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roman - Page 110

  • Saison mentale

    Autumn, le titre anglais choisi par Philippe Delerm pour évoquer les peintres préraphaélites, raconte l’histoire de Dante Gabriel Rossetti, de ses muses et de ses compagnons dans cette aventure artistique et picturale, de 1850 à 1869, entre romantisme et symbolisme. « Mon automne éternelle, ô ma saison mentale » (Apollinaire, cité en épigraphe)

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    Dante Gabriel Rossetti, Beata Beatrix, 1872 (Elizabeth Siddal en Béatrice de Dante)

    Le récit commence par la fin, dans la propriété de Rossetti : « Octobre, le mot est doux à boire et triste comme un vin de mort, si riche encore du parfum de la vie. Feuilles d’ambre de Cheyne Walk, rousseur de chevelure immense, déployée sur le pavois du souvenir. Femme le parc, femmes les feuilles de papier, femme la terre et l’odeur douce-amère après la pluie, femme la mémoire. »

    La chambre d’Elizabeth Siddal, sa femme morte sept ans plus tôt, est devenue un « sanctuaire » où trône son portrait en Beata Beatrix. Dans le parc, Rossetti pense à la mission qu’il a confiée à des amis au cimetière de Highgate : déterrer le cercueil de « Lizzie » et reprendre le recueil de poèmes qu’il y avait déposé, The House of Live. Séquences narratives et lettres alternent dans Autumn. La première, de John Ruskin à Dante Gabriel Rossetti, ne condamne pas cette « profanation ». Lizzie, dont Ruskin était l’ami, ne la lui aurait pas reprochée.

    Retour en 1850, au temps des commencements. Le peintre Walter Deverell accompagne sa mère chez Harry’s au rayon des chapeaux – « Pour lui, le temps n’était jamais du temps perdu. » Il aime s’imprégner des atmosphères et repère parmi les ouvrières modistes une très belle jeune fille de 17, 18 ans, son « long cou de gazelle », « la rousseur profonde des cheveux relevés en lourds bandeaux flamboyants » – « Rossetti devait la voir. »

    John Millais se rend chez Rossetti, Charlotte Street, où ils ont scellé avec William Holman Hunt, un an plus tôt, le pacte secret « P.R.B. » (Pre-Raphaelite Brotherhood). Mais Rossetti les a trahis en exposant seul son Ecce ancilla Domini quelques jours avant l’événement prévu : exposer une toile de chacun, un triptyque comme un manifeste. Ainsi il s’est mis « à l’écart de l’orage » : la critique se déchaîne contre leurs sujets religieux et leur manière de les traiter, inspirée des primitifs italiens, loin de l’académisme. D’autres se joignent à eux : Deverell, Ford Madox Brown, James Collinson qui est amoureux de Christina (la plus jeune sœur de Rossetti) et aussi mystique qu’elle dans ses poèmes.

    Dans cette famille d’exilés italiens, Dante Gabriel Rossetti a reçu le prénom du poète adoré de son père devenu aveugle, qui lui a fait apprendre ses vers par cœur pour les lui réciter. L’arrivée d’Elizabeth Siddal avec Deverell sera le grand moment de la soirée. La jeune ouvrière va tout lâcher pour vivre avec Rossetti et poser pour lui et ses amis. Sa beauté le fascine, mais c’est dans les bas quartiers de Londres que le peintre erre la nuit – « Croiser longtemps le regard d’une fille était toute sa vie. »

    En signant trois colonnes dans le Times en faveur des préraphaélites, John Ruskin se rapproche d’eux et d’abord de Millais, qu’il invite chez lui. A trente-deux ans, le critique d’art est attiré par le symbolisme étonnant de ces peintres, les met en garde contre trop de romantisme. Chez les Ruskin, Millais découvre un couple peu assorti. Euphemia ne semble pas heureuse et lui dit : « ici, tout est clair et rangé, ici on ne vit pas vraiment. »

    Rossetti a décliné l’invitation, seule compte pour lui Elizabeth Siddal, qui devient à ses yeux bien plus qu’un modèle. Il lui apprend à dessiner, elle devient sa Béatrice, il l’appelle Lizzie ou The Sid. Dans l’atelier de Millais, elle pose pour Ophélie dans une baignoire d’eau chaude ; il la peint dans l’espace laissé libre sur la toile où il a déjà peint la rivière Hogsmill sur place, dans le Surrey.

