévision, il est si merveilleusement élégant ! J'ai tout de même lu, il y a longtemps, "Mon dernier rêve sera pour vous", qui nous raconte les amours de Chateaubriand. Le titre ne s'oublie pas mais je me souviens l'avoir lu avec un réel plaisir !

  • De Jean d'Ormesson, je n'ai lu "qu'au plaisir de Dieu" du temps où le feuilleton passait à la télévision. J'aime peut-être trop l'écouter pour le lire .. Je l'ai entendu raconter cette histoire de ski, quoiqu'il dise il est savoureux et sait accrocher son auditoire. Nous voilà un peu loin du crachin qui en effet ne nous lâche guère, merci.

  • Moi non plus je n'accroche pas aux livres de d'Ormesson. L'un de mes anciens petits amis m'a offert "Mon dernier rêve sera pour vous" mais je n'ai pas dépassé les deux premières pages. Son style est trop "propre sur lui", je dirais.
    Par contre la citation "il faut être économe de son mépris étant donné le grand nombre des nécessiteux" me plaît beaucoup surtout quand, comme moi, on se promène sans filet sur le net (Oui il était facile celle-là :)) et qu'on essuie des réflexions désobligeantes !

  • non, même pas la Sanseverina...mais je suis très difficile en matière d'acteurs. d'Ormesson est un feu follet médiatique. Il faisait les beaux jours d'Apostrophes et avec son bagoût et ses yeux bleus pétillants de malice. Il fut très haut fonctionnaire à l'Unesco, ce qui lui laissait semble-t-il le temps et la latitude d'écrire sans relâche. Son oncle Wladimir fut une pointure diplomatique et présida même l'ORTF au temps de Mongénéral.
    Nostalgie, nostalgie

  • @ MH : Merci, MH. "Merveilleusement élégant", d'Ormesson, je suis d'accord avec toi.

    @ Aifelle : C'est quelqu'un qu'on aime écouter, oui, jamais ennuyeux. Pas encore de pluie aujourd'hui même si l'horizon reste bouché, petit mieux.

    @ Euterpe : Ouch, un cadeau raté ;-) J'espère que tu passes entre les mailles du filet, garde ton cap.

    @ Monsieur.h : "Feu follet", d'Ormesson aimerait, je crois (voir l'extrait demain). Sur sa complicité avec Pivot, voyez cette amusante photo où l'on voit double : http://www.corbisimages.com/stock-photo/rights-managed/42-16950718/bernard-pivot-and-jean-dormesson-at-musee
    Son oncle Wladimir écrivait, peut-être tient-il de lui son goût d'écrire.

  • Entièrement d'accord avec toi sur les libertés offertes par le blog. Et tes sauts et gambades dans la littérature, loin du chaos de la rentrée littéraire sont un plaisir quotidien.

  • Rentrée de septembre, rentrée de janvier, l'édition vit décidément au rythme scolaire. Et même plus de mai du livre d'art en perspective ! Bloguons et gambadons, à bientôt. Merci.

  • Je suis d'accord avec ton premier paragraphe sur la liberté des blogs. Profitons-en! Je n'ai jamais lu rien d'Ormesson, mais je suis à chaque fois sous le charme lors de ses passages à la télévision...et j'espère vieillir aussi bien que lui! Bonne semaine Tania.

  • Liberté et indépendance : j'espère que beaucoup de blogs résisteront à l'invasion publicitaire pour maintenir cet esprit dans la blogosphère. Je te souhaite de vieillir aussi bien que d'Ormesson, bien sûr !

  • merci pour le lien et pour ce billet fort intéressant - pour ce qui est de bloguer, ma motivation est en baisse totale, je crois qu'il est temps que je fasse "autrement" ;)

  • Bonsoir, Niki. Les changements ont parfois du bon, mais j'espère que tu laisseras une fenêtre ouverte chez toi.

  • A voir ou à revoir, la première chronique de La semaine mythomane de Nicolas Bedos, avec Jean D'Ormesson parmi les invités. Mansuétude de l'écrivain face à l'enfant terrible de la télé. D'ormesson, loin de s'offusquer des quelques propos piquants, prend le chroniqueur au dépourvu en lui offrant une tendre accolade, avec humour. Beau moment, je trouve.
    https://www.youtube.com/watch?v=RSEc3xeGakE

  • Piocher au hasard et lire au hasard et en parler au hasard. Tout cela est une belle liberté. Celle du choix et de la parole. Je te souhaite une belle année 2013, de liberté et de ce choix des livres que tu racontes et qui rapprochent, même dans le virtuel.

  • @ D. : Excellent, ce Bedos prenant d'Ormesson pour mamie ! Merci d'ajouter de l'humour à ce début de semaine.

    @ Damien : Merci, Damien, et que les îles de 2013 te soient belles et accueillantes.

  • J'ai essayé de lire d'Ormesson mais je me suis souvent arrêté après quelques pages .
    Ses livres ressemblent à des conversations BCBG à bâtons rompus, comme dit Euterpe il est "bien propre sur lui".
    Un de ces livres résume bien ceci "Presque rien sur presque tout " que je n'ai pas réussi,comme les autres,à terminer.
    Mais il a des qualités indéniables, il est érudit, intelligent et surtout il n'est pas dupe de son "cabotinage" et cite des bons mots à tous bouts de champ.
    A mi-chemin entre désabusement et amusement il promène sur flegme et son éternel sourire sur les plateaux télé.
    On peut le trouver pétillant ou insipide mais il ne laisse pas indifférent.
    Mais peut-être aurais-je dû commencé par lire "Casimir mène la grande vie"?
    Tout l'art de piocher au petit bonheur la chance!

  • Sa bonne humeur médiatique est sans doute un masque, mais c'est un si bon comédien. Et il me fait rire, ce qui me fait le plus grand bien. Bonne soirée, Gérard.

  • Bonjour,
    Tu me réconfortes par ton introduction, un blogueur peut piocher dans sa bibliothèque. J'avais décidé de ne plus écrire car lire dix romans avant d'en trouver un qui plaît est décourageant. Je retiens que je ne suis pas obligée d'être actuelle. Merci.
    Par contre, j'ai lu les commentaires et moi je suis absolument fan de d'Ormesson. J'ai lu tous ses livres. Les derniers contenaient des pages déjà écrites dans les romans précédents mais qu'importe ! Je ne l'ai jamais trouvé ennuyeux mais mes livres préférés sont le premier "Au plaisir de Dieu" et "C'est une chose étrange que le monde"

  • Bonjour, Mado. Ah, je te souhaite bien du bonheur à relire, j'espère que tu nous en feras profiter.
    Tu n'es pas seule à avoir lu tout d'Ormesson, beaucoup de lecteurs & lectrices le suivent depuis longtemps et fidèlement. J'aime les titres de ses livres, en tout cas.

  • je partage totalement le commentaire de mado - j'ai abordé la lecture dans la blogosphère par le mauvais bout, plutôt que de lire ce que je possède, je me suis mise à acheter des quantités de bouquins pour "suivre le mouvement", ce qui est pourtant totalement opposé à mon caractère
    je vais reprendre mon "indépendance" (lol)
    en tout cas, merci pour ton billet, tania, et les commentaires qu'il a suscité car j'ai pu faire le point :)

  • Suivre plutôt son mouvement intérieur ? Belle résolution pour un début d'année en toute liberté, Niki. Relire permet de mieux distinguer les oeuvres qui résistent au temps, loin des modes, de celles qui divertissent, sans plus.

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