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Une vocation

Proust Le temps retrouvé Poche.jpg« La perception de ces vérités me causait de la joie ; pourtant il me semblait me rappeler que plus d’une d’entre elles, je l’avais découverte dans la souffrance, d’autres dans de bien médiocres plaisirs. Alors, moins éclatante sans doute que celle qui m’avait fait apercevoir que l’oeuvre d’art était le seul moyen de retrouver le Temps perdu, une nouvelle lumière se fit en moi. Et je compris que tous ces matériaux de l’oeuvre littéraire, c’était ma vie passée ; je compris qu’ils étaient venus à moi, dans les plaisirs frivoles, dans la paresse, dans la tendresse, dans la douleur emmagasinée par moi, sans que je devinasse plus leur destination, leur survivance même, que la graine mettant en réserve tous les aliments qui nourriront la plante. Comme la graine, je pourrais mourir quand la plante se serait développée, et je me trouvais avoir vécu pour elle sans le savoir, sans que jamais ma vie me parût devoir entrer jamais en contact avec ces livres que j’aurais voulu écrire et pour lesquels, quand je me mettais autrefois à ma table, je ne trouvais pas de sujet. Ainsi toute ma vie jusqu’à ce jour aurait pu et n’aurait pas pu être résumée sous ce titre : Une vocation. »

Marcel Proust, Le temps retrouvé

 

 

 

 

 

 

 

Commentaires

  • J’ai lu attentivement ce texte en m’attachant davantage sur la forme que sur le fond. … J’ai buté sur le premier paragraphe, très subtil, quant à sa forme tant orthographique que littéraire ! … "Subtilité" proustienne, sans doute. …

    « D’entre elles » s’accorde avec « vérités » (pluriel). … Si on continue « je l’avais découverte » (singulier). … et ce jeu de pluriel et singulier continue. … « subtilité » de langage proustien, sans doute. … Cependant, il faut une fameuse gymnastique des méninges pour comprendre. … C’est aussi sans doute là que réside le « génie » proustien de la manipulation et de la subtilité des phrases !!! … Beau sujet pour un prof de français ...

  • Cela fait 2 ans que j'ai acheté dans la collection "Quarto Gallimard" A la recherche du temps perdu. Il faut que je m'y attelle sans tarder! Merci du rappel!

  • Comme Doulidelle j'ai rarement pu terminer un ouvrage de Proust, perdant souvent le fil du récit au détours d'une phrase "alambiquée".
    Je comprends que l'on ait de l'admiration pour cet écrivain, pour son style très reconnaissable et pour les réflexions qu'il transmet. Je me demande quand même s'il est à la portée de tous les lecteurs "de base" dont je fais partie.
    Ce n'est pas une accusation, bien au contraire, mais pour apprécier un livre il faut en avoir les clés. C'est peut-être ce qui manque à beaucoup aujourd'hui.
    Malgré tout, sans avoir toutes les clés ( certaines sont à usage unique), et lorsqu'on creuse un peu, l'esprit tourmenté et subtil de ce grand écrivain nous aide quand même à nous poser de multiples questions sur notre propre temps perdu ou retrouvé.
    Merci pour ce passage et pour le résumé (pas facile) dans le billet précédent.
    Très beau dimanche Tania

  • Jamais pu aller jusqu'au bout de ma lecture, pourtant ce n'est pas faute de m'y être accrochée mais mon esprit devient trop vagabond. Bon dimanche

  • Merci pour vos billets sur Proust.
    Merci pour cet incroyable extrait... c'est de la dentelle. Il faut le lire plusieurs fois pour l'apprécier pleinement. A chaque lecture un éclairage apparaît, quelle finesse dans la pensée, quelle délicatesse dans les sentiments ! Belle journée !

  • Merci pour vos billets sur Proust.
    Merci pour cet incroyable extrait... c'est de la dentelle. Il faut le lire plusieurs fois pour l'apprécier pleinement. A chaque lecture un éclairage apparaît, quelle finesse dans la pensée, quelle délicatesse dans les sentiments ! Belle journée !

  • je te remercie pour tous ces billets très complets on saura désormais où piocher avant ou après avoir lu ou relu un des tomes de la Recherche
    je viens de lire un petit guide du naufragé amusant et ce qui arrive en tête absolue pour une île déserte et bien c'est la Recherche !

  • @ Doulidelle : Qui sait, peut-être Proust aurait-il encore remanié ces phrases, s'il en avait eu le temps. "Le Temps retrouvé" est posthume. Quand le narrateur se demande s'il arrivera au bout de son œuvre, ce n'est pas une figure de style.
    Oui, ces changements de nombre sont singuliers ;-) Dans "il me semblait me rappeler que plus d’une d’entre elles, je l’avais découverte dans la souffrance, d’autres...", il passe d'une vérité à plusieurs autres. Mais cela empêche-t-il de comprendre immédiatement ce qu'il veut dire ?
    Pour ma part, j'aime cette danse des mots qui nous arrivent par des sentiers nouveaux, je l'avoue. Et quand je bute sur un passage, je le relis tout haut, j'y mets la respiration, et cela coule de source.
    Peut-être qu'écouter le texte en livre audio serait une meilleure manière d'y entrer si l'on bloque là-dessus ? Bon dimanche, Doulidelle.
    En tout cas, merci pour ce commentaire très attentif. Bon dimanche.

    @ Alezandro : Le premier pas est fait. Bonne lecture !

    @ Gérard : Je conseille toujours de commencer par "Un amour de Swann" pour entrer dans "La Recherche", ou pourquoi pas, par les extraits dans la collection des petits classiques Larousse. La musique de son style, la profondeur de l'introspection alliée à la finesse de l'observation... il semble qu'on y soit sensible ou pas. Certains écrivains me laissent aussi sur le seuil sans que j'arrive à continuer, les "affinités électives" ne s'expliquent pas forcément.

    @ Chinou : Sa ligne toute en arabesques oblige à beaucoup d'attention, c'est vrai.

    @ Witchy : Merci, Witchy, d'apprécier ce beau passage.

    @ Dominique : J'aime aussi découvrir d'autres lectures que la mienne, il y en a beaucoup dans la blogosphère et la rédaction de ces billets m'a fait découvrir plus d'un "fou de Proust".
    Je souscris sans réserve à ton guide du naufragé !

    @ Un petit Belge : Rien qu'un extrait laisse apercevoir son génie littéraire, non ?

  • Comme le souligne Tania, la première des oppositions pluriel/singulier est normale et compréhensible, … les suivantes le sont moins et posent question. …

    D’autre part, intrigué par sa remarque nous apprenant que « Le Temps retrouvé » est posthume, je me suis davantage documenté, ce qui m’a permis de découvrir sur Wikipédia un facsimilé de textes à l’état de brouillon et dans lequel on constate que ceux-ci sont abondamment surligné, corrigé, raturé, collé d’ajout, à tel point qu’on peut se demander si Proust n’aurait pas corrigé ce passage à la lecture de l’épreuve avant sa publication, … c’est d’ailleurs ce que suppose Tania au début de sa réponse à mon commentaire. …

  • En effet, publié quatre ans après la mort de Proust, "Le Temps retrouvé" est la section de la Recherche qui se présente "dans l'état le plus inachevé" (note de La Pléiade). Le manuscrit autographe étant difficile à lire par endroits à cause de l'usure du papier (bords, plis), l'éditeur s'est basé sur une copie dactylographiée d'époque. Les photos des pages manuscrites t'auront donné une idée de la tâche !

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