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Du bruit

Kafka dessin grille.jpg« Et je veux écrire, avec un tremblement perpétuel sur le front. Je suis assis dans ma chambre, c’est-à-dire au quartier général du bruit de tout l’appartement. J’entends claquer toutes les portes, grâce à quoi seuls les pas des gens qui courent entre deux portes me sont épargnés, j’entends même le bruit du fourneau dont on ferme la porte dans la cuisine. Mon père enfonce les portes de ma chambre et passe, vêtu d’une robe de chambre qui traîne sur ses talons, on gratte les cendres du poêle dans la chambre d’à côté, Valli demande à tout hasard, criant à travers l’antichambre comme dans une rue de Paris, si le chapeau de mon père a été bien brossé, un chut ! qui se veut mon allié soulève les cris d’une voix en train de répondre. La porte de l’appartement est déclenchée et fait un bruit qui semble sortir d’une gorge enrhumée, puis elle s’ouvre un peu plus en produisant une note brève comme celle d’une voix de femme et se ferme sur une secousse sourde et virile qui est du plus brutal effet pour l’oreille. Mon père est parti, maintenant commence un bruit plus fin, plus dispersé, plus désespérant encore et dirigé par la voix des deux canaris. Je me suis déjà demandé, mais cela me revient en entendant les canaris, si je ne devrais pas entrebâiller la porte, ramper comme un serpent dans la chambre d’à côté et, une fois là, supplier mes sœurs et leur bonne de se tenir tranquilles. »

Kafka, Journal (1910, 5 novembre)

Dessin de Kafka, Homme entre des grilles (source)

Commentaires

  • Beaucoup d'écrivains travaillent la nuit, ou se lèvent vers 4-5h du matin pour écrire. Pour le silence, sûrement
    Merci Tania..

  • Promenades dans le monde kafkaïen, un monde dérangeant plein de surprises, de malaises, d'étonnements, de bruits assourdissants, d'angoisses constantes, univers où rien n'est lisse, où tout est fait pour provoquer une stimulation et une déroute cérébrale permanente. On en sort rarement indemne. Un monde qui ressemble au nôtre aujourd'hui. Hélas !

  • Je ne peux rajouter de mots à ce qu'écrit Kafka, seulement aux tiens à travers les siens. .Merci de nous offrir ces extraits. Je lis ton blog comme le matin, je bois mon thé fumé; je le savoure!
    Bon 1° mai!

  • Le monde des bruits, parfaitement décrit et à son opposé le monde du silence existe-t-il vraiment dans l'absolu?
    Mais ce que nous appelons silence, ce à quoi nous aspirons est un luxe de nos jours, surtout en ville.
    Merci pour cette lecture.

  • Je viens de relire tes textes de Kafka, tu nous offres une belle plongée dans son univers. Celui-ci est mon préféré pour le détail, la finesse d'un seul de ses sens, l’ouïe. Merci Tania ! Belle fin de semaine et bises.

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