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Prêter l'oreille

benjamin,walter,le raconteur,article,littérature allemande,récit,leskov,art de raconter,récit et roman,culture« La détente du corps culmine dans le sommeil ; celle de l’esprit culmine dans l’ennui. L’ennui est l’oiseau des rêves qui couve l’œuf de l’expérience. Le bruissement des feuilles dans les arbres le fait s’envoler. Les nids qu’il façonne – les activités intimement liées à l’ennui – ont déjà disparu des villes et déclinent aussi dans les campagnes. Ainsi se perd le don de prêter l’oreille ; ainsi s’éteint la communauté de ceux qui savent le faire. L’art de raconter des histoires, c’est toujours aussi bien l’art de les re-raconter, et il se perd lorsque les histoires ne sont plus retenues. Il se perd, parce que l’on ne tisse ni ne file plus tout en leur prêtant l’oreille. Plus celui qui écoute s’oublie lui-même, plus ce qu’il entend s’imprime profondément en lui. Quand le rythme du travail s’est emparé de lui, il prête l’oreille aux histoires d’une manière telle que le don de les raconter lui échoit aussi spontanément. Ainsi se forme le filet au sein duquel repose le don de raconter. Ce filet se défait aujourd’hui de toutes parts, après avoir été noué, il y a des milliers d’années, dans l’univers des plus anciennes formes de l’artisanat. »

Walter Benjamin, Le raconteur

Commentaires

  • L'image est belle, oui. J'y ai repensé en entendant des psychologues rappeler aux parents l'importance pour leur éveil de laisser les enfants s'ennuyer.

  • Bonsoir Tania, j'aime beaucoup l'écriture de Walter Benjamin, je ne connais pas celui-ci, ton passage me donne très envie de le lire. à bientôt, Claude

  • figure-toi tania, qu'un jour mon fils aîné (5 ans à l'époque) me fit comme remarque, alors que je parlais d'inscrire les enfants à des stages de vacances = mais est ce qu'on ne pourrait pas ne rien faire ?
    (avec mes fils pas besoin de psy pour mettre les parents au pas :D )
    mais c'est là que j'ai compris que les vacances ce n'était pas pour faire nécessairement des stages de sport ou autre, mais pour être simplement chez soi

  • Je dissocie "ne rien faire", tranquille, ludique, ouvert à "s'ennuyer" qui pour moi est porteur d'attente vaine et un peu triste. Aujourd'hui, ne rien faire m'est positif, un délicieux repos, et de toute façon l'ennui je ne sais pas comment il pourrait bien se manifester. Petite, je m'ennuyais, par exemple le dimanche, parce de faire grand-chose, je tournais beaucoup en rongeant mon frein. Je dis ça d'après les commentaires, parce qu'après tout, dans le texte, ce que j'en comprends est loin d'être négatif, et définit plutôt le farniente -qui est beaucoup- plutôt que l'ennui : question de définition ?

  • @ Claude : Et le sujet et le style m'ont donné envie de lui faire de la place ici.

    @ Nikole : Tu as raison, Nikole, de distinguer ces états d'inactivité - on pourrait parler aussi de l'oisiveté. La façon d'appréhender un temps creux est si différente s'il est imposé ou choisi.

  • Quelle jolie façon d'enjoliver l'ennui ! Ce n'est pas de lui que naît la mélancolie. Non, l'ennui est davantage l'écume de l'indifférence dans sa condition la plus abstraite. De l'ennui vient toutes sortes de pulsions salvatrices, le goût d'un soi intérieur, une appétence de chercheur d'or.

  • Votre description de l'ennui rejoint "l'oiseau des rêves" de Benjamin.
    Bon dimanche, Armelle.

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