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Littérature - Page 487

  • Du grain à moudre

    « Il faut que mon dessin donne du grain à moudre au lecteur : qu’il se dise, au

    vu du dessin, qu’il se passe quelque chose, qu’il s’en nourrisse quelques secondes, s’en amuse, rebondisse et finalement aille à l’essentiel, en passant plus de temps sur la page qui va lui éclaircir les détails. Je suis un passeur. Le lecteur sera d’accord ou non avec mon dessin et conclura son propre débat intérieur avec l’article. »

     

    Plantu, Permis de croquer

     

    Plantu, La souris de l'ONU.gif
  • Dessins de presse

    N’est-ce pas absurde d’écrire sur ce qui doit se regarder autrement, des dessins ? Permis de croquer (2008), de Plantu et Frédéric Casiot, propose Un tour du monde du dessin de presse. Le livre sort à l’occasion d’une exposition éponyme à la Bibliothèque historique de la Ville de Paris (jusqu’au 9 mars 2009), pour les soixante ans de la Déclaration universelle des Droits de l’homme. Vingt-six artistes de dix-huit nationalités contribuent à ce panorama du dessin de presse contemporain.

     

    « L’humour qui les anime leur permet de prendre une certaine distance avec l’actualité, sans jamais se départir de l’objectif final qui, pour les artistes intégrés au réseau Dessins pour la paix / Cartooning for Peace, reste la promotion des principes de tolérance et de fraternité en tant que fondement de la paix » écrit dans la préface Kofi Annan, Président d’honneur de cette fondation. L’objectif, selon Frédéric Casiot, Conservateur général de la Bibliothèque Forney, est de « mettre en valeur le travail journalistique du dessinateur de presse » et de « favoriser le débat sur les conditions d’exercice et la défense de la liberté d’expression. » Son introduction est suivie de quatre pages d’entretien avec Plantu, puis de cent trente-cinq dessins de la meilleure veine, chacun en pleine page.

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    Affaires d’Etat aborde l’actualité politique, d'abord au Proche-Orient. Un dessin de Patrick Chappatte (Le Temps, 24.1.2008) n’a rien perdu de sa force un an plus tard. On y voit deux militaires surveiller la course d’une foule de Palestiniens sous une banderole « Gaza – Journées Portes ouvertes ». Des milliers d’habitants avaient profité des brèches percées dans le mur frontalier avec l’Egypte, il y a un an, pour s’y ravitailler. Au Moyen-Orient, la guerre en Irak est évidemment la cible numéro un. Mais il y a aussi ce dessin du Japonais No-Río sur l’Afghanistan où l’on discerne dans un champ de pavots, se confondant avec leurs capsules, des têtes d’hommes armés : la production d’opium y a augmenté de 17 % en 2007, finançant l’insurrection et les activités criminelles.

     

    Sans chauvinisme, j’avoue que le dessin qui m’a le plus amusée dans cette section est celui de Pierre Kroll (Le Soir, 6.1.2007) à propos de l’élargissement de l’Union européenne. Au-dessus, l’Europe en 1957 : six bonshommes répondent en chœur à l’employée : « Café ? – Oui, merci. » En dessous, l’Europe en 2007, où chacun des 27 membres de l’immense table ronde répond différemment : « Café au lait – Moi, café noir – Sans sucre – Chocolat chaud – Thé citron – Thé – Thé et jus d’orange… » ou encore « Cappuccino – Un café long – Un crème – Expresso – Un petit serré… » et je n’en ai cité que douze ! Imaginez le haut en noir et blanc, le bas en couleurs ; avec la mixité nouvelle des représentants européens, on a une formidable image du kaléidoscope de l’actuelle Union européenne.

     

    Peu de femmes se sont fait un nom dans le dessin d’actualité. J’ai découvert dans Permis de croquer la caricaturiste américaine Ann Telnaes avec un étonnant passage de relais (New York Times, 6.4.2008) entre Goebbels, le ministre d’Hitler, croix gammée sur le bras, et le Président chinois Hu Jintao à qui il tend le flambeau de la propagande. Trait incisif, mouvement, message, tout y est, avec une concision remarquable. Plus léger, pour dénoncer le sort des Tibétains, le dessin de Giorgio Forattini (Panorama, 10.4.2008) sur le même thème. Le dalaï-lama, suspendu aux anneaux olympiques devenus ballons, brandit en souriant une paire de ciseaux pour couper la corde à laquelle il est suspendu.

     

    Le choc des cultures dénonce en particulier la situation des femmes dans les pays qui les maltraitent. SOS Terre se passe de commentaire. Dans Portraits des puissants, un réjouissant Sarkozy par Kichka : le long manteau bleu de Louis XIV peint par Rigaud est ici couvert d'étoiles à la place des fleurs de lys (Courrier international, 2.7.2008) et Sarkozy de proclamer « L’Europe… C’est moi ! » Délit d’humour enfin revient sur l’affaire des caricatures de Mahomet. On se rappelle le célèbre
    « Je ne dois pas dessiner… » de Plantu qui a fait la une du Monde (3.2.2006).

     

    Plantu, Kichka, Dilem, Kroll, ces dessinateurs passent régulièrement dans l’excellente émission Kiosque sur TV5. Permis de croquer permet de découvrir d’autres signatures, du monde entier, qu’on s’empressera de chercher sur internet, à l’affût de leurs derniers traits de crayon. A leur manière, ils remplissent la mission que Molière assignait au théâtre, faire réfléchir tout en amusant.

