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Sorcellerie

antelme,robert,l'espèce humaine,récit,témoignage,essai,nazisme,camp,kommando,ss,gandersheim,1944-45,seconde guerre mondiale,travail forcé,humanisme,culture« Francis est revenu près de ma paillasse. Les autres dormaient. Une petite veilleuse qu’on avait posée sur le montant du lit faisait une tache jaunâtre dans le noir. Francis avait envie de parler de la mer. J’ai résisté. Le langage était une sorcellerie. La mer, l’eau, le soleil, quand le corps pourrissait, vous faisaient suffoquer. C’était avec ces mots-là comme avec le nom de M… qu’on risquait de ne plus vouloir faire un pas ni se lever. Et on reculait le moment d’en parler, on le réservait toujours comme une ultime provision. Je savais que Francis, maigre et laid comme moi, pouvait s’halluciner et m’halluciner avec quelques mots. Il fallait garder ça. Pouvoir être son propre sorcier plus tard encore, quand on ne pourrait plus rien attendre du corps ni de la volonté, quand on serait sûr qu’on ne reverrait jamais la mer. Mais tant que l’avenir était possible, il fallait se taire. »

 

Robert Antelme, L’espèce humaine

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