    La jeune Elizabeth et Dante Gabriel vivent « ensemble séparés », on les croit amants et ça fait scandale. Quand Ruskin la voit pour la première fois – un jour où il arrive fâché contre le peintre qui n’arrive pas à se séparer de la toile dont il lui a procuré la commande –, il est séduit par les dessins de Lizzie, inquiet pour sa santé (elle tousse). A Rossetti, il expose son projet d’une université populaire, gratuite, où chacun pourrait s’initier aux arts, et lui propose d’y enseigner la peinture.

    Tous se retrouvent chez les Madox Brown, un jour d’été, jouent au croquet dans le jardin luxuriant. Ruskin les choque en écartant l’idée d’avoir des enfants pour qui mène une vie d’artiste. Sa femme a des raisons d’être malheureuse, il ne la touche pas. Millais aimerait la rendre heureuse. Quant à Rossetti, il s’est trouvé une compagne au corps parfait pour ses plaisirs, Fanny Cornforth.

    Autumn suit les préraphaélites d’année en année, leur aventure artistique, leur vie intime, les problèmes, les tensions, les scandales. Ruskin est soupçonné de s’intéresser de trop près à la fille d’une amie à qui il donne des cours de dessin, de même que le sera bientôt un certain Charles Dogson, alias Lewis Carroll. L’amitié de John Ruskin pour Elizabeth Siddal fait de lui un confident idéal, Rossetti en est jaloux.

    Philippe Delerm éclaire tour à tour les protagonistes de cet épisode très particulier dans l’histoire de l’art de la seconde moitié du XIXe siècle. On y verra la jonction avec le mouvement néo-gothique de William Morris et la naissance des Arts & Crafts. D’autres muses les inspirent, comme Jane Burden, et d’automne en automne, leur monde apparaît dans ses couleurs riches et singulières.

    Vous pouvez lire sur Imrama de nombreux extraits d’Autumn, abondamment illustrés (Ys Melmoth, « Un livre en images : Autumn (Philippe Delerm) »). Beaucoup d’idéal et d’excès, le goût de la mélancolie, des destinées différentes pour chacun. Celle de Dante Gabriel Rossetti, la plus flamboyante dans le bonheur de peindre, est aussi celle qui va s’éloigner le plus du bonheur de vivre.

  • Anne et le capitaine

    Dès que le nom du capitaine Frederick Wentworth apparaît dans Persuasion, le dernier roman achevé de Jane Austen (publication posthume en 1817, traduction nouvelle de l’anglais par Pierre Goubert en 2011), il est clair qu’Anne Elliot, qui a été amoureuse de lui à dix-neuf ans, mais s’est laissé persuader alors par Lady Russell, la meilleure amie de sa défunte mère et sa marraine, de ne pas « gâcher sa vie » avec ce jeune homme sans fortune et sans parenté connue, reste très sensible, sept ans plus tard, à toute mention de son nom en société.

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    Sir Walter Elliot contemplant avec satisfaction l'image que lui renvoie sa psyché (C. E. Brock, 1909)

    Après Elizabeth, l’aînée, Anne est la deuxième des trois filles de Sir Walter Elliot, « du château de Kellynch, dans le Somerset », « un homme qui, pour se distraire, ne choisissait jamais d’autre livre que la Liste des Baronnets ». A 54 ans, il est encore bel homme et son bonheur « d’être bien fait ne le cédait qu’à celui d’être baronnet ». Après la mort de leur mère, treize ans plut tôt, on avait pensé qu’il épouserait peut-être Lady Russell, également veuve, mais il était resté célibataire « pour le bien de ses filles chéries » et en particulier d’Elizabeth, qui ressemblait fort à son père. Mary la cadette, a épousé Charles Musgrove, ce qui lui donne « quelque importance », mais Anne, « c’était Anne, et rien de plus. »