  • Presque rien

    « Un regard, ce n’est presque rien. Sans signification particulière, sans conséquence. Et c’est ce qui continue à me stupéfier, encore aujourd’hui : que l’existence d’un être puisse être bouleversée par quelque chose d’aussi éphémère, d’aussi périssable. Chaque jour, nous croisons des centaines de regards, dans la rue, dans le métro, au supermarché. C’est une réaction instinctive : vous remarquez quelqu’un en face de vous sur le trottoir, vos yeux se rencontrent une seconde et vous continuez votre chemin l’un et l’autre, et c’est terminé. Alors pourquoi ? Pourquoi ce regard-là aurait-il dû tant compter ? Il n’y avait aucune raison, et cependant… Il a tout changé, irrévocablement. Sauf qu’aucun d’entre nous ne s’en doutait, au moment où il s’est produit.
    Parce que ce n’était qu’un regard, après tout. »

     

    Douglas Kennedy, La poursuite du bonheur.

     

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  • Pour l'histoire

    La poursuite du bonheur, titre qui annonce bien des drames, est signé de l’auteur à succès Douglas Kennedy. Recommandé par une amie, ce roman américain publié en 2001 dépeint les milieux culturels new-yorkais dans la seconde moitié du vingtième siècle.

     

    Kate Malone enterre sa mère. Elle confie son fils à son ex-mari pour parler à son frère, arrivé à la dernière minute. Le « fils indigne » qui n’a pas cherché à revoir sa mère avant la fin est visiblement mal à l’aise. C’est Kate qui s’est occupée d’elle,
    Kate qui va ranger le petit appartement dans lequel leur mère vivait chichement à Manhattan. Et c’est à Kate que s’adresse une inconnue, Sara Smythe, dans une lettre de condoléances où elle affirme la connaître depuis son enfance. Elle souhaite la rencontrer, mais Kate, en deuil, n’en a aucune envie. Jusqu’au jour où lui arrive par la poste un album de photos ; elle y reconnaît ses parents et toutes les étapes de sa propre vie. Alors elle se décide à rencontrer cette Sara, âgée de soixante-dix ans :
    le père de Kate, mort peu après sa naissance, a été « le grand amour de sa vie ».
     

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    Flash-back en 1945. Soirée new-yorkaise, à la veille de Thanksgiving, dans l’appartement d’Eric Smythe, le grand frère de Sara. Pour lui, elle est simplement S., « S. pour "Sara" ou pour "Soeurette" ». Etudiant brillant, il a déçu leurs parents en préférant à une carrière classique la vie de bohème à Greenwich Village. Sara aussi s’est rebellée, a repoussé un prétendant bien sous tous rapports. Elle tente sa chance comme journaliste à New York, où Life lui accorde un stage. Ce soir-là chez son frère, son regard croise celui d’un bel Irlandais, Jack Malone. Coup de foudre à Manhattan. Jack repart avec l’armée le lendemain, ils n’ont qu’une nuit devant eux. « Il savait parler, oui, mais aussi écouter. Et les hommes sont toujours dix fois plus séduisants quand ils ont le don de mettre une femme en veine de confidences. »

     

    Jack et Sara se racontent leur vie, se donnent rendez-vous neuf mois plus tard, à son retour, et promettent de s’écrire entre-temps. Jack manque terriblement à Sara, qui lui envoie lettre sur lettre mais n’en reçoit aucune. Leur histoire d'amour, riche en péripéties, n’est pas toujours à la hauteur de la formule de Puccini citée par l’auteur :
    « Du sentiment, oui, mais pas de sentimentalité. » Un coup de foudre fait-il forcément le bonheur ?

     

    Une belle affection lie Eric et Sara, c’est un autre fil du récit. Le frère et la sœur se soucient beaucoup l’un de l’autre, s’encouragent dans la voie qu’ils ont choisie à contre-courant de leur éducation. Après la publication d’une nouvelle jugée prometteuse, Sara se consacre surtout à “Tranches de vie”, sa chronique hebdomadaire pour Saturday/Sunday. « Oui, je découvrais pas à pas qu’écrire est d’abord un étrange défi lancé à soi-même. » Eric, qui travaille pour le théâtre, n’arrive pas à terminer la pièce de ses rêves. Sympathisant communiste, libertaire, il se retrouve sur la liste noire des maccarthystes qui menacent de révéler son homosexualité s’il ne veut pas lui-même leur livrer des noms. Cèdera-t-il ou non ? « C’est par nos choix que nous nous définissons. » Et l'on comprendra pourquoi Sara Smythe et Kate Malone devaient absolument se rencontrer un jour.

     

    Un roman à lire donc surtout pour l’histoire et son contexte. Conflits professionnels, affaires de famille, espoirs déçus, réussites, surprises bonnes ou mauvaises de l’existence, la description du quotidien (argent, sommeil, alcool...), souvent réaliste, cède parfois aux arrangements providentiels. Avec une écriture factuelle, des
    dialogues surabondants, un style plutôt cinématographique, Douglas Kennedy déroule La poursuite du bonheur sur quelque huit cents pages. « Et puis vous disparaissez, et plus personne ne se souvient du roman qu’a été votre vie. »

  • Les choses manquées

    « Le Paradis. Oui, peut-être. Mais peut-être aussi que c’est bien ennuyeux le Paradis. Deux ans après, la France qui perd de justesse est devenue la France qui gagne, au Championnat d’Europe des nations. Platini marque le coup franc le plus foireux de sa carrière (on dira désormais une « arconada » pour désigner une toile aussi spectaculaire que celle du gardien espagnol). Tout le monde est joyeux, bien sûr. Mais pas aussi joyeux qu’on était triste le 8 juillet 1982. Normal. C’est tellement fort, la mélancolie – un peu comme l’adolescence. Et toutes les choses qu’on a manquées de justesse sont tellement plus grandes que celles qu’on a réussies. » (A la cinquante-sixième)

      

    Philippe Delerm, La tranchée d’Arenberg et autres voluptés sportives

     

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