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Nikos & Gioconda

Nìkos Kokàntzis (1930-2009) offre dans Gioconda (traduit du grec par Michel Volkovitch) un récit amoureux qui m’a beaucoup plus émue, je le reconnais, que celui de Laurine Roux lu juste avant. Non seulement parce que « Ceci est une histoire vraie », comme indiqué en première page, mais parce que l’auteur a raconté ce magnifique amour de jeunesse dans un style limpide, « vibrant de naturel et de sensualité » (Antoine Pamiers dans Télérama).

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Kokàntzis se souvient avec nostalgie de son ancien quartier à Thessalonique, « connu du temps de sa beauté », où il est né et a grandi, où il a vécu la guerre et l’Occupation allemande. « Il y avait alors là-bas une maison pauvre, devenue très importante pour moi. » Et un semblant de jardin avec un grand figuier qu’il a conservé dans son cœur.

Le terrain vague entre cette maison et la sienne était le lieu de rendez-vous de leur bande : deux cousins et lui, plus quatre filles et deux garçons plus jeunes, les enfants de la famille voisine. Ceux-ci, des juifs, étaient pauvres, bien que propriétaires de leur maison, et accueillants. La mère avait de beaux grands yeux bruns, « pleins de chaleur et de gaieté », comme ses enfants, sauf Gioconda, la quatrième, d’un an plus jeune que lui, aux yeux « gris-bleu qui louchaient un peu », sa compagne de jeux préférée.

« Elle fut mon amie la plus proche depuis que nous sûmes parler jusqu’au jour où elle partit, à quinze ans, avec toute sa famille, emmenée par les Allemands. Deux ans avant cette séparation, elle fut la première femme qui me lança un sourire différent de tous ceux que j’avais connus jusqu’alors, et dont elle-même devait ignorer le sens, levant les yeux jusqu’aux miens quelques instants, dans la pénombre d’une soirée de printemps, tandis que nous étions debout, vaguement mal à l’aise, sous l’abricotier de son jardin – un sourire timide, fugitif, qui m’emplit d’un trouble, d’un vertige inconnus. »

Le rapprochement entre eux deux, la jalousie ressentie par rapport à un cousin de Gioconda plus âgé et séduisant, les premiers troubles du corps, le premier baiser et l’éveil de la sexualité, tout est raconté avec une telle délicatesse qu’on redoute d’arriver aux pages terribles de leur séparation. J’ignorais le sort des familles juives de Thessalonique, déportées à Auschwitz, où Gioconda est morte. On pourrait rapprocher ce livre d’autres récits courts et intenses comme L’Ami retrouvé de Fred Uhlman ou Inconnu à cette adresse de Kathrine Kressmann Taylor pour la qualité de la narration, sobre et prenante.

C’est trente ans après, en 1975, que Nìkos Kokàntzis s’est décidé à raconter cet amour si parfait, si tragique, comme un « mémorial » qui lui survivrait. Gioconda est le seul livre qu’il ait écrit. Il nous a fait ainsi ce précieux cadeau de raconter si justement les émois de l’adolescence, ce pas à pas de la première relation amoureuse, avec pudeur et intensité. Beaucoup de lecteurs et de lectrices, sans doute, y prendront un bain de jeunesse.

Commentaires

  • Il me semble avoir remarqué ce livre sur un autre blog, Miriam peut-être. Ma bibliothèque l'a, je viens de vérifier ; je note pour un emprunt prochain.

  • Bonne lecture prochainement, Aifelle.

  • J'ai lu ce roman par curiosité il y a quelques années, cette lecture m'a émue plus que je ne m'y attendais. Comme toi, j'ai pensé à L'ami retrouvé ( relu également avec émotion il y a peu )

  • Merci, Marilyne, pour cette émotion partagée. A bientôt sur Lire & Merveilles.

  • Je l'ai lu il y peu et je l'ai comme toi beaucoup aimé. Un livre court mais très fort, une histoire d'amour sur fonds d'histoire de la Grèce...et en plus la seule oeuvre de l'auteur. C'est vrai que tu as raison de le rapprocher de "l'ami retrouvé", je n'y avais pas pensé. Je suis heureuse de découvrir aujourd'hui ton ressenti.

  • Ton billet est en lien, je m'en souvenais, Manou, et il m'a incitée à lire ce beau récit, merci.

  • Merci, je note "ce bain de jeunesse" déjà lu chez Manou, oui.

    Je suis en train de me creuser la tête pour me rappeler de mon premier amour, héhé. Le premier baiser, oui, je m'en souviens...bref ce sera un plaisir de lire ce roman Grec, vrai. merci.

  • Bonne lecture de ce livre un jour ou l'autre, Colo.

  • Merci Tania, je note, je note surtout si ce livre est dans la même veine que "l'ami retrouvé" ou" inconnu à cette adresse".
    C'est aussi tellement émouvant de savoir que c'est le seul livre écrit par cet auteur, cet amour tient une place encore plus belle, touche presque au sacré....

  • Oui, il y a de ça. Merci, Claudie & bon week-end de Noël.

  • Je me souviens de ce livre, une tranche de vie dans une période terrible. J'ai vu le portrait (un autoportrait) qui est en première de couverture dans un musée à Moscou. Il y avait aussi un tableau de cette peintre représentant ses enfants, charmants, et qui lui ressemblent.

  • Merci de me rafraîchir la mémoire, Claudialucia. Tu avais très bien présenté ce récit et aussi la peinture de Zenaida Serebriakova. Je rappelle le lien pour info :
    https://claudialucia-malibrairie.blogspot.com/2022/02/nikos-kokantzis-gioconda.html

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