    Elizabeth, plus belle à 29 ans que dix ans plus tôt, dirige le château en véritable maîtresse de maison, mais se tourmente de n’avoir encore reçu aucune demande en mariage acceptable – il lui faudrait « un authentique baronnet ». Il y a bien eu l’héritier présomptif de son père, William Walter Elliot, « gentleman » qu’elle avait songé à épouser, mais il avait dédaigné Kellynch, ignoré leurs invitations et épousé une femme riche « d’obscure naissance » ; il n’y avait plus de relations entre eux depuis lors. En cet été 1814, on a appris qu’il porte le deuil de sa femme, mais on n’est pas près de lui pardonner sa conduite pitoyable envers la famille de Sir Walter Elliot.

    A cela s’ajoute l’inquiétude financière. Depuis la mort de sa femme, Sir Walter vit au-dessus de ses moyens et plutôt que réduire ses dépenses au château, il préfère encore s’installer ailleurs et le louer. Bien qu’Anne n’aime pas Bath (comme Jane Austen), c’est là qu’il choisit d’aller vivre. Lady Russell a l’habitude d’y passer une partie de l’hiver et en raffole. Mme Clay, une fille de leur homme d’affaires revenue vivre chez son père avec ses deux enfants après un mariage malheureux, et amie d’Elisabeth, va les accompagner là-bas, ce que regrette Lady Russell, qui ne la juge pas digne d’une telle proximité.

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    « Enfin, vous voilà ! », déclare à Anne sa sœur Mary, si malade, lui dit-elle, qu'elle peut à peine parler. (C. E. Brock, 1909)

    L’amiral Croft va louer le château de Kellynch, et c’est ainsi que les officiers de marine vont faire devenir plus présents dans la vie des Elliot. Mme Croft est la sœur d’un certain Wentworth. Ils ont cru d’abord qu’il s’agissait de l’ancien vicaire de Monkford mais c’est en réalité le capitaine Wentworth, qui entre-temps a fait carrière et s’est constitué une belle fortune. Anne semble la seule à s’émouvoir de l’installation de sa sœur dans leur château.

    Désolée « de devoir renoncer à l’atmosphère de douce mélancolie propre aux mois d’automne à la campagne », Anne échappe quelque temps à Bath en répondant à l’appel de Mary : sa sœur est légèrement souffrante et la réclame à la Chaumière d’Uppercross. Cela ne fait qu’accentuer les craintes de Lady Russell par rapport à Mme Clay qui suit Elizabeth et son père à Bath ; même si elle n’est pas belle, elle est peut-être intéressée.

    « Mary n’avait ni l’intelligence d’Anne ni son heureux caractère. » Une légère indisposition et elle se plaint de tout, du vacarme que font ses petits garçons, de la solitude où la laisse son mari parti chasser. Mais la compagnie de sa sœur la guérit bientôt et elles se rendent chez ses beaux-parents, « de très braves personnes » quoique sans instruction ni distinction, et leurs filles Henrietta et Louisa Musgrove, 19 et 20 ans, qui « se donnaient pour seul but d’être à la mode, heureuses et gaies. »

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    La chute de Louisa dans les escaliers du Cobb (illustration de C. E. Brock, 1909).

    Jane Austen excelle à rendre le mode de vie, les manières, les préoccupations de ces deux familles et de leurs relations. « Anne n’avait pas eu besoin de cette visite à Uppercross pour apprendre que passer d’un groupe de gens à un autre, même si la distance n’est que d’une lieue, équivaut souvent à un changement complet de conversation, d’opinions et d’idées. » Les deux sœurs se doivent de rendre visite aux Croft une fois installés à Kellynch et elles apprennent ainsi que le frère de Mme Croft y est attendu pour bientôt. Un fils des Musgrove devenu marin et mort deux ans plus tôt à l’étranger disait souvent du bien du capitaine Wentworth dans ses lettres, sa mère a fait le rapprochement en entendant son nom associé à celui des Croft et espère quelque réconfort à le rencontrer.

    Pour découvrir le capitaine en chair et en os, observer comment Louisa tombe amoureuse de lui, comment Anne vit tout cela en gardant ses sentiments pour elle, à la campagne puis à Bath, où M. Elliot réapparaît dans la famille de Sir Walter sous des dehors très séduisants, il vous faut lire Persuasion, quelque trois cents pages où la romancière, sœur de deux officiers de marine, « prend fait et cause pour des hommes qui ont bien mérité de la nation et possèdent toutes les qualités requises pour être admis au même respect que les vieilles familles de propriétaires terriens » (notice du traducteur). Le titre est posthume, Jane Austen l’appelait « Les Elliot ». Positions sociales et affaires de cœur, voilà son sujet dans ce roman de mœurs et d’analyse, à travers les pensées d’une héroïne très attachante dans sa recherche du bonheur.

  • Jaloux

    Tirtiaux couverture.jpg« Luise, ma Luise, que n’as-tu commencé une seule de tes lettres par « Mon amour » plutôt que par ce « Mon grand frère adoré » qui maintient entre nous cette distance dommageable à mon cœur ? Tu me libérerais d’un poids terrible.

    Il y a un mot pour nommer ce sentiment, un mot qui me fait horreur parce qu’il rapporte tout à soi, qu’il juge et emprisonne l’autre, s’attribue ce qui ne nous appartient pas ; et ce mot n’est autre que « jalousie ». Je deviens jaloux de ton Daniel, de toi, de vous, d’un bonheur qui, dans ma petite tête, me revient de droit et qui m’est subtilisé. »

    Bernard Tirtiaux, Noël en décembre

  • Noël et Luise

    Un titre parfait pour un cadeau de Noël (merci) : Noël en décembre (2015) de Bernard Tirtiaux conte une histoire d’amour, celui de Noël pour Luise. Dans ce septième roman du maître verrier dont vous avez peut-être lu le premier, Le passeur de lumière, c’est Noël Molinaux qui raconte : « Je t’ai vue naître, Luise, de mes yeux vue, et, tout enfant que j’étais, ta venue est restée incrustée en moi comme si tu t’étais ramifiée à mes veines, greffée comme un écho aux battements de mon cœur, au timbre de ma voix. » (Incipit)

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    Sur les hauteurs de Saint-Jean-Sart (Aubel) © Isa (Les photos d’Isa)

    Un jeu de circonstances amène Klara von Ludendorff, fille unique d’un Berlinois fortuné, étudiante en chimie à l’Institut Solvay (Bruxelles), à accoucher en terre wallonne. Son amant enfui, elle a décidé de garder l’enfant. Ses parents chez qui elle rentre à la fin de l’année universitaire n’en savent rien. Le 27 juin 1914, dans un train en route vers Cologne, elle ressent les premières contractions.

    Au signal d’alarme, le train s’arrête « en pays de Herve entre bocages et prairies », près d’une route où Léopold, 13 ans, et Noël, 4 ans et demi, accompagnent le vieux Jeff sur une charretée de foin. Coïncidence, leur mère est sur le point d’accoucher en présence du Dr Duculot, un cousin. C’est la grand-mère de Noël qui vient en aide à Klara : Luise naît sous les yeux du gamin, juste avant sa petite sœur, Lucienne.

    Klara n’a pas de lait – la mère de Noël allaite donc aussi « ce petit chat blond aux yeux très bleus dont la fixité (le) fascinait ». Sur les conseils du grand-père, ancien maïeur du village, Klara regagne Berlin seule, à la mi-juillet, « pour se donner le temps d’arrondir les angles ». Mais elle ne revient pas en août 1914, entre-temps l’Allemagne a envahi la Belgique.

    Le père de Noël est appelé ; il compte sur Léopold, « un débrouillard de première » pour veiller sur la ferme avec ses grands-parents. Bientôt les bombardements autour de Liège leur font prendre la route de l’exode. Deux mois plus tard, ils retrouvent la maison pillée, tout sens dessus dessous.

    Noël 2014 est le premier des nombreux Noëls racontés dans ce roman, un moment fort dans la famille, « l’événement majeur de l’année ». Malgré la guerre, on décore le sapin, on prépare le banquet familial, l’abbé Varlet est convié : grives et sandres de Meuse en entrée, purée de marrons et biche rituelle, grâce au grand-oncle braconnier. La cave a été dévalisée, mais Léopold a ramené du vin et du champagne d’une maison en ruine.

    Le grand-père tient son interminable discours de circonstance quand des soldats « boches » font irruption, les enferment tous dans l’arrière-cuisine pour se rassasier de toutes ces bonnes choses. Il ne leur reste que les bûches à se partager. Fou rire tout de même quand un oncle reprend alors un passage du discours tenu juste avant : « Ayons une pensée solidaire pour nos braves soldats et les quelque 600 000 prisonniers… » !

    Ambiance de guerre, passage des saisons. Noël entre à l’école primaire en septembre 1915. Son père est prisonnier en Allemagne, ses sœurs grandissent – Luise est considérée comme telle – et Noël veille sur elles quand sa mère ou sa grand-mère sont trop occupées. Doué pour le dessin, il aime les croquer, Lucienne la ronde et Luise la claire qui chantonne, matin, midi et soir.

    Leur grand frère Léopold s’amuse de tout, ose tout. A la messe de minuit de Noël 1917, à laquelle des Allemands assistent aussi, Léopold disparaît après la communion. Une embuscade attend au retour la voiture de l’officier et de ses acolytes, attaquée, brûlée. La réponse est terrible : les trois fils aînés des voisins sont fusillés et cinq autres adolescents. Quand Léopold réapparaît à la fin de la semaine, sa mère lui donne une gifle monumentale et il s’en va.

    La guerre terminée, le père revient, affaibli. Léopold donne rarement des nouvelles, ne parle que de lui et de ses exploits dans ses lettres. Tous craignent à présent le retour de Klara pour venir reprendre Luise, mais elle ne se manifeste pas. Quand la petite « va sur ses huit ans », on décide de lui raconter d’où elle est venue. Elle confie à Noël sa tristesse de ne pas être de leur sang. Il la rassure : depuis sa naissance, elle est son « étoile » et il la défendra toujours, y compris contre ceux qui l’accusent d’être allemande ou juive.

    Ce n’est qu’en 1922 qu’une lettre arrive de Vienne : Klara y explique son silence par obéissance à son mari épousé pendant la guerre, mort depuis deux ans. Elle vient de se remarier avec Josef Stern, un juriste, et ils sont prêts à accueillir Luise. Quand ils l’emmèneront, Noël, le cœur arraché, les traitera de « Sales Boches ! Voleurs d’enfants ! » Son premier Noël sans Luise est d’une tristesse à peine consolée par un merveilleux cadeau : un appareil photographique.

    Noël en décembre suit les péripéties de cet amour indéfectible de Noël pour Luise. Entre les deux familles, des liens forts subsistent, on se revoit, on s’écrit, on fête Noël ensemble, en Belgique ou à Vienne. Noël devient journaliste, Luise musicienne, une pianiste très appréciée. Mais la deuxième guerre mondiale les entraînera tous dans la tourmente : sans nouvelles de Luise, Noël fera tout pour la retrouver, en espérant qu’elle ait survécu.

    Le récit parcourt une trentaine d’années, de juin 1914 à décembre 1945, au sein d’une famille wallonne confrontée deux fois à la guerre avec l’Allemagne. Comme l’écrit Marguerite Roman (Le Carnet et les Instants), Bernard Tirtiaux y a mis « des personnages attachants, ce qu’il faut de suspense, d’inquiétude et de consolation. »